« Cette affaire est pour toutes les joueuses de France », affirme Jade qui a attaqué l’OL pour discrimination sexuelle
PROCÈS L’Olympique lyonnais était devant la justice ce mercredi, accusé par une ancienne joueuse du centre de formation de « discrimination sexuelle ». Le délibéré doit être rendu le 22 novembre prochain
- Une ancienne jeune joueuse de l’Olympique lyonnais a réclamé près de deux millions d’euros de réparation ce mercredi à son ancien club devant le tribunal de Lyon, estimant avoir été victime de discrimination sexuelle.
- En 2017, la jeune sportive, venue d’Alsace, a été recrutée pour intégrer le centre de formation de l’OL. A la fin de la saison, ses parents ont appris par un appel téléphonique que son club ne la réintégrerait pas l’année suivante. L’ex-footballeuse estime avoir payé le fait de dénoncer les agissements de son ex-formateur, ce que réfute le club.
- Lors de l’audience, l’affaire a révélé surtout une différence de traitement dans les centres de formation de football entre les jeunes garçons et les jeunes femmes.
« On la surnommait la petite Messi. Mais ça, c’était avant que l’Olympique Lyonnais ne la détruise complètement », lance maître Slim Ben Achour. Il représente Jade* devant la justice. Cette jeune femme, âgée aujourd’hui de 21 ans, originaire d’Alsace, a attaqué son ancien club formateur pour « discrimination sexuelle ». « Au-delà de mon combat, je suis là pour toutes les jeunes filles qui veulent jouer au foot », affirme-t-elle avant l’audience qui s’est déroulée ce mercredi après-midi devant le tribunal et au cours de laquelle elle a demandé près de deux millions d’euros de réparation.
En 2017, alors âgée de 15 ans, la jeune sportive est recrutée par le centre de formation de l’OL. A l’époque, elle évoluait dans le championnat allemand et détenait le record de buts. Elle affirme qu’elle avait déjà reçu des demandes pour le pôle espoir de Clairefontaine.
« En arrivant à Lyon, mon rêve était en train de se réaliser, confie-t-elle. Quand j’avais 7 ans et que j’ai commencé à taper dans un ballon, j’avais inscrit les initiales du club sur mon premier maillot. » Elle s’arrête de parler, son sourire s’efface puis elle reprend : « C’est terminé maintenant. Je fais des études de comptabilité. Ça fait deux ans que j’ai arrêté le foot. J’ai découvert que c’était un monde moche et vraiment dégoûtant. »
L’absence de convention de formation au « cœur du problème »
A la toute fin de sa saison à Lyon, les parents de Jade apprennent par un appel téléphonique que leur fille ne poursuivra pas l’aventure. La raison ? Ses performances sportives ne sont pas au rendez-vous. Un argument que réfute complètement son avocat Slim Ben Achour. D’après lui, la joueuse a été écartée parce qu’elle avait dénoncé - dix jours avant le coup de téléphone - le harcèlement sexuel d’un coach envers l’une de ses coéquipières [l’intéressé a été condamné à six mois de prison avec sursis]. « On a toutes les preuves pour ça », précise-t-il.
Devant la juge, l’avocat rappelle : « Le cœur du problème, c’est l’absence de convention de formation ». Car au-delà d’une triste affaire sportive et d’un rêve d’enfant brisé, il s’agit, selon ses mots, « d’une carrière professionnelle gâchée » et « d’un vrai combat politique ». A l’inverse des garçons du même âge, les académies de football, comme celle de l’OL, ne font pas signer de conventions de formation à leurs recrues féminines.
« Ce contrat qui a une durée de trois ans implique des modalités de résiliation avec un délai et une lettre recommandée, mais aussi des obligations en ce qui concerne la restauration, l’hébergement, la prise en charge financière et l’insertion scolaire du joueur. Les garçons de 15 à 18 ans peuvent même avoir des contrats rémunérés, à l’inverse des jeunes filles du même âge qui font pourtant la même chose », expose l’avocat de la famille. Jade n’a donc bénéficié d’aucune aide ou de protection au moment de son éviction de l’OL.
Selon l’OL, c’est la faute du règlement du football
Saisie par la famille de Jade, la Défenseuse des droits a mené une enquête et a conclu : « L’absence de convention de formation […] constitue une discrimination fondée sur le sexe, […] contraire à l’intérêt supérieur de jeunes femmes mineures et méconnaît leur droit à l’éducation ». A l’audience, elle souligne que « toutes les avancées » sur le sujet actuellement sont « une bonne chose pour les jeunes filles » mais que le « préjudice » de Jade ne sera pas réparé grâce à ces actions.
« Ce n’est pas une faute individuelle mais celle d’une organisation systémique », répond pour sa défense Me Christophe Bidal, l’avocat de l’association et de la société OL. Il se repose sur le règlement de la Ligue de football professionnel (LFP) qui indique que les conventions sont réservées aux garçons. « C’est une règle imparfaite mais c’est celle qui doit être appliquée par les clubs », argue-t-il. Ces mêmes arguments avaient déjà été avancés en 2019 lors de la saisie du juge des référés pour la réintégration de Jade au centre de formation qui n’avait pas abouti.
Le délibéré sera rendu le 22 novembre prochain. Maître Slim Ben Achour annonce déjà, invoquant la Constitution qui interdit la discrimination femme-homme, supérieure, dans la hiérarchie des normes, aux règlements de la Fédération française de foot : « Si les juges ne voient pas cette discrimination, on en parlera en appel. » Sa cliente est tout aussi déterminée. « Avant mon rêve était de devenir footballeuse professionnelle, maintenant, j’aimerais faire des études de droit. J’ai envie de pouvoir réparer ce genre d’injustice. »
*Le prénom a été modifié à la demande de la personne interviewée.