« On ne peut pas faire plus »… Le bois de chauffage a flambé mais les pros sont débordés
chauffe marcel La hausse des prix de l’électricité et du gaz conjuguée à la hausse des ventes de poêles provoquent une tension sur le marché du bois bûches
- La demande en bois de chauffage est tellement forte en cette rentrée que certains particuliers n’arrivent pas à se faire livrer.
- Débordés, les professionnels du secteur doivent déjà annoncer des délais de livraison pour 2024, suscitant l’inquiétude des propriétaires de poêles et cheminées.
- Le prix du stère de bois a pourtant augmenté de 20 % cette année, sous l’effet de l’inflation de l’électricité et du carburant.
C’est un peu la même musique que l’an dernier. Alors que l’automne vient très discrètement de s’installer sur la France, certains propriétaires de poêles et cheminées tentent toujours de se faire livrer du bois pour se chauffer cet hiver. Si la crainte d’un grand black-out énergétique sur fond de conflit armé entre l’Ukraine et la Russie semble écartée, le marché du bois de chauffage reste particulièrement tendu et, dans bon nombre de régions, il faut attendre plusieurs mois pour espérer avoir ses bûches de chêne ou de hêtre. « On ne peut pas faire plus et mieux. Aujourd’hui, on ne peut pas acheter du bois comme on va faire son plein d’essence. Je suis complet toute l’année pour livrer. Donc en saison, les délais s’allongent, je n’ai pas le choix », témoigne Pascal Canadell.
Alors que le mois de septembre n’est pas encore achevé, le responsable de Bois énergie en Gironde fait souvent des déçus parmi ses nouveaux clients quand il annonce des délais de livraison à plus de trois mois. « On vient de basculer sur janvier 2024 », concède-t-il. Dans sa région, l’année 2023 est particulièrement compliquée, notamment en raison des incendies qui ont ravagé la forêt aquitaine l’été dernier. Mais il n’est pas le seul à être hyper sollicité. Partout en France, les vendeurs de bois bûches sont assaillis de sollicitations, sous l’effet combiné de la hausse du prix de l’électricité, du gaz et de l’explosion des ventes de poêles et cheminées (+30 % sur un an).
Le prix du stère en hausse
« Nous sommes complets jusqu’en décembre parce qu’on a énormément de nouveaux clients. Chez nous, c’est +40 % de livraisons en plus sur les six derniers mois », témoigne Jérôme Bougeard, plus gros vendeur de bois de chauffage en Ille-et-Vilaine avec 20.000 m³ découpés. Un autre plus petit revendeur du secteur explique « ne plus répondre au téléphone quand le numéro n’est pas enregistré ».
Cette année, les clients qui ont pu être livrés ont pourtant senti le poids de l’inflation sur leur facture. Le stère (l’unité de mesure du bois équivalent à 1 m³) a pris 20 % en moyenne, soit une progression du 10 à 15 euros selon les régions. Au format 50 centimètres, le prix du stère dépasse désormais les 100 euros. Sachant que certains en commandent une dizaine quand ils ne se chauffent qu’au bois, la hausse peut s’avérer douloureuse. « Nous faisons un métier qui dispose de très peu de marge, nous n’avons pas le choix que de répercuter les hausses de nos charges », reconnaît Pascal Canadell.
L’électricité augmente, le carburant aussi…
La flambée du prix du carburant pèse lourdement notamment en raison du transport du bois. « Comme l’approvisionnement est tendu, nous devons aller plus loin pour nous fournir donc les frais de route augmentent. C’est une activité qui demande énormément de travail, les gens doivent le comprendre », rappelle ce petit revendeur de la région rennaise. Très gourmandes en électricité, les machines de découpe et les fendeuses ont également fait grimper la facture énergétique des exploitants, multipliant par trois leurs coûts de transformation.
Malgré cette hausse notable, l’engouement pour le bois bûche ne semble pas s’éteindre, notamment parce que son prix reste compétitif par rapport aux autres modes de chauffage. « Regardez le prix du fioul, il a doublé en un an », relève un professionnel du secteur. En 2022, le bois bûche revenait à 0,03 euro du kilowattheure, contre 0,06 pour le granulé, dont le prix avait explosé l’an dernier. C’est moins que le gaz naturel (0,08 euro) et que le fioul (0,09 euro) et surtout bien loin de l’électricité (0,18 euro). « On s’attendait à une hausse de la demande parce qu’on observait les ventes d’appareils comme les poêles. Ce qui a changé, c’est aussi la qualité du bois demandé. Les appareils modernes ont d’excellents rendements mais ils demandent du bois de qualité, bien sec », rappelle Aymeric Albert, chef du département commercial bois à l’Office national des forêts. Précisons qu’un bois considéré comme « sec » devra présenter un taux d’humidité inférieur à 20 %, soit dix-huit de séchage après sa coupe.
Le gestionnaire de la ressource se veut cependant rassurant sur l’évolution du prix des bûches, qui échappent pour l’heure à la spéculation. « La France arrive à fournir donc on évite pour l’instant les effets de dumping comme ce fut le cas sur le pellet. La hausse du prix du bois est surtout due à la hausse des charges des exploitants », poursuit le responsable de l’ONF. Avec la tension sur la demande et la hausse des prix, son administration craint que les particuliers ne se tournent vers des solutions moins qualitatives qui ont l’inconvénient d’être moins vertueuses pour la ressource mais aussi pour l’environnement. Car si le chauffage au bois est une énergie renouvelable, il est aussi émetteur de particules fines quand il est mal utilisé. « La petite annonce, il faut s’en méfier. Un bois de mauvaise qualité ou qui n’est pas sec n’aura qu’un très faible rendement. Le particulier sera le premier pénalisé », prévient Aymeric Albert. Son conseil pour être livré sans stresser ? « Il faut anticiper et commander à la fin du printemps. Le bois aura encore plus de temps pour sécher ».
« J’ai le dos niqué »… La difficile quête des professionnels
Comme dans bon nombre de métiers manuels, la filière du bois de chauffage manque cruellement de bras. Réputée difficile et dangereuse, la profession de bûcheron peine à recruter. Des outils performants comme les abatteuses permettent de faciliter le travail en forêt mais elles ne peuvent pas accéder partout. Le métier de transformation est également particulièrement éprouvant. « J’ai le dos niqué et je prends de l’âge donc ça devient compliqué. En pleine saison, on fait des journées de dingue et je ne peux plus », témoigne ce professionnel avant d’entamer ce qui sera sans doute son « dernier hiver ».