Salaire des enseignants : Pourquoi le pacte séduit-il les professeurs de l’enseignement privé ?

ÉDUCATION Dans le diocèse de Nantes par exemple, 70 % de l’enveloppe dédiée au pacte a déjà été consommée

Delphine Bancaud
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Les établissements catholiques, ici le collège Stanislas de Cannes, constituent 97 % des établissements privés sous contrat. (Illustration)
Les établissements catholiques, ici le collège Stanislas de Cannes, constituent 97 % des établissements privés sous contrat. (Illustration) — SYSPEO/SIPA
  • Nouveau dispositif de la rentrée, le pacte permet à des enseignants volontaires de s’engager à de nouvelles missions en échange de rémunération. S’il est rejeté dans le public, il séduit dans l’enseignement privé.
  • Selon le secrétariat général de l’Enseignement catholique (qui représente 97 % des établissements privés sous contrat), ses établissements se sont bien emparés du dispositif, surtout dans le second degré.
  • A l’instar de Benoit, professeur de lettres au lycée privé Montalembert de Courbevoie (Hauts-de-Seine), qui nous a confié ses raisons.

« Cette année, je vais toucher 2.500 euros bruts en plus. C’est super intéressant en période d’inflation. D’autant qu’en Ile-de-France, on n’a pas le même pouvoir d’achat que nos collègues de province en raison du prix élevé du logement », relève Benoit, professeur de lettres au lycée privé Montalembert de Courbevoie (Hauts-de-Seine). S’il mettra un peu plus de beurre dans ses épinards cette année, c’est qu’il a accepté de signer un pacte qui permet depuis la rentrée aux professeurs d’effectuer de nouvelles missions (trois au maximum), en échange de nouvelles rémunérations.

Pour les enseignants du second degré, il s’agit prioritairement d’assurer des remplacements de courte durée de collègues absents. Autres missions proposées : la participation au dispositif « devoirs faits » (aide aux devoirs au collège), à des stages de réussite lors des vacances, à des missions de coordination sur des projets d’innovation pédagogique ou, pour les enseignants du premier degré, à l’heure hebdomadaire de soutien en français et maths en 6e créée à la rentrée.

« Dans le diocèse de Nantes par exemple, 70 % de l’enveloppe a déjà été consommée »

Un dispositif décrié dans le public. Si aucun chiffre officiel n’est encore sorti, une enquête du SNPDEN-Unsa, principal syndicat des chefs d’établissements parue la semaine dernière indique que le taux moyen de pactes signés dans les collèges et lycées publics est de 23 %. Et que dans 30 % des collèges et lycées, les enseignants n’ont à ce stade signé aucun pacte.

La tendance est loin d’être la même dans l’enseignement privé. « Le dispositif a reçu un accueil favorable, particulièrement dans le second degré. Dans le diocèse de Nantes par exemple, 70 % de l’enveloppe a déjà été consommée et c’est représentatif de ce qui se passe ailleurs. Dans certains établissements, on manque même de briques de pacte », a annoncé ce jeudi Philippe Delorme, secrétaire général de l’enseignement catholique, lors de sa conférence de rentrée. Ce que confirme aussi le ministère de l’Education. Un bilan chiffré précis avant les vacances de la Toussaint.

Des missions qui étaient parfois déjà faites… gratuitement

Si l’ancien ministre de l’Education, Pap Ndiaye, espérait au moins 30 % d’enseignants signataires, ce qui ne sera a priori pas le cas dans le public, cette proportion a de bonnes chances d’être dépassée dans le privé. Alors comment expliquer cette telle différence d’adhésion du dispositif chez les enseignants ? Yann Diraison, secrétaire général adjoint pour l’enseignement catholique avance une explication : « Dans les établissements catholiques, les enseignants font souvent des missions supplémentaires bénévolement, comme remplacer un collègue absent ou être coordinateur de niveau dans une discipline. Le fait que ces missions soient désormais rémunérées a incité les enseignants à signer un pacte. Ils vivent ce dispositif comme une meilleure reconnaissance de leur engagement. »

Ce dont atteste Benoit : « Je remplaçais souvent des collègues sur des absences de courtes durées sans être payé pour cela. Idem pour des projets que je menais pour le lycée. » Il a donc choisi de prendre deux briques de pacte pour effectuer des remplacements et animer un atelier écriture. Il avait même brigué une troisième brique de pacte, mais l’établissement ne lui a pas accordé, car la demande était trop forte (43 briques de pacte étaient proposées pour 150 enseignants).

Quelques obstacles en primaire

Si le pacte a pris dans l’enseignement privé, c’est aussi parce que le poids des syndicats enseignants y est moins fort que dans le public. Et même si le Spelc, la CFDT, la CFTC ou la CGT se sont montrés opposés au dispositif, leur mot d’ordre de ne pas y adhérer a été moins suivi que celui des syndicats d’enseignants du public.

Reste que le pacte est confronté à quelques obstacles dans certains établissements privés du premier degré. « Les enseignants ayant 24 heures de cours à assurer, il n’est pas évident pour eux de se libérer par exemple pour participer à l’heure de soutien en 6e ou au dispositif "devoirs faits", quand cela nécessite de se déplacer dans un autre établissement. C’est particulièrement vrai en zone rurale », souligne Yann Diraison. Ce qui laisse présager les chiffres d’adhésion au pacte contrastés d’une région à une autre.