Rennes : « Il faut toujours s’adapter à sa cible »… Ancien commercial, Nicolas a enfilé le costume de détective privé

NOUVELLE VERSION (3/7) Durant toute la semaine, 20 Minutes dresse le portrait d’hommes et de femmes qui ont tout plaqué pour entreprendre ou changer de vie

Jérôme Gicquel
Détective privé, c'est aussi parfois planquer des heures sous la pluie.
Détective privé, c'est aussi parfois planquer des heures sous la pluie. — J. Gicquel / 20 Minutes
  • Selon l’étude de janvier 2023 de l’Association pour le droit à l’initiative économique (Adie), quatre Français sur dix ont envie d’une reconversion professionnelle – deux sur dix l’ont déjà fait – et pour plus d’un tiers d’entre eux, cela passe par la création de leur propre boîte.
  • Pourtant, toujours selon l’Adie, peu franchissent le pas. Mais ce n’est pas le cas de Laura ou Jean-Michel, des Français que 20 Minutes a rencontrés et qui, eux, ont complètement changé de vie.
  • Dans le second numéro de sa série « Nouvelle version », 20 Minutes dresse le portrait de Nicolas, commercial devenu détective privé.

C’est assurément l’un des métiers qui fait le plus fantasmer. Une profession pleine d’intrigues et d’aventures qui est omniprésente dans la littérature, les films et les séries. Avec d’ailleurs pas mal de clichés véhiculés par Arsène Lupin, Sherlock Homes, Hercule Poirot et consorts. « Je ne porte pas d’imperméable noir ni de flingue et je ne conduis pas une Peugeot 504 cabriolet comme Nestor Burma », rigole Nicolas. Avant d’ouvrir son agence de détective privé à Rennes en 2021, ce quadragénaire a pendant quinze ans travaillé comme commercial dans l’industrie pharmaceutique. Mais juste avant le Covid, la société qui venait de le recruter l’a mis à la porte sans plus d’explication. Il a dans la foulée reçu d’autres propositions d’acteurs du médicament. « Mais l’envie n’y était plus », reconnaît-il.

En quête d’un nouveau projet professionnel, Nicolas s’est alors souvenu d’une rencontre « passionnante » avec un détective privé dix ans plus tôt. Le voilà donc parti bille en tête pour faire le grand saut, direction Paris pour suivre un an de formation sur les bancs de l’École supérieure des agents de recherches privées. « On ne devient pas détective en claquant des doigts, indique-t-il. C’est une profession très réglementée et il faut pour cela un diplôme ainsi que des agréments et une carte professionnelle pour exercer. »

Des affaires d’infidélité mais pas seulement

Car dans ses missions, Nicolas ne peut évidemment pas faire n’importe quoi et il doit toujours agir dans un cadre légitime et légal. « Je ne peux pas rentrer chez les gens ou installer une balise GPS sous un véhicule par exemple », détaille le fin limier. Cela n’enlève en rien le côté excitant des enquêtes qui lui sont confiées. « A chaque fois que je reçois un appel, je ne sais jamais quelle histoire il y a derrière », raconte-t-il. Il y a bien sûr les grands classiques du métier à savoir les dossiers d’infidélité avec Madame qui soupçonne Monsieur (ou inversement) d’aller voir ailleurs. « Mais je n’ai pas envie de faire que ça », assure-t-il.

Dans près de 60 % des cas, ce sont d’ailleurs des entreprises qui font appel à ses services. Cela peut-être pour des soupçons de concurrence déloyale, pour un fichier client qui disparaît ou pour des arrêts de travail abusifs. Après avoir bien préparé le dossier avec son client, Nicolas démarre alors la surveillance rapprochée de sa cible, traquant ses moindres faits et gestes. « Quand cela concerne un salarié, je ne peux le surveiller que durant son temps de travail et en dehors de son domicile », précise Nicolas.

De longues heures de surveillance, de nuit ou sous la pluie

A pied, en voiture ou à moto, la filature peut durer plusieurs heures. « C’est super crevant de surveiller quelqu’un, ça bouffe beaucoup d’énergie », assure-t-il. Mais à force de « ténacité et de malice », il rapporte très souvent dans ses filets la preuve de la faute commise. Avec parfois quelques dossiers cocasses comme cet homme censé avoir les deux épaules fracturées qu’il a surpris en train de soulever des dizaines de sacs de ciment. Ou ce couvreur en arrêt maladie qu’il a filmé en train de travailler sur un toit avec en prime le matériel de sa boîte. « Cela arrive aussi qu’on ne trouve pas de faute, il y a aussi des gens honnêtes », sourit-il.

Sur le bureau du détective, on retrouve également de nombreux dossiers d’affaires familiales. Des adultères bien sûr mais aussi des pensions alimentaires ou des gardes d’enfants. Avec à chaque fois des heures de surveillance, parfois de nuit ou sous la pluie. « C’est le côté un peu ingrat du métier mais on n’a pas d’autre choix que de s’adapter à notre cible », indique le détective breton. Et quand cette dernière pointe son nez, pas question alors de le rater. « A ce moment-là, l’adrénaline monte mais il faut rester vigilant pour ne pas faire d’erreurs et se faire griller », assure Nicolas.

« Il faut aimer l’humain dans ce métier »

Mais malgré toute sa prudence, cela arrive parfois. « J’ai fait du théâtre et ça me sert beaucoup car je suis capable d’inventer sur le coup une histoire pour expliquer ce que je fais là si on frappe à mon carreau », dévoile-t-il, sans livrer non plus tous ses secrets. Dans certains cas, il doit également user de la technique du désilhouettage ou l’art de changer totalement de profil à l’aide d’une perruque ou d’une paire de lunettes.

« Mais si je suis trop grillé, je lâche complètement l’affaire ou je la refile à un collègue car je n’ai pas envie de me mettre en danger », prévient le Sherlock Holmes rennais, un peu justicier dans l’âme. « Il faut aimer l’humain de toute façon dans ce métier, estime-t-il. Car on a parfois des dossiers lourds à traiter et certains clients nous voient alors comme la dernière chance de les aider. »