Deux légistes accusés d'atteinte à l'intégrité d'un cadavre

JUSTICE Ils sont cités à comparaître par une vingtaine de familles devant le tribunal de Béthunes (Pas-de-Calais), ce jeudi...

Vincent Vantighem
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Hervé Louvrié a alerté les autorités en juin 2008.
Hervé Louvrié a alerté les autorités en juin 2008. — no credit

Les témoignages versés  au dossier évoquent des défunts «dépecés comme des bêtes» et des  «organes jetés dans des sacs poubelles». Deux médecins légistes qui  travaillaient à Lens (Pas-de-Calais) sont cités à comparaître,  ce jeudi, devant le tribunal de Béthune pour «atteinte à l’intégrité  d’un cadavre».

Pour le moins  inhabituelle, la procédure rassemble aujourd’hui une vingtaine de  familles. Dont celle de Betty Louvrié qui a alerté les autorités dès  juin 2008. «Ma femme souffrait d’une psychose inguérissable,  raconte Hervé, son époux. Elle s’est suicidée en absorbant un produit  corrosif…» Au moment du drame, les policiers commencent par refuser à  Hervé de voir le corps de sa femme. Comme toujours lorsqu’il s’agit d’un  suicide, une autopsie est alors pratiquée.  «Quand il est revenu, le cercueil était scellé, poursuit Hervé. Au  final, l’agent des pompes funèbres m’a tout avoué.» Devant les  enquêteurs, cet agent a raconté que le corps de la défunte n’avait pas  été «recousu» et que ses organes avaient été «déposés dans  le cercueil sur ses pieds, dans un sac en plastique noir». Devant  l’horreur, l’agent des pompes funèbres refuse d’habiller la défunte avec  la petite robe noire qu’Hervé lui avait pourtant donnée. «Je l’ai  placée au pied du corps dans le cercueil.» 

Les plaintes ont d’abord été classées sans suite

En alertant les  autorités, Hervé Louvrié interpelle plusieurs familles du Pas-de-Calais  qui ont des doutes sur l’autopsie qu’ont subie leurs proches.  Quarante-sept familles se manifestent. Une vingtaine portent  plainte. Saisi, le parquet de Béthune décide pourtant de les classer  sans suite, la loi ne prévoyant aucun délit en ce qui concerne la  pratique de l’autopsie. «De ce fait, nous avons cité les deux médecins  légistes à comparaître directement devant le tribunal,  explique Philippe Missamou, l’avocat des plaignants. Toutes ces  familles n’ont pas pu voir le corps de leurs proches. Des doutes  subsistent.» C’est justement ce que relève Vincent Potié, l’avocat des  deux médecins. «J’ai lu beaucoup de choses. Des doutes,  oui. Mais j’attends encore l’ombre d’une preuve.» 

Bientôt une spécialité en fac de médecine

Président de la  Collégiale des médecins légistes français, Patrick Chariot sait bien que  l’autopsie est un sujet extrêmement délicat. «Il y a sans doute eu des  dérives par le passé, reconnaît-il. Mais aujourd’hui,  il ne devrait plus y en avoir.» Et encore moins à l’avenir. D’après  lui, une spécialité «légiste» devrait bientôt voir le jour en faculté de  médecine. «C’est un métier qui demande du respect et un peu  d’expérience, poursuit-il. Le corps doit être reconstitué  à l’identique. Les incisions recousues sans traces de sang. Ce travail  doit servir à la justice mais aussi à la famille.» Ce jeudi, il réunira  les deux au tribunal de Béthune.