« Les clients peuvent mentir ou magnifier leur vie »… Biographe, elle fait de la vie des anonymes un roman
LA VIE DES AUTRES Après plus de vingt ans de carrière dans l’agroalimentaire, Delphine Berthon exerce depuis trois ans le métier d’écrivain public près de Rennes
- Les biographies ne sont pas réservées qu’aux gens célèbres. Installée près de Rennes, Delphine Berthon couche sur le papier la vie d’anonymes depuis trois ans.
- Ses clients sont souvent des personnes âgées qui souhaitent partager leur histoire et laisser une trace écrite à leurs proches.
Elle se serait bien vue journaliste, amoureuse des mots et curieuse des autres et de leur histoire. Ses études scientifiques l’ont finalement menée vers l’agroalimentaire. Un secteur dans lequel Delphine Berthon a exercé pendant plus de vingt ans dans la même société comme responsable qualité sécurité environnement. Mais fin 2019, cette mère de famille de 46 ans a préféré dire stop et a démissionné de son poste. « Trop de pression de ma hiérarchie et l’envie surtout de faire autre chose », confie-t-elle.
Trois ans plus tard, la voilà désormais reconvertie en biographe pour particuliers, prêtant sa plume pour écrire la vie des autres. « C’est après un bilan de compétences que je me suis tournée vers ce métier dont je n’avais jamais entendu parler », indique l’écrivain public, installé à Saint-Sulpice-la-Forêt près de Rennes. Pour se faire la main, Delphine a d’abord commencé par écrire la biographie de son père, puis celle du père d’une amie. Avant que son premier client ne tape à sa porte. « Un vieux monsieur de 90 ans qui avait grandi à Versailles dans un milieu aisé et qui avait exercé comme médecin pédiatre à Rennes », se souvient-elle.
« Les clients me racontent ce qu’ils veulent »
Avant de coucher sa vie sur papier, la biographe l’a longuement écouté avec une dizaine d’heures d’entretien au compteur. « Il faut que le courant passe bien et que les clients se sentent en confiance donc il faut avoir ce don d’écoute », assure-t-elle. L’empathie est également primordiale dans ce métier. « Je ne suis pas là pour les juger, indique-t-elle. Les clients me racontent d’ailleurs ce qu’ils veulent, ils peuvent mentir, omettre certains moments de leur vie ou la magnifier. »
Une fois ces souvenirs collectés, Delphine se charge ensuite d’en faire un récit de vie, souvent de manière chronologique et en utilisant toujours le présent et le je. « On doit avoir l’impression que ce sont eux qui ont écrit le livre », indique la biographe, qui ne se considère « pas comme un écrivain extraordinaire. » Depuis qu’elle exerce, une dizaine de clients lui ont confié le soin de raconter l’histoire de leur vie dans un livre, imprimé en quelques exemplaires. Très souvent des personnes âgées qui souhaitent laisser une trace écrite à leurs enfants et petits-enfants. « Cela peut-être des personnes d’un milieu un peu aisé et qui ont eu des vies très riches mais aussi des personnes parties de rien et qui ont réussi », raconte Delphine.
Raviver les souvenirs d’enfance
Récemment, la biographe a également recueilli la parole d’une femme de 35 ans qui avait eu une enfance difficile et souhaitait l’écrire. « Mais je ne suis pas psy non plus », prévient-elle. Elle reconnaît tout de même que le fait de se replonger dans leurs souvenirs en remue certains qui « ont parfois du mal à dormir » après une séance d’entretien. Des clients qui ont aussi parfois la mémoire qui flanche, notamment sur les souvenirs d’enfance. « J’essaie dans ce cas de raviver ces souvenirs en les questionnant sur leur maison familiale, sur leurs parents, leurs frères et sœurs, explique-t-elle. Certains se perdent aussi parfois dans des détails donc j’essaie de reprendre le fil avec eux. »
Dans les prochains jours, Delphine prendra sa plume pour raconter le périple du marcheur breton Serge Georgelin, actuellement en Australie pour tenter de battre le record mondial de la traversée de l’île-continent. « Une aventure incroyable », assure celle qui a trouvé son bonheur en écoutant les anonymes se raconter : « Et tout le monde a plein de choses à raconter ! »