Cancer du sein : Se reconstruire après la maladie grâce aux tatouages réparateurs
NOUVELLE VIE Certaines patientes font appel à des tatoueurs spécialisés pour recouvrir des cicatrices. Une manière de retrouver son identité et d’avancer
- Si certains vivent et se reconstruisent avec leurs cicatrices, d’autres font le choix d’avancer en cachant ces stigmates.
- Le tatouage réparateur est un outil efficace pour recouvrir ces marques laissées par la maladie.
- Grâce à une technique infaillible, ces artistes recréent des aréoles en trompe-l’œil au détail près.
« J’ose de nouveau me regarder dans le miroir. J’ai l’impression qu’on m’a rendu mon sein », s’enthousiasme Stéphanie, habitante de la région toulousaine. Atteinte d’un cancer du sein précoce en 2009 à 47 ans, elle doit subir une ablation complète d’un de ses seins. À cette époque, le chirurgien lui pose une prothèse mammaire et une infirmière habilitée lui tatoue une aréole. « Ils ont fait du mieux qu’ils ont pu mais je n’ai pas du tout accepté ce « sein » ». En 2019, la mère de famille doit enlever la prothèse en urgence. « À ce moment-là, ils l’ont reconstruit par greffe d’un lambeau abdominal. Le chirurgien m’a alors conseillé de passer par un tatoueur spécialisé pour s’occuper de mon téton ». Et c’est là que la magie opère.
Grâce à un travail de reconstitution en trompe-l’œil de son aréole au détail près, Stéphanie peut tourner la page de son cancer. « Pour moi, c’est enfin derrière moi. Je me sens comme quelqu’un de normal. J’ai retrouvé mon sein », explique celle qui est passée dans les mains de Muriel Verstraete, une tatoueuse membre de l’Institut du Sein Grand Toulouse. Cette dernière, installée dans la région toulousaine depuis 2018, travaille sur la réparation du sein, mais aussi de toute autre cicatrice ou brûlure.
Dix heures de travail
« Il s’agit d’appliquer les techniques du tatouage artistique traditionnel pour restaurer le corps. Créer une illusion d’optique en jouant avec des encres dédiées et des jeux d’ombre et de lumière pour redonner vie à un sein, masquer une cicatrice, une brûlure ou du vitiligo », explique la professionnelle minutieuse dans son salon Les Tatouages de Muriel.
« Je ne leur rendrai jamais ce qu’on leur a pris, mais je fais mon maximum pour les aider », témoigne-t-elle. Et le maximum, ce sont ces heures de travail pour recréer le plus naturellement possible une partie d’un corps meurtri par la vie. « Il me faut entre 8 et 10 heures de travail pour concevoir un mamelon par exemple car je fais du ton sur ton. J’essaie de trouver les couleurs les plus similaires et la forme la plus naturelle pour créer l’illusion. »
Une nouvelle identité à intégrer
Un travail d’orfèvre qui peut être salutaire selon Anaïs Bergeron, psychologue clinicienne, spécialisée dans la prise en charge de patients atteints de maladies somatiques. « L’être humain a horreur du vide et chacun va trouver une stratégie propre pour se reconstruire », estime la psychologue de la clinique Ambroise Paré à Toulouse. « Après une maladie ou un accident, on doit composer avec ce qui n’est plus. Le tatouage réparateur peut être une solution. Mais c’est propre à chacun. Il faut que ce soit le choix du patient d’intégrer ce tatouage dans son nouveau soi », ajoute-t-elle. « Mais si on est dans ce cheminement-là, c’est qu’on a fait le travail de deuil de son ancien corps et qu’on cherche à trouver une nouvelle identité », conclut Anaïs Bergeron.
Et tout cela a un coût, déjà psychologique, mais aussi financier : « Ce n’est malheureusement pas remboursé par la Sécurité sociale et tout le monde ne peut pas se le permettre… Je ne comprends pas que ce ne soit pas remboursé, sachant que le tatouage fait partie de la reconstruction physique après la maladie », déplore Stéphanie, qui a dû débourser 900 euros pour retrouver un corps dans lequel elle se sent bien.
Loin d’effacer son histoire, le tatouage réparateur permet de couvrir les marques de la souffrance. Un travail physique qui doit être accompagné d’un parcours psychologique pour réellement tourner la page de la maladie.