Disparition de Lina dans le Bas-Rhin : « La solidarité existe encore »… Près de 400 personnes participent à la battue

Reportage Entre 300 et 400 personnes ont pris part ce mardi matin à la battue citoyenne pour retrouver Lina, disparue depuis samedi dans le Bas-Rhin

Thibaut Gagnepain
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Entre 300 et 400 personnes se sont regroupées au bord de l'étang du Breux, dans la vallée de la Bruche en Alsace, pour aider à la battue citoyenne afin de retrouver Lina.
Entre 300 et 400 personnes se sont regroupées au bord de l'étang du Breux, dans la vallée de la Bruche en Alsace, pour aider à la battue citoyenne afin de retrouver Lina. — T. Gagnepain
  • Depuis samedi peu avant midi, une adolescente a disparu dans le Bas-Rhin. Lina n’a jamais pris le train qui devait la conduire à Strasbourg.
  • Où est passée la jeune fille de 15 ans ? Des recherches ont été lancées, avec notamment plusieurs battues citoyennes.
  • Ce mardi matin, près de 400 personnes étaient réunies pour aider. Parfois venus de loin, simplement touchés par la cause.

A Saint-Blaise-la-Roche (Bas-Rhin),

L’étang du Breux n’avait jamais connu pareille affluence, même pendant des rassemblements de pêcheurs. Ce mardi matin dans ce petit coin de la vallée de la Bruche (Bas-Rhin), personne n’est venu pour ça. Ils sont entre 300 et 400 à s’être déplacé pour elle. Pour Lina, cette jeune fille de 15 ans disparue samedi alors qu’elle allait prendre le train direction Strasbourg.

Le chemin qu’elle devait emprunter entre son domicile, une maison isolée dans la forêt de Champenay, et la gare de Saint-Blaise-la-Roche, est juste là. A deux pas. Ses proches l’ont déjà arpenté à de nombreuses reprises. Les gendarmes aussi, prévenus très vite et qui ont lancé un appel à témoins. La veille, une battue citoyenne a déjà aussi eu lieu, avec l’appui d’un hélicoptère doté de caméras thermiques. Sans résultat.

Mais où est l’adolescente ? Dans la foule, plutôt silencieuse en attente d’instructions, les scénarios les plus sombres émergent parfois. « On pense à plein de choses mais je préfère rester positif. Il faut la retrouver », coupe Thomas, venu de Molsheim à une trentaine de kilomètres, « pour aider ». Le « travailleur de nuit » n’a pas hésité ce matin au moment de prendre la route. « Je ne la connais pas personnellement mais je me suis senti concerné. Si j’avais disparu, j’aurais bien aimé qu’il y ait autant de monde. »

« Une enfant toute mignonne, très calme, très douce, très belle »

Tous tiennent à peu près les mêmes mots : l’histoire de Lina les touche. Parfois parce qu’ils habitent à proximité et « que tout le monde se connaît », mais pas toujours. « Je suis maman et ça me parle forcément », témoigne Sandra. « En plus, mon fils était avec elle au collège », ajoute-t-elle en montrant Stan, qui rate donc les cours aujourd’hui. « C’est quelqu’un de cool, avec toujours le sourire. Elle met l’ambiance », décrit le jeune homme, sans croire à la thèse de la fugue. « Elle n’avait pas du tout le profil ». Un peu plus loin, Alan confirme. Lui connaît très bien Lina, « une enfant toute mignonne, très calme, très douce, très belle ». « Mais non, elle ne serait jamais partie comme ça et c’est normal de marcher 3 ou 4 km pour aller à la gare, tout le monde le fait ici », assure-t-il sans pouvoir cacher quelques larmes. Celles d’une inquiétude folle et grandissante au fur et à mesure que les recherches ne donnent rien.

Il est maintenant près de 10h30 et elles reprennent officiellement. Encadré de militaires, un premier groupe d’une cinquantaine de personnes vient de partir. Tous après avoir donné leur nom, prénom, commune de résidence et date de naissance. Trois autres suivront avec, toujours, quelques instructions. « On recherche des vêtements, sacs à main, traces de sang. Si vous trouvez quelque chose, ne touchez à rien. Prévenez un gendarme », lance l’adjudant Heinimann, de la brigade de Molsheim. Avec quelques collègues, il s’est vu confier la zone 6, à proximité de la déchetterie qui jouxte la gare.

Un groupe de plus de 75 personnes s'élancent pour fouiller la zone 6.
Un groupe de plus de 75 personnes s'élancent pour fouiller la zone 6. - T. Gagnepain

Pas simple de mener une telle masse de volontaires, près de 80 pour ce groupe, souvent plein de bonnes intentions mais désordonnés. Arrivés au point de départ, beaucoup se lancent tandis que d’autres attendent les ordres. « On va maintenant se diviser en deux. Ceux qui sont les mieux équipés iront sur les rives de la Bruche », reprend le militaire avant de préciser les vêtements dont était vêtue Lina. « Une robe grise, une doudoune blanche et des converses blanches ».

Le top départ est maintenant donné. Ici des lignes se forment, avec environ deux mètres d’écart entre les chercheurs. Dans les prés encore humides de la rosée, c’est facile. Dans les ronces, beaucoup moins. Ceux équipés de bâtons et de chaussures de randonnées s’y collent souvent. « C’est mouillé partout, il y a de la boue », indique une retraitée après avoir arpenté une petite côte. A côté d’elle, il n’y a maintenant plus que quelques personnes. Tout doucement, les ensembles se sont disloqués. Certains se retrouvent un peu perdus, sans savoir trop où chercher. « Tout le monde s’éparpille… On devrait rester ensemble. Mais ils sont où les organisateurs ?, s’interroge l’un d’entre eux, rejoint par sa voisine. C’est un peu le bordel ». Un fouillis où d’autres tentent toujours de donner le meilleur d’eux-mêmes. Comme cette trentenaire qui court à la recherche d’un militaire. « Vous n’en avez pas vu un ? On a trouvé un sac plastique dans la Bruche, faudrait qu’ils regardent. » Heureusement, quelqu’un a le numéro d’un gendarme et le joint pour vérification.

Les volontaires se répartisssent, souvent à deux mètres l'un de l'autre.
Les volontaires se répartisssent, souvent à deux mètres l'un de l'autre. - T. Gagnepain

Après une bonne heure de battue, quelques-uns reviennent maintenant au point de départ. Sans rien. Dans la « Maison du pêcheur de Haute-Bruche », la brigade de recherches de Strasbourg a établi son quartier général. Prière de ne pas trop s’approcher et de poser de questions. Pourquoi des individus cherchent-ils seuls ? « On ne peut pas gérer tout le monde. » Combien de temps durent les opérations ? « Ça va au rythme des marcheurs. » Tout juste apprend-on que d’autres recherches sont programmées l’après-midi.

Avec cette crainte, persistante, de découvrir le pire. « Oui, ça fait un peu peur mais si on peut contribuer à avoir des réponses, tant mieux. Le pire pour des proches, c’est de ne pas savoir », assurent en chœur Marie, Jennifer et Charlotte, dont certaines étaient déjà présentes la veille. « C’est beau de voir tout ce monde, ça montre que la solidarité existe encore », conclut Hubert.