Procès Colonna: La défense avance un nouveau scénario

JUSTICE Colonna affirme que les assassins lui avaient proposé d'être membre de leur groupe mais qu'il avait refusé...

Reuters
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Yvan Colonna devant la cour d'assises de Paris le 4 mai 2011.
Yvan Colonna devant la cour d'assises de Paris le 4 mai 2011. — AFP PHOTO/BENOIT PEYRUCQ

Yvan Colonna, jugé une troisième fois pour  l'assassinat du préfet de Corse Claude Erignac en 1998, a affirmé ce mardi  pour la première fois que les assassins lui avaient proposé d'être  membre de leur groupe mais qu'il avait refusé. Cette «révélation» à la cour d'assises a permis à sa défense de  présenter une nouvelle thèse à l'audience: le militant nationaliste  aurait été mis en cause par les assassins qui lui en voulaient de ce  refus et pensaient qu'il les avait dénoncés.

Cette thèse a provoqué l'ironie de l'avocat de la veuve du préfet,  Yves Baudelot: «C'est la première fois en 12 ans que vous nous  présentez ce nouveau scénario», a-t-il fait remarquer. Ce dossier, qui en est à son cinquième procès, tourmente depuis 13  ans police et justice. Il est à la confluence des problèmes politiques  de l'île, car ce crime est le plus violent survenu en 40 ans de  violences nationalistes. Yvan Colonna a dit à la cour avoir été approché par Pierre  Alessandri, l'un des membres avérés du groupe de tueurs, juste avant  qu'ils ne passent à l'action contre le préfet.

La première fois qu'il donne cette version depuis son  arrestation en 2003

«Pierre Alessandri m'a proposé de faire partie du groupe, ce que  j'ai refusé. Après, je n'ai plus rien cherché à savoir», a-t-il dit.  C'est la première fois que l'accusé donne cette version depuis son  arrestation en 2003. Sa défense a ensuite produit des pièces du dossier montrant selon  elle que des policiers pensaient en 1999 qu'il pouvait avoir été  l'informateur de Bernard Bonnet, successeur de Claude Erignac. Le préfet  menait ses propres investigations sur l'assassinat.

Pour les avocats d'Yvan Colonna, ces données sont la clé des  dépositions des cinq hommes ayant reconnu leur participation au crime.  Quatre d'entre eux ont accusé pendant des années le berger d'avoir tiré  trois balles dans la tête du préfet, avant de se rétracter. Entendus mardi par la cour, trois de ces cinq hommes ont déclaré  qu'Yvan Colonna ne faisait pas partie de leur groupe, mais de manière  ambiguë.

Ferrandi tend à confirmer un recrutement avorté

Alain Ferrandi, 50 ans, le chef supposé du groupe, condamné à  perpétuité, a assuré ainsi qu'Yvan Colonna ne «faisait pas partie du  groupe», sans jamais employer le mot «innocent» à son propos ou se  tourner vers lui. Prié par l'avocat général de dire pourquoi il avait maintenu ses  accusations contre Yvan Colonna pendant quatre ans de 1999 à 2003, 12  interrogatoires en garde à vue et 18 devant les juges d'instruction, il a  même envoyé une pique à l'accusé. «Je me disais qu'il avait les moyens de justifier de son innocence.  Compte tenu de l'entregent de son père, il n'avait pas besoin de moi»,  a-t-il dit.

Jean-Hugues Colonna, père de l'accusé, fut député socialiste et membre des cabinets de deux ministres de l'Intérieur. Alain Ferrandi a cependant abondé dans le sens des déclarations de  l'accusé sur son recrutement avorté: «Peut-être a-t-il été approché ou  était-il au courant de quelque chose...» Il a dit aussi l'avoir un temps soupçonné d'avoir informé le préfet  Bernard Bonnet, mais il n'a pas clairement dit que c'était la raison de  sa mise en cause. Deux autres membres du groupe, Martin Ottavianni et Marcel Istria,  ont également assuré qu'Yvan Colonna était étranger à l'affaire, en des  termes également ambigus.

Martin Ottavianni, qui purge une peine de 20 ans de réclusion pour  sa participation au crime en tant que chauffeur, a dit que le nom d'Yvan  Colonna lui avait été dicté par les policiers. Les deux derniers membres du groupe de tueurs, Didier Maranelli,  condamné à 25 ans de réclusion, et Pierre Alessandri, condamné à  perpétuité, déposeront mercredi et jeudi. Le second dit depuis 2004  qu'il est le véritable auteur des coups de feu.