Charles III à Bordeaux : « Depuis vendredi, c’est la folie » témoigne la vigneronne dont le vin a été dégusté par le roi

AUBAINE Le vin en conversion bio de Noémie Tanneau, vigneronne à Lussac Saint-Emilion, a été sélectionné pour être dégusté par le roi Charles III lors de sa visite à Bordeaux vendredi

Mickaël Bosredon
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Baise-main, descente des champs et patrouille de France : la première journée du roi Charles III en images — 20 Minutes
  • Vendredi, le vin de Noémie Tanneau, viticultrice à Lussac-Saint-Emilion, a été sélectionné par le CIVB (Conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux) pour être présenté au roi Charles III lors de sa déambulation place de la Bourse, à Bordeaux.
  • En « galère », c’est une véritable aubaine pour cette jeune viticultrice de 36 ans en conversion bio, qui reçoit énormément de messages, et de premières commandes, depuis l’événement.
  • Sa cuvée Source a été sélectionnée en raison de la démarche environnementale de Noémie Tanneau, qui va jusqu’à la bouteille et même l’étiquette.

Quand on a contacté Noémie Tanneau ce dimanche, pour qu’elle nous livre son sentiment après que le roi Charles III a goûté à son vin, vendredi lors de son passage à Bordeaux, elle a tenu avant toute chose à rétablir la vérité quant à son absence à l’événement. « J’ai lu que 20 Minutes avait écrit que je ne pouvais pas venir car je vendangeais, franchement, si on m’avait proposé de venir, j’aurais tout lâché pour y aller, vendange ou pas vendange », éclate-t-elle de rire.

Noémie Tanneau présente la cuvée Source qui a été dégustée vendredi par le roi Charles III lors de sa venue à Bordeaux.
Noémie Tanneau présente la cuvée Source qui a été dégustée vendredi par le roi Charles III lors de sa venue à Bordeaux. - Noémie Tanneau

Même si ce n'est pas ce qui nous avait été dit sur place, mea culpa, donc. « Sérieusement, poursuit-elle, j’ai réellement demandé à venir, mais cela n’a pas pu se faire car il y avait déjà beaucoup de monde pour cet événement place de la Bourse, et finalement pour moi, le principal était que mon vin soit là. » Et « apparemment, le roi l’a apprécié ».

« Une dizaine de personnes sont passées pour acheter la "cuvée du roi" »

Viticultrice au château Saint-Ferdinand, à Lussac-Saint-Emilion, Noémie Tanneau est une jeune vigneronne de 36 ans, qui s’est lancée sur le tard, en 2020. Vendredi, c’est donc son vin, la cuvée Source pour être précis, qui a été sélectionnée par le CIVB (Conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux) pour être présenté au roi d’Angleterre Charles III lors de sa déambulation place de la Bourse.

Le roi Charles déguste le vin de la vigneronne Noémie Tanneau, de Lussac-Saint-Emilion, place de la Bourse à Bordeaux.
Le roi Charles déguste le vin de la vigneronne Noémie Tanneau, de Lussac-Saint-Emilion, place de la Bourse à Bordeaux. - CIVB

Et, « depuis vendredi, c’est tout simplement la folie », explique Noémie Tanneau. « J’ai un nombre de retours incroyable, le téléphone n’arrête pas et je reçois plein de messages d’encouragement. Bon, je n’ai pas non plus une foule en délire devant la maison, mais il y a quand même une dizaine de personnes qui sont passées pour acheter la "cuvée du roi", et j’ai reçu une quinzaine de commandes. »

« Cela tombe à point nommé, parce que je galère »

Pour la jeune femme, tout cela « tombe à point nommé, parce que franchement je galère : je n’ai que 6 hectares, mais je fais le tracteur, le vin, le commerce… On court partout pour faire les foires et les salons, alors que nous avons aussi deux petites filles de 8 et 10 ans. » La dégustation royale représente donc « un formidable coup de projecteur » et « rebooste un maximum ». « Ça fait du bien de voir qu’on ne se donne pas pour rien, parce que je communique beaucoup sur les réseaux sociaux, mais c’est tellement difficile de se faire connaître parmi les 5.000 vignerons de Bordeaux, sans compter tous les autres en France.  »

