« Gilets jaunes » en Gironde : Cinq ans après le mouvement, les cahiers de doléances sont ouverts
thèse Un doctorant en sciences politiques se penche depuis novembre 2022 et pour trois ans encore sur les revendications et témoignages des « gilets jaunes », entreposés aux archives départementales de la Gironde
- Les demandes des « gilets jaunes » stipulées dans des cahiers de doléances sont restées lettre morte cinq ans après le début de ce mouvement social d’ampleur.
- Samuel Noguera, doctorant en sciences politiques, a engagé un travail de thèse qui s’intéresse aux contributions stockées aux archives départementales.
- Le département de la Gironde, qui finance les travaux du chercheur, s’engage à utiliser les résultats de ce travail de recherche pour enrichir ses politiques départementales, à la hauteur de ses compétences.
Voilà quasiment cinq ans que les 364 cahiers de doléances noircis par les « gilets jaunes » prennent la poussière, sur les étagères des archives départementales de la Gironde. Interpellé par d’indéboulonnables « gilets jaunes » locaux, le département a décidé de financer le dépouillement studieux de ces quelque 55.000 contributions, via une thèse Cifre (conventions industrielles de formation par la recherche). Et c’est Samuel Noguera, doctorant en sciences politiques, qui, à l’issue d’un concours, a hérité de ce travail d’ampleur.
Sa mission, engagée depuis novembre 2022 sous la direction de Magali Della Sudda et Nicolas Patin, est de recenser et d’analyser les cahiers de doléances et d’expressions libres lancés durant le mouvement des « gilets jaunes » mais aussi par l’association des maires ruraux de France et le grand débat national. « J’ai pris la suite du travail d’un collectif de recherche, associant citoyens, ''gilets jaunes'' et universitaires qui avaient commencé avant la crise sanitaire », précise Samuel Noguera, auteur de mémoires de recherches sur le mouvement des « gilets jaunes » à Montpellier.
« Au moins, quelqu’un lit les cahiers »
L’étudiant en sciences politiques est conscient de la pression : « on est toujours dans une séquence politique sous tension depuis 2018. On voit que le mouvement contre les retraites en début d’année a été massif. » Et, selon lui, les doléances restent actuelles, même si certaines peuvent faire un sourire (jaune) lorsqu’on se souvient que le prix de l’essence alors à 1,5 euro le litre faisait réagir, quand il est à 2 euros aujourd’hui.
« Que ce soit à travers le grand débat national, la convention citoyenne pour le climat ou celle pour la fin de vie, les gens jouent le jeu de l’expression mais ensuite il n’y a pas de transcription dans l’action publique, cela participe du ras-le-bol général, analyse Samuel Noguera. Les ''gilets jaunes'' ont de grandes attentes parce qu’ils ont l’impression qu’enfin on s’intéresse à une parole qui a été très coûteuse à exprimer. Au moins, quelqu’un lit les cahiers. »
Des revendications sur le pouvoir d’achat, les inégalités et la démocratie
Beaucoup des revendications sont déjà connues : celles qui ont trait au pouvoir d’achat, aux inégalités entre les territoires, liées notamment à l’enclavement de secteurs ruraux. La justice environnementale fait aussi partie des préoccupations qui émergent. En Gironde, la dangerosité des pesticides est à l’ordre du jour, notamment pour ceux qui les appliquent et ceux qui vivent près des zones d’épandage. « Au fond, on sait ce qu’il y a dans ces cahiers, confirme le doctorant. Ce n’est pas une surprise pour le gouvernement d’avoir des revendications sur les retraites, la CSG, la taxe carbone, ou le renouvellement démocratique mais y a besoin que ce soit posé par la recherche publique et que ce soit diffusé par une médiation scientifique. »
Financeur, le département de la Gironde compte bien donner écho, à la hauteur de ses compétences, à ce qui ressortira du travail du doctorant à l’issue de ces quatre années d’analyses. « On souhaite utiliser ces recherches pour enrichir les politiques départementales », assure Céline Goeury, conseillère départementale du canton de Créon et déléguée auprès du président sur la citoyenneté et la laïcité. Sur des thématiques comme la mobilité dans les zones rurales ou l’aide aux commerces de proximité, la collectivité s’engage à agir à sa mesure. Elle n’entend en tout cas pas laisser « sans considération » ces expressions qui, cinq ans après, restent lettre morte.