Secret des sources : « Il serait temps de se réveiller », alerte la journaliste d’investigation après sa garde à vue
Interview Placée en garde à vue à Marseille les 19 et 20 septembre par la DGSI pour son enquête sur le rôle qu’aurait joué la France dans l’exécution de civils par l’Égypte, Ariane Lavrilleux interpelle en ce jour du vote par l’Europe du « Media freedom act »
- Ariane Lavrilleux est une journaliste d’investigation française.
- Le 19 septembre elle était placée en garde à vue à Marseille, après avoir vu son domicile perquisitionné par la DGSI.
- En ce jour d’actualité chargée pour la liberté de la presse, elle alerte sur les coups de surins assénés à la liberté de la presse
Ariane Lavrilleux ne désarme pas et est déjà de retour sur le terrain. La journaliste d’investigation placée en garde à vue les 19 et 20 septembre derniers après avoir été cueillie au saut du lit par des agents de la DGSI à la suite de ses révélations dans Disclose du rôle qu’aurait joué la France dans l’exécution par l’Egypte du maréchal Al-Sissi de civils, dénonce « la multiplication des attaques contre les journalistes » français. En réaction, des rassemblements pour la liberté de la presse et la défense du secret des sources sont organisés ce mardi à Marseille, Lyon et Strasbourg. Des manifestations qui coïncident avec le vote prévu, également ce mardi, au parlement européen du « Media freedom act », qui prévoit notamment d’autoriser l’espionnage numérique des journalistes, et le lancement des « Etats généraux de l’information » par Emmanuel Macron.
Plusieurs rassemblements sont prévus ce mardi pour la défense de la liberté de la presse consécutivement à votre arrestation. Cette histoire dépasse désormais votre cas ?
Oui, le sujet va bien au-delà de mon cas, de mon arrestation, de ma perquisition. Celle-ci en a juste été l’occasion. Parce que dans la semaine qui a suivi, trois autres journalistes ont été convoqués par la PJ et qu’un photojournaliste, Yoan Jäger, a été placé sous surveillance après sa garde à vue dans le cadre de l’enquête sur l’action des Soulèvements de la terre contre l’usine Lafarge de Bouc-Bel-Air.
Donc, en fait, on assiste à une multiplication des attaques contre les journalistes. Et dans le même temps, se prépare un événement dramatique qui est le vote au parlement européen ce mardi du « Media freedom act », texte qui va autoriser l’espionnage des journalistes. Et la France a poussé pour permettre ça. C’est extrêmement grave. La troisième chose, c’est l’ouverture, toujours ce mardi, des « Etats généraux de l’information ». Donc ces rassemblements sont une occasion de plus de rappeler et de mettre la protection des sources à l’agenda.
Craignez-vous pour vos sources à la suite de la perquisition de votre domicile ?
(silence) Notre objectif à Disclose, c’est la protection des sources. Et actuellement, on est potentiellement sous surveillance…
Avez-vous été surprise par votre interpellation ?
Nous savions que nous allions être auditionnés par la DGSI car cela était déjà arrivé à quatre de nos collègues dans le cadre d’une enquête sur la vente d’armes par la France. Nous ne nous attendions pas en revanche à la perquisition et la garde à vue. Un cap a été franchi, et il serait peut-être temps de se réveiller.
Pouvez-vous revenir sur votre garde à vue ?
Dès la perquisition, ils m’ont dit que je partais pour quarante-huit heures de garde à vue. J’y ai subi une série de violences psychologique qui visait à m’affaiblir à dessein. Ils m’ont dit de ne pas emporter de pull, or il faisait hyperfroid dans la cellule. Aussi, j’étais malade et j'ai pu emporter mes médicaments mais ils les ont laissé au casier sans que je n'y ai accès. Il y avait une volonté manifeste de m’affaiblir le plus possible en vue des auditions. Mais j’ai gardé le silence.
Avez-vous été informé de votre mise en examen ? Où en est la procédure ?
Ce n’est pas du tout la fin de l’histoire. Je ne suis pas mise en examen donc je n’ai pas accès au dossier et je ne sais pas ce qu’il y a dedans, ni ce qu’ils cherchaient précisément. Mon sentiment, c’est qu’il ne s’agit que du début d'un long combat.