A Aubervilliers, un «village d'insertion» pour sortir les Roms de la misère
REPORTAGE Une vingtaine de familles a quitté les bidonvilles pour des mobil homes qui leur assurent un minimum de confort...
«Il nous coûte cher, mais il ne nous apporte que du bonheur». Le maire PS d’Aubervilliers, Jacques Salvator, n’est pas peu fier d’accueillir dans sa commune le premier village d’insertion de Roms. Installé à quelques encablures du centre-ville, il a accueilli dès sa mise en place, début 2007, vingt familles Roms, soit une centaine de personnes, pour une durée préalable de trois ans.
Le «village» est coincé sous un pan de l’A86 et du RER B, constitué d’une dizaine de mobil homes jaunâtres, de trois pièces maximum, plantés dans un environnement, clos, très sommaire: sol de graviers, quelques platebandes d’herbes folles, un ou deux arbres ici et là et deux ou trois bancs.
«C’est mieux que d’habiter dans la rue»
«C’est bien quand même, c’est mieux que d’habiter dans la rue», témoigne Mirella, mère de six enfants de quatre à dix-neuf ans, tous scolarisés depuis l’arrivée de sa famille en France, en 2006. Après être partie de Roumanie, elle a connu une dizaine d’années de galère en Pologne puis en France, entre hôtels misérables et campements sordides. Si sa famille est un peu serrée dans le mobil home de trois pièces qu’elle occupe depuis fin 2008 - moyennant un «loyer» correspondant à environ 10% de ses ressources, son discours est résolument optimiste.
Elle a trouvé du travail, dans une association, son mari aussi, dans le bâtiment, et pour rien au monde elle ne retournera dans son pays d’origine. «En Roumanie, c’est dur, il n’y a pas de travail, pas de logement et la vie est plus chère là-bas», déplore Mirella. Pourtant, les discours actuels en France sur les Roms lui «font mal». «Ce n’est pas tout le monde qui vole, qui fait des bêtises», clame Chrysantema, sa fille de 16 ans, qui aide sa mère à s’exprimer en français.
«Les familles sont aujourd’hui dans un projet de vie»
Aujourd’hui, l’objectif de Mirella et de sa famille, c’est d’obtenir un relogement dans une HLM. «Je ne pense pas à moi, mais à mes enfants. Je veux qu’ils finissent l’école, qu’ils aient du travail», insiste-t-elle. «Les familles sont aujourd’hui dans un projet de vie, elles ont oublié la précarité qui a été la leur et ont une vraie capacité à s’adapter», assure Marie-Louise Mouket, chef de projet à l’ALJ 93, l’association qui gère le village.
Outre la scolarisation des enfants et l’accès à l’emploi des parents, le relogement des Roms dans un habitat ordinaire reste la finalisation du projet des villages d’insertions qui, dans la foulée d’Aubervilliers, ont également été créés dans plusieurs autres communes de Seine-Saint-Denis (La Courneuve, Bagnolet, Montreuil, Saint-Denis, Saint-Ouen).
«Les résultats sont significatifs»
«Notre souhait, c’est que cinquante villes d’Ile-de-France en fassent de même pour accueillir 5.000 Roms (il y en a 6.000 en région parisienne, ndr), puis que ces villages disparaissent», plaide Jacques Salvator. A Aubervilliers, le «bail», qui coûte 300.000 euros par an (dont plus de 50% sont alloués au gardiennage du village), a été prolongé d’une année, parce que «les résultats sont significatifs». «Il ne reste aujourd’hui plus que treize ménages à reloger, soit 58 personnes», ajoute Marie-Louise Mouket.
«On a fait notre part du boulot», estime Jacques Salvator qui souhaite désormais qu’une «vraie politique publique» soit lancée afin de préparer 2014, date à laquelle il n’y aura plus aucune restriction à l’installation des Roms en France. En effet, ils seront alors des citoyens européens à part entière.