Noémie Tanneau souligne aussi que « c’est chouette d’avoir mis en avant lors de cette dégustation un petit vigneron, dans un contexte qui n’est pas évident. On voit souvent les grands châteaux, et c’est très bien car leur renommé rejaillit sur tout le monde, mais c’est bien aussi de montrer qu’il y a des petites propriétés qui proposent des vins abordables [le vin du château Saint-Ferdinand est vendu entre 10 et 25 euros la bouteille]. Même des vignerons du village sont heureux, car on connaît beaucoup Saint-Emilion, moins les satellites, là c’est l’occasion de parler de l’appellation Lussac-Saint-Emilion. »

Bouteille allégée, sans capsule et étiquette en canne à sucre

Mais comment le vin de ce petit château, s’est-il retrouvé dans le verre à dégustation de Charles III ? « La visite du roi à Bordeaux tournait autour du thème de l’environnement, le CIVB a donc voulu mettre en avant un vin bio, et il m’a sélectionnée car j’ai gagné le trophée Bordeaux vignoble engagé, organisé par Terres de vin et le CIVB, parmi 300 vignerons. »

Il faut dire que la démarche environnementale chez Noémie Tanneau, ce n’est pas du pipeau. « J’ai démarré l’activité en 2020, et j’ai commencé ma conversion bio dès 2021. Parallèlement, j’ai mis en place plusieurs actions en faveur de l’environnement, je suis notamment refuge de la Ligue de protection des oiseaux, j’ai installé 270 plants de haies tout autour du vignoble avec l’association Arbres et paysage… Concernant le vin dégusté par le roi, c’est une cuvée de 2022, sans soufre ni sulfites ajoutés. Il fait partie de la collection Sauvage, dont la particularité est d’aller encore plus loin au niveau de la démarche environnementale, avec une bouteille allégée, sans capsule aluminium, et avec une étiquette en mélasse de canne à sucre pour éviter la déforestation. Nous la commercialisons dans des cartons éco-conçus, que nos clients nous ramènent pour qu’on les réutilise… Bref, nous essayons d’aller au bout du bout de la démarche. »

Un « profil atypique, qui rafraîchit l’image des vins de Bordeaux »

La trentenaire reconnaît aussi qu’elle a « un profil atypique, qui rafraîchit l’image des vins de Bordeaux, ça a dû aider un petit peu aussi. » Issue d’une famille originaire de la région parisienne, elle s’est installée sur le bassin d’Arcachon à l’âge de 12 ans. « J’ai commencé par travailler dans le social auprès de jeunes en insertion, puis au bout de trois ans, je me suis aperçue que c’était le milieu agricole qui m’attirait, le côté nature, j’ai donc repris un BTS en viticulture-oenologie, en alternance au château Haut-Vigneau en Pessac-Léognan. »

Noémie Tanneau poursuit sa reconversion jusqu’au diplôme d’ingénieur agronome, passé à Bordeaux Sciences Agro, « puis j’ai travaillé à la cave coopérative de Puisseguin, c’est là que j’ai rencontré la vigneronne du château Saint-Ferdinand. Elle avait la soixantaine, elle voulait partir à la retraite, et elle est venue me voir pour que je reprenne le château. »

Aujourd’hui, elle tient l’exploitation « avec Chantal, ouvrière agricole à mi-temps, et Laurence en apprentissage secrétaire assistante de direction, et mon mari qui me soutient ». « On est des gens simples, poursuit-elle, et nous sommes ouverts tous les jours pour accueillir la clientèle. » Prière, tout de même, de passer un petit coup de fil avant, « des fois que je sois sur le tracteur. »