L'Europe ouvre une enquête sur le Médiator

EXCLUSIF L'Office de lutte anti-fraude a décidé d'ouvrir une enquête interne pour «vérifier les allégations de conflits d'intérêts» au sein de l'Agence européenne du médicament...

Vincent Vantighem
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Une boîte de Mediator, médicament retiré de la vente en novembre 2009 et soupçonné d'avoir causé au moins 500 morts en France.
Une boîte de Mediator, médicament retiré de la vente en novembre 2009 et soupçonné d'avoir causé au moins 500 morts en France. — AFP PHOTO/FRED TANNEAU

Il aura mis quelques mois à prendre sa décision. Mais finalement,  l'Office européen de lutte anti-fraude (Olaf) a décidé, vendredi 22  juillet, d'ouvrir une enquête interne sur les responsabilités  européennes dans l'affaire du Médiator. Six mois après l'Agence  française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps), c'est  donc cette fois-ci l'Agence européenne des médicaments (EMA) qui est  clairement visée.

Plusieurs conséquences possibles

Dans   le document d'enquête que 20 Minutes a pu consulter, l'Olaf précise  qu'il «va vérifier les allégations de conflits d'intérêts» au sein de  l'EMA. Avec plusieurs conséquences possibles: «Classement sans suite,  recouvrement financier, saisine des autorités disciplinaires de l'organe  communautaire concerné et/ou renvoi du dossier aux autorités  judiciaires nationales.»

«Des canards boiteux à dénoncer»?

La  décision de l'Olaf fait suite à une saisine, à la fin-février, par deux  eurodéputées Europe Ecologie: Eva Joly et Michèle Rivasi. Cette  dernière se félicite, aujourd'hui, de la tournure des événements. «L'histoire du Médiator n'est pas qu'une histoire française,  confie-t-elle. S'il y a des canards boiteux à l'échelle européenne, il  faut les dénoncer.» 

Selon nos informations, l'Olaf a de grandes chances  d'en trouver. Le 4 avril dernier, 20 Minutes a ainsi publié un dossier  démontrant  l'existence de conflits d'intérêts entre certains experts de l'EMA et  des laboratoires. La mise sur le marché du Valdoxan (aujourd'hui sous  surveillance) a été validée par deux expertes portugaises qui  entretenaient des liens avec Servier, pouvait-on notamment y apprendre.

L'EMA déjà critiquée le 11 mai dernier 

Aujourd'hui,  Michèle Rivasi et Eva Joly plaident pour une refonte du fonctionnement  de l'Agence européenne du médicament. Cette dernière est clairement  critiquée depuis quelques mois au sein même du Parlement européen. Le 11  mai dernier, les eurodéputés réunis à Strasbourg ont ainsi refusé  d'octroyer «la décharge» de l'EMA en séance plénière. 

Derrière ce terme  barbare se trouve en fait le symbole du bon fonctionnement des agences  européennes. Se faisant, les eurodéputés ont clairement demandé à l'EMA  de modifier en profondeur son fonctionnement en raison notamment de la  possible existence de conflits d'intérêts.

Deux français dans le viseur

Lors  de leurs investigations, les experts de l'Olaf vont sans doute se  concentrer sur les cas d'Eric Abadie et de Jean-Michel Alexandre. Le  premier, directeur de l'EMA, a toujours nié être en lien avec des  laboratoires mais le doute persiste. Quant au second, il a quitté l'EMA  il y a peu de temps pour rejoindre...les laboratoires Servier. 

Au moment  de la saisine, Eva Joly concluait son propos de cette manière: «Quand  on veut découvrir s'il y a des conflits d'intérêts, ce n'est pas d'où  viennent les experts qu'il faut regarder mais où ils vont...»