Autoroute A69 : Pourquoi 200 scientifiques appellent-ils à l’arrêt du chantier ?

avis d’experts Plus de 200 chercheurs toulousains ont décidé, unanimement, de se mouiller et de ramener leur science. Ils trouvent le projet d’autoroute A69 entre Castres et Toulouse sans justification

Hélène Ménal
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Les travaux de terrassement ont déjà commencé le long du tracé de l'autoroute Castres-Toulouse, dont la livraison est prévue fin 2025.
Les travaux de terrassement ont déjà commencé le long du tracé de l'autoroute Castres-Toulouse, dont la livraison est prévue fin 2025. — CHRISTIAN BELLAVIA
  • Alors que chantier de l’autoroute A69 entre Castres et Toulouse s’accélère, l’opposition au projet reste vive.
  • Ce dimanche, 200 chercheurs toulousains ont signé une tribune unanime pour critiquer cette insfrastructure.
  • Contrairement aux élus, ils ne croient pas aux vertus de l'A69 en matière de développement économique. Ils s’inquiètent aussi de son impact sur l’environnement.

Mettre d’accord plus de 200 scientifiques de disciplines différentes peut s’avérer compliqué. Mais pas pour l’autoroute A69 entre Toulouse et Castres qui a réussi à susciter cette rare unanimité. Contre lui. Dans une lettre ouverte publiée dimanche dans les blogs de Mediapart, le collectif de chercheurs toulousains Atécopol* s’oppose à l’infrastructure en cours de construction. « Nous avons consulté absolument tous nos membres, et pas un n’a trouvé une raison valable pour poursuivre ce projet », souligne Laure Vieu, signataire du texte. Alors pourquoi tenter de peser dans la balance maintenant ? « Parce que le chantier, les terrassements avancent vite », pointe la chercheuse au CNRS. Ensuite, parce que « les actions plutôt créatives » des opposants n’ont rien donné, amenant certains à poursuivre une grève de la faim. Mais aussi et enfin parce que les scientifiques ont l’impression que jusqu’ici leurs avis n’ont « pas été entendus par les politiques ». En tout cas pas celui des experts du Conseil national de la protection de la nature qui a estimé notamment que l'A69 était « en contradiction avec les engagements nationaux en matière de lutte contre le changement climatique, d’objectif de zéro artificialisation nette (…) ainsi qu’en matière de pouvoir d’achat ».

« Non, un arbre centenaire ne peut pas être remplacé par cinq jeunes arbres »

Atécopol appuie aussi là où ça fait mal, en rappelant que le gain de temps espéré entre la sous-préfecture du Tarn et la capitale régionale pourrait bien devenir « caduc », à l’heure où beaucoup, et le collectif toulousain en premier, prônent de réduire la vitesse sur les autoroutes. Il rappelle aussi, chiffres à l’appui, que le projet entre en concurrence avec le train, qui « émet trois fois moins de CO2 par trajet qu’une voiture individuelle ». Voire « 25 fois » moins, si la ligne Mazamet-Toulouse, parcourue par des rames diesel, était électrifiée.

Autre argument avancé, les travaux récents de deux géographes l’université Champollion d’Albi. Ils mettent en lumière que le souhait de désenclaver le bassin Castres-Mazamet, argument essentiel avancé par les élus depuis trois décennies, pourrait se retourner contre les Tarnais, en accentuant au contraire le pouvoir d’aspiration économique de la métropole toulousaine.

« Minorités agissantes »

Enfin, alors que le concessionnaire de l’autoroute Atosca, explique que cinq arbres seront replantés pour chaque tronc coupé, les signataires disent tout le mal qu’ils pensent de ce concept, simpliste, de « compensation écologique ». « Non, écrivent-ils, un arbre centenaire ne peut être remplacé par cinq jeunes arbres : il est irremplaçable dans les échelles de temps qui nous concernent, en raison du carbone qu’il contient, qu’il continue de capter, des autres vivants avec lesquels il interagit, de son importance dans la régulation du cycle de l’eau et du microclimat local ».

Alors, ces chercheurs, qui ont prévu de lire leur tribune ce lundi soir devant l’hôtel de région de Toulouse et demandent un à être reçus par Carole Delga (PS), la présidente d’Occitanie, vont-ils convaincre ? Dans le bras de fer auquel se livrent promoteurs du projet et opposants, un autre collectif a pris la parole vendredi. Celui des élus tarnais. Ils ont rappelé « l’écrasante volonté du sud du Tarn d’aboutir à la réalisation de cette autoroute A69 » et qualifié les opposants de « minorités agissantes ».

* Atelier d’écologie politique