Professeur immolée par le feu: Ses collègues alerte sur les difficultés de leur mission

DRAME L'enseignante est décédée des suites de ses blessures...

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Le lycée Jean-Moulin de Béziers (Hérault), le 13 octobre 2011.
Le lycée Jean-Moulin de Béziers (Hérault), le 13 octobre 2011. — B.HORVAT / AFP

Elle n'a pas survécu. L'enseignante du lycée Jean-Moulin de Béziers qui s'était immolée par le feu jeudi dans la cour de l'établissement est décédée ce vendredi des suites de ses blessures. Depuis le drame, ses collègues ont exprimé leur désarroi et leur difficulté à mener à bien leur mission. Selon une source médicale, l'enseignante de 44 ans, professeur de mathématiques, «était brûlée au 3e degré sur 95% du corps». «Le corps a besoin de la peau pour respirer et avec ces brûlures, elle n'aurait pas pu survivre en raison des infections», a ajouté cette source.

«Nous attendons donc l'engagement responsable de nos autorités»

A la mi-journée, les collègues de l'enseignante avaient lu, devant les grilles du lycée, un message de «solidarité pour Lise», brandissant de petites pancartes blanches intitulées «Plus jamais ça», «On veut des actes». «Hier (jeudi, ndlr), une enseignante a choisi de s'immoler dans la cour du lycée à l'heure de la récréation. Cet acte symbolique nous bouleverse et nous interroge tous», avaient déclaré les 280 professeurs du lycée dans ce communiqué.

«Son geste appelle à la solidarité de l'ensemble des personnels et témoigne de notre difficulté à accomplir notre mission. Nous attendons donc l'engagement responsable de nos autorités», ajoutaient-ils. Interrogé par l'AFP à la nouvelle du décès, l'un d'eux, Christophe Quittet, a annoncé la tenue d'une «marche blanche» lundi à 14h au départ de l'établissement. Selon lui, les cours ne reprendront pas lundi matin, en vertu d'un droit de retrait éventuellement reconductible.

Ce vendredi, l'établissement avait rouvert ses portes pour accueillir les élèves et enseignants qui souhaitaient être entendus par la cellule de soutien psychologique, qui avait déjà pris en charge jeudi après-midi plusieurs dizaines d'élèves très choqués et qui devait encore fonctionner plusieurs jours. Une action est par ailleurs prévue mercredi à Montpellier, dont le point d'arrivée sera l'inspection d'académie, selon Christophe Quittet.

La «pression ambiante était peut-être trop forte»

La victime donnait des cours depuis 10 ans dans ce grand lycée de 3.000 élèves, deuxième cité scolaire du Languedoc-Roussillon. Selon plusieurs témoins, elle avait annulé le cours qu'elle devait donner entre 9h et 10h jeudi. Puis, peu avant la récréation, elle s'est placée sous le préau et s'aspergée d'essence très calmement avant d'y mettre le feu et d'avancer dans la cour sous les yeux des élèves, terrifiés, dont certains lui sont venus en aide.

Décrite comme très fragile psychologiquement, notamment suite au décès de son neveu, l'enseignante «bénéficiait d'un accompagnement pédagogique et médical», avait indiqué jeudi le ministre de l'Education nationale Luc Chatel, venu sur les lieux, refusant à ce stade de confirmer le lien, avancé par le parquet, entre ce geste de désespoir et son activité professionnelle. Si ses collègues se veulent prudents sur les raisons de cet acte, l'un d'entre eux estimait jeudi soir, sous couvert de l'anonymat, que la «pression ambiante était peut-être trop forte» et qu'«une écoute aurait peut-être évité ce passage à l'acte».

«Au cours des années, on a vu le métier évoluer, le public changer, les réformes arriver, des réformes nécessaires mais bien souvent menées à l'emporte-pièce, sans discernement, dans l'urgence, et à un moment donné il peut arriver ce genre de geste», confiait-il. Au niveau national, le Snes, premier syndicat du secondaire, a réclamé un «débat» sur le métier d'enseignant après cette «tragédie». Il souhaite notamment «interpeller le ministre sur l'importance de la mise en place d'une véritable médecine du travail dans l'Education nationale» et l'amélioration des «conditions générales de travail des enseignants, dont la pénibilité s'est considérablement accrue ces dernières années».