La circulaire sur les Roms, illégale à plusieurs niveaux

JUSTICE Pas sûr qu'elle reste applicable longtemps...

Oriane Raffin
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G.JULIEN / AFP

La circulaire du 5 août 2010, au coeur de la polémique autour de la politique gouvernementale envers les Roms, est-elle contraire à la loi? C’est ce qu’affirment plusieurs associations et personnalités politiques. Décryptage.

Avec quels textes la circulaire est-elle en contradiction?
Dans le droit français
Selon Jean-Pierre Dubois, président de la Ligue des Droits de l’homme joint par 20minutes.fr, la circulaire «va à l’encontre de l’article 1 de la Constitution» qui affirme «égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion». Et si cela ne suffisait pas, il souligne également qu’elle s’oppose à l’article 225-1 du Code pénal, qui stipule que «constitue une discrimination toute distinction opérée entre les personnes physiques à raison de leur origine, (...) de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée.»

Dans le droit européen
Au niveau européen, elle risque d’être contraire à la Convention européenne des Droits de l’homme. La Commission européenne a d’ailleurs rappelé ce lundi qu'aucune catégorie de population ne pouvait être visée en Europe du fait de son origine ethnique. Mickael Goubin, avocat à Rennes, précise aussi que la circulaire va à l'encontre de l'article 4 du protocole 4 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui interdit les expulsions collectives.

Dans le droit international
Même l’ONU s’inquiète. La Haut commissaire de l'ONU aux droits de l'Homme, Navi Pillay, a jugé «préoccupante» la «nouvelle politique» du gouvernement français envers les Roms, «qui ne peut qu'exacerber leur stigmatisation» et leur «extrême pauvreté». Les «rhétoriques souvent stéréotypées et discriminatoires», explique-t-elle, faites par des «responsables et les médias». Concrètement, la circulaire peut être considérée comme en opposition avec le pacte international relatif aux droits civils et politiques, datant de 1966. 

Quels sont les recours possibles?
«Toute personne intéressée, notamment les associations, peut s’adresser au Conseil d’Etat», explique à 20minutes.fr Mickael Goubin, avocat. Et ce, quelque soit le texte mis en cause. «On peut demander au Conseil d’Etat de statuer sur les textes français ou européens», poursuit l’avocat. Et si ça ne marche pas, il est ensuite possible de déposer un recours devant la Cour européenne des Droits de l’homme.

Par ailleurs, au nom de la Ligue des Droits de l’homme, Jean-Pierre Dubois dit étudier «les suites pénales à donner à cette circulaire, à l’encontre de Brice Hortefeux, dans l’exercice de ses fonctions de ministre». «Il faut que la justice fasse son travail, nous allons probablement écrire au procureur de la Cour de cassation, afin de saisir la Cour de justice de la République.  On ne peut pas condamner des personnes pour discrimination, des gérants de boîtes de nuit, par exemple, et laisser les ministres faire, s’insurge-t-il, d’autant que c’est un récidiviste, qui a déjà été condamné pour insultes raciales».

Une annulation de la circulaire signifierait-elle la fin des expulsions de Roms?
Non. «C'est avant tout symbolique», explique Mickael Goubin. D'autant qu'il y a d'autres circulaires... Néanmoins, selon l'avocat, «cette décision pourrait être invoquée au cas par cas, lors de recours individuels de Roms devant des tribunaux administratifs».

La circulaire va-t-elle rester applicable?
C’est l’autre question que pose le site de Public Sénat. En effet, cette circulaire ne figure pas sur le site circulaires.gouv.fr, hébergé par le site du Premier ministre, qui est censé lister toutes les circulaires. 

Or, selon le site de la chaîne, «en regardant d’un peu plus près le décret n° 2008-1281 du 8 décembre 2008 relatif aux conditions de publication des instructions et circulaires, il est fait état que “les circulaires et instructions adressées par les ministres aux services et établissements de l'Etat sont tenues à la disposition du public sur un site Internet relevant du Premier ministre. Elles sont classées et répertoriées de manière à faciliter leur consultation. Une circulaire ou une instruction qui ne figure pas sur le site mentionné au précédent alinéa n'est pas applicable.”»

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