RELIGIONIntervention du pape sur les Roms: quelles conséquences?

Intervention du pape sur les Roms: quelles conséquences?

RELIGIONC'est rare qu'il prenne position sur la politique française...
Oriane Raffin

Oriane Raffin

Une allusion à peine voilée lors de l'angélus, en version française. Benoît XVI appelle à «accueillir les légitimes diversités humaines». En pleine polémique autour de l'accueil des Roms en France, et la reconduite à la frontière de plusieurs dizaines d'entre eux, les déclarations font polémiques. Décryptage.

Le pape intervient-il souvent dans la politique française?
Sans intervenir souvent, le pape, que ce soit Benoît XVI ou auparavant Jean-Paul II, ne se gêne pas pour intervenir sur certains sujets. «La plupart du temps, il s’engage quand il rencontre le chef de l’Etat», note néanmoins Bernard Lecomte, auteur de Les secrets du Vatican (Perrin) joint par 20minutes.fr.

Ainsi, en 1975, Jean-Paul II «avait repris Valery Giscard d’Estaing de façon assez directe sur l’avortement», rappelle Bernard Lecomte. Autre exemple: en 1984, Pierre Mauroy avait eu des échanges «pas toujours très aimables» avec le pape sur le débat autour des écoles publiques et privées.

«Plus récemment, je ne vois pas d’exemples», souligne Antoine-Marie Izoard, de l’agence I-Media, spécialisée sur le Vatican. «Quand le pape intervient, c’est généralement plus discret, par voie diplomatique», précise-t-il. Là, pourtant, il s’est servi de l’angélus, pour une évocation à peine voilée du sujet, en français. «C’est rare, il le fait plutôt avec l’Italie», relève Antoine-Marie Izoard.

Ces interventions peuvent-elle avoir un impact réel?
Si en 1975, lors de la loi Veil sur l’avortement, les conséquences de l’intervention papale avaient été faibles, en 1984, en revanche, la déclaration de Jean-Paul II avait fait faire machine arrière à François Mitterrand. «Le cardinal Lustiger n’avait pas caché que les manifestations avaient du bon», se souvient Bernard Lecomte. Résultat: plus d’un million de personnes dans les rues. «Le ministre de l’Education nationale Alain Savary avait alors été viré et François Mitterrand était revenu sur son projet de loi», complète-t-il.

«C’était une très belle opération de Jean-Paul II et de Lustiger, mais il est vrai que l’impact dépend aussi du patron de l’épiscopat français», souligne Bernard Lecomte.

Et aujourd’hui, à quoi peut-on s’attendre?
«Le cardinal Vingt-trois est un disciple de Lustiger, donc on peut s’attendre à une réaction de l’épiscopat», estime le spécialiste du Vatican. «Mais Hortefeux a très bien joué ce matin en proposant une rencontre. Vingt-trois ne pouvait pas dire non. Donc Hortefeux a désamorcé une réaction des évêques qui, selon moi, doivent avoir une lettre sous le coude. Je ne serai pas étonné qu’ils aillent plus loin», pronostique Bernard Lecomte.

Mais au-delà de l’épiscopat, «les déclarations pourraient avoir des conséquences sur les catholiques français», estime Antoine-Marie Izoard. «C’est une façon de dire aux fidèles: attention, il se passe des choses dans votre pays. Avec votre confession, vous avez le devoir d’intervenir». «Certains vont s’étonner qu’un vieux pape réac de droite devienne ainsi de gauche, s’amuse Antoine-Marie Izoard. C’est intéressant, cela montre que l’Eglise n’est ni de droite, ni de gauche, cela dépend des sujets.»

«Je ne pense pas que l’Eglise française veuille se mêler de politique, elle respecte la séparation de l’Eglise et de l’Etat, mais elle ne s’est jamais interdit de prendre la parole et de soulever des débats. Pour les chrétiens, l’accueil des étrangers fait partie du message de base», note pour sa part Dominique Quinio, directrice du journal La Croix.

Pourquoi les Roms intéressent-ils tant le Vatican?
«Sur les questions d’immigration et de l’accueil des étrangers, c’est sans arrêt que l’Eglise intervient», estime Dominique Quinio. Seulement, les médias ne le notent pas toujours, surtout quand il s’agit d’immigration en Italie, par exemple. Le pape, en intervenant, a voulu rappeler les principes de bases du catholicisme.

«On est dans le coeur de l’Evangile, contrairement à des sujets comme le préservatif, explique Bernard Lecomte. C’est le respect de la personne. Les évêques ne lâcheront pas», conclut-il.

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