D’une interco à une autre, pourquoi les communes font-elles aussi leur « mercato » ?
COLLECTIVITES Dans les Alpes-Maritimes, le petit village de Tourette-du-Château veut quitter la Communauté de communes des Alpes d’Azur pour rejoindre la puissante métropole Nice Côte d’Azur
- Le village de Tourette-du-Château a entrepris de quitter la Communauté de communes des Alpes d’Azur (CCAA), qui couvre le nord-ouest des Alpes-Maritimes et réunit moins de 10.000 habitants, pour rejoindre les 550.000 résidants de la puissante métropole Nice Côte d’Azur.
- Selon Le Courrier des maires et des élus locaux, l’an dernier, neuf communes françaises avaient déjà décidé de changer d’intercommunalités et des ajustements s’opèrent toujours parmi les 227 communautés d’agglomération, les quatorze communautés urbaines et les vingt et une métropoles existantes.
- Gains de services, fiscalités, enjeux politiques sont autant de raison qui peuvent pousser certaines communes à jouer elles aussi le mercato.
Sur la page d’accueil de son site Internet, Tourette-du-Château regarde vers la mer. Une photo, plein écran, représente ses ruelles, ses maisons et son clocher direction le sud, avec la plaine du Var en ligne de mire et, encore plus au loin, la ville de Nice. Ce petit village perché de 150 âmes a entrepris de quitter la Communauté de communes des Alpes d’Azur (CCAA), qui couvre le nord-ouest des Alpes-Maritimes et réunit moins de 10.000 habitants, pour rejoindre les 550.000 résidants de la puissante métropole Nice Côte d’Azur. Soit plus de la moitié de la population départementale. Sa démarche, validée ce lundi matin en conseil métropolitain, avant d’autres feux verts qui lui restent à obtenir, n’est pas inédite. Selon Le Courrier des maires et des élus locaux, l’an dernier, neuf communes françaises avaient déjà décidé de changer d’intercommunalités.
Parmi les 227 communautés d’agglomération, les quatorze communautés urbaines et les vingt et une métropoles existantes au 1er janvier 2023, des ajustements s’opèrent. Un « mercato » à la marge, mais régulier, depuis que la loi du 16 décembre 2010 impose à toutes les communes d’intégrer un établissement public de coopération intercommunale (EPCI). Pourquoi ? Quels intérêts pour ces collectivités ? 20 Minutes fait le point.
Changer d’intercommunalité, pour coller à un « bassin de vie » et pour davantage de services ?
A Tourette-du-Château, qui avait intégré la CCAA en 2014, avant l’élection du maire actuel, ce dernier est formel : devenir la 52e commune à « rejoindre la métropole Nice Côte d’Azur est le choix le plus naturel pour nous », explique Laurent Baudoin (SE). La démarche serait corroborée par une étude d’impact menée pendant un an par un cabinet indépendant mandaté par le conseil municipal, appuie l’édile. « Nice, c’est notre bassin de vie. C’est là que beaucoup de nos actifs vont travailler. C’est aussi là que nos habitants vont faire leurs courses et se faire soigner », explique-t-il. Un choix logique donc, mais surtout des avantages pour le petit village. « Je n’ai absolument rien à redire de la CCAA. Tout s’est toujours très bien passé. Mais les services de la métropole sont plus forts », dit-il encore.
« Plus une intercommunalité est importante et plus les moyens sont importants, note un spécialiste, employé d’une collectivité de la Côte d’Azur et qui préfère resté anonyme. L’intérêt, pour une petite commune est certain en accédant à des ressources de qualité en matière d'eau potable, d’assainissement, de développement économique et pour la voirie notamment. Sur l’entretien des routes, c’est carrément un plus. Et il y a aussi la question du transport. »
En intégrant la métropole, Tourette-du-Château serait également ajouté à la liste des communes desservies par la régie Lignes d’Azur. « Dès le 1er janvier 2024, nous pourrions bénéficier d’un vrai service à la demande qui nous permettrait de nous désenclaver », se réjouit Laurent Baudoin. Cerise sur le gâteau, le changement permettrait une économie annuelle de 20 à 50 euros sur la fiscalité des foyers de la commune, assure encore l’édile, qui doit encore voir le transfert être validé.
Comment ça marche ?
Pour changer d’intercommunalité, il y a plusieurs étapes à respecter. Il faut d’abord, et bien évidemment, obtenir l’aval de celle vers qui une commune veut se tourner. Pour Tourette-du-Château, le conseil des maires de la métropole niçoise avait déjà donné son « go » le 18 septembre. L’ensemble du conseil métropolitain s’est également prononcé « pour » ce lundi matin à une très grande majorité (cinq oppositions et cinq abstentions). Mais, après ce premier accord-là, deux autres étapes seront encore à franchir.
La Commission départementale de coopération intercommunale (CDCI), qui intervient notamment dans « tout projet de modification du périmètre d’un établissement public de coopération intercommunale ou de fusion de tels établissements qui diffère des propositions du schéma départemental de la coopération intercommunale », doit donner son avis. In fine, c’est au préfet d’accorder ou non les transferts.
Quel intérêt, pour une intercommunalité, de s’agrandir ?
Grossir, pour n’importe quelle structure, peut paraître une bonne idée. Mais pas à n’importe quel prix. Si, en intégrant une nouvelle commune, une intercommunalité capte une nouvelle source de financement, via la fiscalité, elle doit en contrepartie lui offrir des services. Et donc dépenser. Il faut donc toujours s’assurer « que cela ne déséquilibre pas les finances » de la collectivité, expliquait en mars dernier à Nice-Matin le président de la métropole niçoise Christian Estrosi.
En l’espèce, pour Tourette-du-Château et ses 150 habitants, qui représenteront de nouvelles recettes ténues, il a fallu « calculer un certain nombre de paramètres », précisait-il également, évoquant « le coût des transferts de compétences », au niveau de la voirie, des réseaux d’eau potable et d’assainissement, des transports et du ramassage des ordures ménagères, « évidemment, mais aussi les principes environnementaux et la préservation des ressources. » Dans le cas précis de cette commune de 9,74 km2, la métropole augmente également la part d’espaces naturels dans son périmètre. « C’est toujours bien », glisse-t-on du côté de la collectivité.
Et si tout ça était aussi (et surtout) politique ?
Même si le maire de Tourette-du-Château s’en défend - il répète que « la seule motivation de l’ensemble du conseil municipal est de mieux coller au bassin de vie historique de la commune », certains observateurs ne peuvent s’empêcher d’y voir une éventuelle manœuvre politique, voire politicienne. « La Communauté de communes des Alpes d’Azur est présidée par Charles-Ange Ginésy, le patron (LR) du département, proche d’Éric Ciotti (LR). La métropole Nice Côte d’Azur, c’est Christian Estrosi (Horizons), avec qui, c’est la guerre. On peut logiquement se demander s’il n’y a pas à chercher de ce côté-là », confie un élu du littoral azuréen.
« Cela peut effectivement être un jeu politique, abonde encore le spécialiste, cité un peu plus haut. Ils essaient peut-être de se les piquer. » Toujours dans Nice-Matin, interrogé sur l’intégration de nouveaux villages au sein de la métropole, Christian Estrosi assurait de son côté n’être pas « demandeur ».