Violences à la Réunion: «Des jeunes m'ont dit qu'ils voulaient recommencer mercredi soir»
INTERVIEW Une journaliste du «Journal de l'île de la Réunion» raconte à «20 Minutes» le sentiment des habitants d'un quartier de Saint-Denis qui vient de vivre une nuit de violences...
Anne Mariotti, reporter au Journal de l’île de la Réunion, a passé la matinée de ce mercredi dans le quartier populaire du Chaudron, à Saint-Denis, qui a connu une flambée de violence dans la nuit de mardi à mercredi. Elle y a rencontré habitants et commerçants pour recueillir leurs témoignages et leurs sentiments. Contactée par 20 Minutes, elle fait le point sur l’ambiance, alors que le calme est revenu dans le quartier mercredi matin.
>> Regardez par ici tous les reportages vidéo tournés mercredi matin dans le quartier du Chaudron.
Visuellement, à quoi ressemblait le Chaudron mercredi matin?
Je m’y suis rendue un peu avant 8 heures pour voir l’ampleur des dégâts. L’avenue Leconte de Lisle, qui traverse le Chaudron, est saccagée. Toutes les poubelles ont été éventrées, certaines voitures ont été incendiées. Ça donnait vraiment une impression de chaos.
Quel est le bilan de cette nuit de violences?
Selon la préfecture, une dizaine de magasins ont été saccagés ou incendiés, une pharmacie a été totalement dépouillée, sa caisse brûlée après avoir été pillée. Il y a eu 13 interpellations, dont 8 gardes à vue, et un policier a été légèrement blessé. D’après la mairie, ce qui va coûter le plus cher n’est pas tant la dégradation du mobilier urbain que le nettoyage, avec toutes ces poubelles éventrées.
Quel est le sentiment des commerçants victimes de pillage ou de dégradations?
La frustration, déjà, parce que tous les commerçants dont les magasins ont été attaqués, qu’ils soient gérants ou salariés, ne pouvaient pas travailler ce matin à cause de l’état de leurs établissements. L’incompréhension, aussi, parce qu’il ne s’agit pas de magasins de première nécessité! J’ai parlé à la gérante d’un magasin de hi-fi, qui ne comprenait pas: ça n’a plus rien à voir avec une manifestation contre la vie chère. C’est juste un pillage sans organisation ni revendications. Ils me disent: «A quoi ça sert, de fracasser des commerces de proximité, alors que c’est là que nous vivons?»
Comment la situation a-t-elle pu dégénérer?
Hier [mardi soir, ndlr], les routiers, remontés depuis plusieurs jours contre le prix des carburants, ont bloqué la SRPP [Société réunionnaise des produits pétroliers, ndlr] mais dans la soirée, le mouvement leur a échappé des mains. Ils ont été rejoints par environ 300 personnes énervées, et la situation a dégénéré quand les routiers ont annoncé la levée du blocus. Ensuite, le quartier du Chaudron s’est embrasé, vers 22 heures, en même temps que le Port [ville à l’ouest de l’île, ndlr]. Les policiers ne s’y attendaient pas, c’est aussi ça le sentiment ici: que la police a été prise de court par les débordements. Surtout que sur place, les forces de l’ordre se sont vraiment concentrées sur la défense du Score, une grande surface qui avait déjà été pillée lors des événements du Chaudron en 1991.
Y a-t-il un risque de revoir le quartier s’embraser mercredi soir?
Certains le pensent. Des jeunes que j’ai rencontrés ce matin m’ont dit qu’ils comptaient recommencer ce soir. Mais les policiers devraient mieux quadriller le quartier et se concentrer cette fois aussi sur le Chaudron, pas que sur le Port.