Les acheteurs de voitures de dealers n’ont « pas d’état d’âme »

Adjugé, vendu ! Ouverte depuis 2022, l’antenne bretonne de l’Agrasc organisait sa première vente aux enchères de véhicules saisis dans le cadre d’enquêtes judiciaires

Camille Allain
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Cette BMW série 1 a été vendue un peu plus de 9.000 euros par l'Agrasc aux enchères à Rennes. Elle avait été saisie par la justice à une personne soupçonné de plusieurs délits.
Cette BMW série 1 a été vendue un peu plus de 9.000 euros par l'Agrasc aux enchères à Rennes. Elle avait été saisie par la justice à une personne soupçonné de plusieurs délits. — C. Allain/20 Minutes
  • Dix véhicules étaient vendus aux enchères ce jeudi par l’Agrasc, agence de l’Etat gérant les saisies et confiscations judiciaires.
  • Ces voitures plutôt luxueuses appartenaient à des trafiquants de drogue ou délinquants routiers condamnés ou en attente de jugement.
  • Les 175.500 euros récoltés seront prochainement reversés dans les caisses de l’Etat et de fonds de lutte contre les trafics.

La vente s’est bouclée en quarante-cinq petites minutes, pour un butin d’un peu plus de 175.000 euros. Ce jeudi matin, dix véhicules plutôt luxueux ont été vendus sur le parking d’un chic restaurant de Rennes. Organisée par l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (Agrasc), cette vente aux enchères avait pour but de faire rentrer quelques dizaines de milliers d’euros dans les caisses de l’État grâce au fruit de la cession de véhicules saisis dans le cadre d’enquêtes judiciaires. Des BMW, Porsche, Jaguar ou Maserati qui avaient été confisquées à leurs propriétaires mis en cause dans le cadre de trafic de drogue, de travail dissimulé ou de délits routiers. Avec un mot d’ordre : « Que le crime ne paye pas ».

Autour du commissaire-priseur, une cinquantaine de personnes sont réunies pour faire grimper les enchères. Qu’ils soient présents sur place ou connectés à distance, les acheteurs savent qu’ils plongent un peu dans l’inconnu en optant pour ces véhicules vendus « dans l’état et sans réclamation possible ». Khadija a sauté le pas. Venue pour trouver une voiture à sa fille, elle est montée jusqu’à 9.500 euros (plus 14 % de frais) pour s’offrir une petite BMW Série 1 de 150.000 km. Et si elle appartenait à un gros dealer du coin ou à un chauffard ? « Les infractions, ce sont les individus qui les ont commises, pas la voiture. L’historique, moi je m’en fiche, tant que la voiture roule bien », assure l’acheteuse.

« J’ai déjà un cabriolet pour l’été »

Quelques minutes plus tard, c’était au tour d’Évelyne et son mari de flamber pour s’offrir une Maserati Levante de 2018. Mis à prix à 25.000 euros, le SUV blanc est finalement parti pour 42.000 euros. Une affaire pour « la star de la vente », qui se vend normalement plus de 100.000 euros neuve. « J’ai déjà un cabriolet pour l’été. Je cherchais quelque chose de différent », témoigne Évelyne, qui s’est acheté un SUV italien avec la même décontraction que nous une baguette de pain. Et le fait de ne pas connaître l’historique de la voiture ? De ne pas savoir qui l’utilisait et comment elle roulait ? « Ça ne m’inquiète pas du tout. Je n’ai pas d’état d’âme. » Nous avons bien essayé de savoir à qui le bolide appartenait mais impossible. « L’affaire est toujours en cours et n’a pas été jugée. Je ne peux rien dire », explique Aurélie Poirier.


La magistrate coordonne les antennes de Rennes, Lille et Roubaix de l’Agrasc. Ce jeudi matin, elle peut s’estimer satisfaite d’avoir fait rentrer 175.500 euros dans les caisses de son agence. « L’objectif, c’est d’abord de montrer à tout le monde que le crime ne paye pas. Si un objet a été acheté avec l’argent d’un trafic ou d’un vol en bande organisée, la justice a le droit de le confisquer. C’est une peine qui s’ajoute à la peine », explique la magistrate.

Des voitures confisquées à des trafiquants condamnés

Parmi les voitures vendues jeudi, trois ont par exemple été confisquées à des dealers condamnés par le tribunal correctionnel de Saint-Brieuc (Côtes-d’Armor). « Cela permet aussi de rappeler aux magistrats l’importance de ces actes. De montrer que quand ils statuent à 23 heures pour la confiscation de tel ou tel bien, ils peuvent rapporter des milliers d’euros à la justice. » Reversées au budget général de l’État, ces sommes peuvent aussi abonder le fond de la Mildeca, qui lutte contre le trafic de produits stupéfiants, ou encore le fond de concours de lutte contre le proxénétisme et de la traite des êtres humains.


Ces ventes permettent aussi de mettre fin aux 1.600 euros de frais de gardiennage que coûte chaque voiture chaque année aux tribunaux. « Tout le monde est gagnant. Une voiture qui dort pendant cinq ou six ans sans rouler, elle n’intéressera personne », explique la magistrate Aurélie Poirier. En cas de relaxe ou de levée de saisie par un juge, le mis en cause sera indemnisé par l’Agrasc du montant de la vente.

Ouverte en janvier 2022, l’antenne rennaise de l’Agrasc a déjà effectué 4.300 enregistrements de nouveaux dossiers pour un volume financier de 23,2 millions d’euros. Concrètement, plus de 13 millions d’euros ont déjà été piqués aux délinquants pour remplir les caisses publiques.