Rentrée scolaire 2023 : Y a-t-il vraiment « un professeur devant chaque classe », comme l’a promis Emmanuel Macron ?

EDUCATION Au collège et au lycée, certains enseignants sont encore manquants à cette rentrée

Delphine Bancaud
Une salle de classe vide dans un lycée du Havre.
Une salle de classe vide dans un lycée du Havre. — Maxime Le Pihif
  • Alors que l’exécutif promettait un enseignant devant chaque classe, la situation est plus compliquée dans les collèges et les lycées.
  • Dans son enquête publiée ce mercredi, le SNPDEN-Unsa indique que, dans 58 % des collèges et lycées, il manquait plus d’un enseignant la semaine dernière. Lundi, le Snes-FSU a aussi dévoilé un sondage faisant part du manque d'« au moins un enseignant en moyenne dans 48 % des collèges et des lycées ».
  • Des chiffres contestés par le ministère de l’Education. Ce dernier mise notamment sur le pacte, avec la priorité fixée pour les profs signataires d’effectuer des remplacements de courte durée, pour améliorer la situation. Mais pour l’heure, peu d’enseignants ont signé.

La phrase a été répétée à l’envi par Emmanuel Macron et son ministre de l’Education à la veille de la rentrée : « Il y aura un enseignant devant chaque classe ». Une promesse qui irrite les enseignants et les chefs d’établissements : « Puisqu’on savait que ce ne serait pas le cas, il ne fallait pas raconter d’histoires », a commenté ce mercredi Bruno Bobkiewicz, secrétaire general du SNPDEN, principal syndicat des chefs d’établissement.

Car cette année encore, plus de 1.850 postes n’ont pas été pourvus aux concours du secondaire, en raison d’une crise de recrutement. Une situation un peu moins tendue que lors de la rentrée 2022, mais qui a obligé l’Education nationale à recourir une nouvelle fois à des contractuels. Deux semaines après la rentrée, l’heure des comptes a sonné, et plusieurs syndicats ont sondé leurs troupes sur le terrain. Dans une enquête menée auprès de 2.750 principaux et proviseurs et dévoilée ce mercredi, le SNPDEN-Unsa relève que dans 58 % des collèges et lycées, il manquait plus d’un enseignant la semaine dernière. Lundi, le Snes-FSU, premier syndicat du second degré, dévoilait son propre sondage réalisé dans 508 collèges et lycées. Il faisait état d’un manque d' « au moins un enseignant en moyenne dans 48 % des collèges et des lycées » en France.

« Une rupture d’égalité entre les élèves »

La situation est très variable d’un territoire à un autre. « Comme d’habitude, l’académie de Créteil (Seine-Saint-Denis, Val-de-Marne et Seine-et-Marne) est la plus concernée, suivie par celle de Versailles. Mais celle de Nice est également touchée. En revanche, l’académie de Limoges est celle où il y a le moins de problèmes », constate Bruno Bobkiewicz. Le FSU-Snes pointe aussi des pénuries de profs dans les académies de Versailles (59 %), Orléans-Tours (53 %), Normandie (51 %) ou Nantes (50 %).

Selon le Snes, les matières les plus touchées sont les lettres modernes, l’anglais, les mathématiques ou encore les sciences de l’ingénieur. « Parfois, ce ne sont que quelques heures dans une discipline qui ne peuvent pas être dispensées, mais cela crée tout de même une rupture d’égalité entre les élèves », souligne Laurence Colin, secrétaire générale adjointe au SNPDEN-Unsa. Outre les enseignants, il manque aussi des accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) dans 22 % des établissements, selon l’enquête du SNPDEN-Unsa « et même 50 % dans les collèges et lycées parisiens », observe Bruno Bobkiewicz.

Des remplacements possibles grâce au pacte ?

Ces données, le ministère de l’Education nationale les conteste en partie, car il estime que l’étude du Snes ne distingue pas « les postes non pourvus » des absences ponctuelles u moment de la rentrée, liées à un arrêt maladie, un congé maternité… Absences qui ont « évidemment vocation à être résorbées ou remplacées rapidement », précise l’entourage de Gabriel Attal à 20 Minutes. Selon lui, les données des académies font « état de 500 postes restant à pourvoir dans le second degré, soit 0,1 % des postes. » Des propos qui ne rassurent pas Bruno Bobkiewicz : « On n’est pas sûr que les contractuels seront assez nombreux pour combler ces manques. Par ailleurs, d’ici à 15 jours, on va voir apparaître d’autres arrêts maladie, comme à chaque rentrée ». 

Gabriel Attal mise notamment sur le pacte enseignant, qui prévoit des hausses de rémunérations conditionnées à de nouvelles missions, notamment de remplacement de courtes durées dans les collèges et les lycées. Une solution qui ne sera pas possible partout, car selon l’enquête du SNPDEN-Unsa, 30 % des établissements n’ont à ce stade aucun pacte signé, et 54 % des collèges et lycées en ont moins de 10 %. Le taux moyen de pactes signés dans les établissements du second degré est de 23 %. Et l’enquête ne dit pas si les enseignants engagés dans le dispositif ont accepté une mission de remplacement ou une autre. Si les enseignants peuvent continuer à signer des pactes au cours de l’année, Bruno Bobkiewicz ne croit pas à une envolée prochaine des chiffres : « Il y a une allergie collective au pacte, c’est un dispositif mal né. » L’objectif que l’ancien ministre de l’Éducation, Pap Ndiaye, visait en avril dernier, de 30 % d’adhésion chez les enseignants, semble donc s’éloigner.

Des concertations pour améliorer les conditions de travail des profs

Pour ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier, Gabriel Attal a réuni ce mercredi les syndicats d’enseignants pour évoquer les « pistes permettant de renforcer encore l’attractivité du métier d’enseignant ». Les syndicats ont déjà fait part de leurs priorités : « le salaire, le taux d’encadrement/la taille des classes, l’amélioration du mouvement, la remise à plat du fonctionnement de l’école inclusive », énumère Jean-Rémi Girard, président du Snalc.

Et selon Elisabeth Allain-Moreno, secrétaire générale du SE-Unsa, le regain d’attractivité du métier passe par « des classes moins chargées, des élèves à besoins particuliers mieux accompagnés, des formations sur temps de travail possibles, des temps partiels autorisés, des fins de carrière aménagées.. ». Une kyrielle de revendications qu’il sera sans doute difficile d’honorer pour le nouveau ministre.