Education prioritaire : « On touche à la sécurité des élèves », des profs de lycées alertent sur les classes surchargées

Dédoublement Des enseignants de quatre établissements de la région lyonnaise se sont réunis ce mardi après-midi pour dénoncer les conditions dans lesquelles ils doivent travailler, avec des publics issus de milieux défavorisés

Elise Martin
Ce mardi 26 septembre, une centaine de personnels de quatre lycées de la région lyonnaise se sont mobilisés devant le rectorat de l'académie de Lyon.
Ce mardi 26 septembre, une centaine de personnels de quatre lycées de la région lyonnaise se sont mobilisés devant le rectorat de l'académie de Lyon. — E. Martin / 20 Minutes
  • A la rentrée, plusieurs lycées de la région lyonnaise, accueillant de nombreux élèves issus de collèges « REP » ou « REP + » - d’éducation prioritaire - se sont retrouvés avec des classes surchargées.
  • Pour les professeurs, il est impossible de travailler correctement dans ces conditions.
  • Ils réclament au rectorat davantage de moyens afin de dédoubler les classes et permettre à ces enfants issus de milieux défavorisés d’avoir les mêmes chances de réussite que ceux d’un lycée du centre de Lyon.

Trente-sept élèves dans des classes de terminales en série technologique. « Ce chiffre a choqué tout le monde, s’exclame Nicolas Kemoun, professeur de sciences économiques et sociales au lycée Robert-Doisneau de Vaulx-en-Velin. En cette rentrée, il y a eu une explosion d’effectifs pléthoriques [un groupe de plus de 35 élèves] dans toutes les séries. C’est du jamais vu. Comment faire notre métier correctement dans ces conditions ? ! Est-ce qu’on se soucie vraiment des élèves et de leur réussite scolaire ? »

Il interroge notamment le rectorat* de l’académie de Lyon devant lequel il s’est réuni ce mardi après-midi avec une centaine de personnes. En plus de son établissement, les personnels des lycées Jacques-Brel de Vénissieux, Frédéric-Faÿs de Villeurbanne et Albert-Camus de Rillieux-la-Pape sont présents. Ils rencontrent les mêmes problèmes et accueillent tous en grande majorité des élèves venus de collèges classés « REP » ou « REP + » - depuis la nouvelle carte d’éducation prioritaire, les lycées n’y sont plus intégrés.

« L’éducation prioritaire, c’est réduire les inégalités »

Jeudi, le lycée Utrillo de Stains, en Seine-Saint-Denis, sera aussi en grève, pour les mêmes raisons. « On se bat localement mais nos problématiques sont les mêmes dans les académies les plus touchées par des publics défavorisés. Les lycées devraient relever de la politique d’éducation prioritaire pour avoir plus de moyens », affirme Jérôme Durancourt, secrétaire académique adjoint du SNES-FSU Lyon.

Avant les grandes vacances scolaires, les organisations syndicales avaient déjà prévenu des risques à venir. « Ils nous ont donné 7,5 heures de dotation supplémentaire pour dédoubler quelques cours, explique Toufik Boubegtiten, professeur de philosophie à Robert-Doisneau. Ce n’est absolument pas suffisant pour faire le travail et cela ne résout en rien le fait que de nombreux cours continuent de se dérouler avec 37 élèves en classe. »

Car ces effectifs ont des conséquences directes sur les conditions d’apprentissage. « Quand on a plus de 30 élèves dans une classe, on perd sur l’heure de cours pour avoir le calme. C’est aussi l’incapacité d’aider ceux qui ont besoin d’un accompagnement », développe Nicolas Kemoun. Il ajoute : « Ces étudiants méritent d’avoir les mêmes chances de réussite que ceux d’un lycée du centre de Lyon ! Pour eux, l’école est le levier essentiel pour contrer le destin social qui leur est réservé. C’est ça l’éducation prioritaire, c’est réduire les inégalités et ne pas pénaliser un enfant qui est né dans une famille avec peu de ressources. »

Des engagements du rectorat ou la grève continuera

A Jacques-Brel, les salles n’ont même pas la possibilité d’accueillir plus de 30 personnes. « On touche à la sécurité des élèves ! On ne peut pas les entasser ! », appuient Jimmy Phanthachith et Lamia Amamra, respectivement enseignants de mathématiques et de biologie. Ils pointent également de nombreux postes vacants autant chez les professeurs comme à la vie scolaire ou à l’infirmerie. Des adultes pourtant « essentiels » pour le bon fonctionnement du lycée comme pour la scolarité des étudiants et leur accompagnement, souligne Jérôme Derancourt, du lycée Albert-Camus. « Le harcèlement scolaire est aussi lié aux manques de moyens pour repérer les problèmes et réagir à temps », constate-t-il.

Les enseignants attendent alors des engagements du rectorat, notamment sur la préparation de la rentrée prochaine en instaurant des seuils maximums d’effectifs en fonction des niveaux et des séries. « Au lieu d’être quarante, on pourrait tout simplement faire deux classes de vingt », propose Nicolas Kemoun citant l’exemple de ce qui a été fait dans les écoles primaires en éducation prioritaire.

A la suite du rassemblement, une audience a été organisée par l’académie de Lyon pour écouter les revendications des représentants des établissements. Si les réponses ne sont pas satisfaisantes, « ce mouvement de grève pourrait s’inscrire dans la durée », avancent les organisations syndicales.

*Contacté par 20 Minutes, le rectorat de l’académie de Lyon n’avait pas donné suite à nos sollicitations au moment de la publication du papier.