Bordeaux : Bientôt une vraie salle de classe pour éviter « la double peine » aux enfants hospitalisés au CHU
rayon de soleil À partir de 2025, deux salles de classe vont ouvrir au sein de l’hôpital des enfants de Bordeaux pour permettre à environ un millier de jeunes patients par an de ne pas perdre le fil de l’école
- Depuis 1992, des enseignants spécialisés proposent des cours aux enfants de l’hôpital des enfants de Bordeaux, mais sans disposer d’une salle de classe digne de ce nom.
- Grâce à une opération de mécénat, des travaux pour transformer l’ancien service de réanimation en deux salles de classe vont être lancés d’ici la fin de l’année pour une ouverture envisagée en 2025.
- Ces salles de classe permettront de dispenser des enseignements collectifs aux patients dont l’état de santé le permet. Un dispositif qui permet d’assurer une continuité pédagogique dans un cadre qui change un peu les idées, quand on est hospitalisé.
« Je suis là depuis samedi et j’ai déjà eu deux cours dans ma chambre, raconte Johan, 13 ans, en classe de 4e et hospitalisé à Bordeaux après la détection d’un diabète. Cela va me permettre de ne pas prendre de retard ». Huit enseignants spécialisés, fonctionnaires de l’éducation nationale, dispensent des cours aux patients âgés de 3 à 18 ans, au sein de l’hôpital des enfants de Bordeaux. Ils officient depuis 1992, année d’ouverture du service, mais avec les moyens du bord. Les conditions vont changer d’ici 18 mois a annoncé ce mercredi la direction du CHU.
Aujourd’hui, les cours ont lieu soit dans la chambre du patient, soit dans le bureau des enseignants ou encore dans la petite salle à manger des parents d’enfants malades, ouverte sur le service. Pas l’idéal pour assurer la continuité pédagogique et sortir aussi un peu, quand cela est possible, l’enfant de l’environnement un peu austère de sa chambre d’hôpital.
Eviter la coupure avec l’école et les autres enfants
Une partie des dons reçus via du mécénat au bénéfice du CHU de Bordeaux, soit 210.000 euros, va permettre d’ouvrir, d’ici 2025, deux salles de classe. L’une de 30 places pour les enfants hospitalisés et l’autre de 15 places, dédiée aux enfants accueillis en soins de suite et de réadaptation pédiatrique. Elles seront installées au sous-sol, là où se trouvait l’ancienne réanimation. Le chantier doit démarrer dès fin 2023. « Une vraie classe, ce serait un peu mieux, pointe Johan. Je n’ai encore rencontré aucun enfant ici ». Eva, 14 ans, vient tous les trois mois environ, depuis ses cinq ans, pour des hospitalisations en lien avec une maladie génétique rare, la cystinose. « Des fois, à cause de l’hospitalisation, on perd un peu de notre niveau scolaire. Et si on est trois ou quatre, c’est un peu comme avoir des copains de classe ».
Marie, la maman de Johan est aussi enseignante spécialisée dans ce service et se retrouve de l’autre côté, après le diagnostic de diabète chez son fils. « L’isolement est très important quand on est malade, pointe-t-elle. C’est essentiel de leur permettre de se regrouper, au sein d’un cadre et avec tout le matériel qu’il faut. Sinon c’est la double peine : on est malade et on prend du retard scolaire ».
« Une prise en charge globale »
Environ 300 enfants par jour passent par l’hôpital des enfants de Bordeaux et pour Brigitte Llanas, cheffe du pôle pédiatrie, il faut leur proposer « une prise en charge globale ». Elle pointe d’ailleurs le fait que les enseignants spécialisés assistent aux staffs médicaux. « On a la chance d’avoir accès aux dossiers médicaux des enfants, on peut voir ce qu’ils ont et chaque matin on se les répartit en fonction des âges et des niveaux », complète Laëtitia Gilles-Million, enseignante spécialisée dans le premier degré et qui vient de faire sa douzième rentrée au CHU.
Chaque année, ces enseignants qui ont pour mission de faire rentrer l’école dans les murs de l’hôpital voient un millier d’enfants environ, de la maternelle à la terminale. « Il nous manque la dimension collective, particulièrement pour les plus petits dont je m’occupe, ils ont besoin de s’appuyer les uns sur les autres », confie Laëtitia Gilles-Million. La nouvelle salle de classe permettra de faire entrer davantage de normalité à l’hôpital, même si l’enseignement restera adapté à chaque pathologie et au niveau de fatigue des enfants. Les cours dans les chambres continueront en parallèle pour ceux qui ne peuvent la quitter, pour des raisons médicales.
« Les élèves oublient un peu leurs maladies »
« On est plutôt très bien accueillis car ils se rendent compte qu’on a un lien un peu privilégié avec eux, remarque Laetitia Gilles-Million. C’est une heure où ils pensent à autre chose, ils redeviennent des enfants et plus seulement des patients. Les élèves oublient un peu leurs maladies. » Sophie Loppinet, coordinatrice de l’enseignement spécialisé, fait le lien entre les services départementaux de l’éducation nationale et l’hôpital. Elle raconte aussi l’engagement personnel des enseignants, fédérés en association et qui réalisent chaque année une action pour récolter des fonds pour du matériel éducatif. Les professeurs sont, eux, beaucoup en lien avec les établissements d’origine des enfants.
À la connaissance d’Anne Delmas Laussinote, cadre supérieure de santé, ce serait la deuxième école de ce type dans un hôpital en France, avec celle qui existe déjà à l’hôpital Necker, à Paris. Un vrai progrès pour la qualité du séjour des enfants à l’hôpital afin qu’ils ne « perdent pas le fil », ajoute-t-elle. « Le collège, c’est mieux que l’hôpital », conclut Johan, avec un sourire un peu triste.