Violences après la mort de Nahel : Les maires, cibles privilégiées des jeunes émeutiers

Victimes Plusieurs élus ont été agressés ou ciblés par des insultes et des menaces ces derniers jours

20 Minutes avec AFP
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Le domicile du maire de l'Haÿ-les-Roses a été la cible d'une attaque à la voiture-bélier.
Le domicile du maire de l'Haÿ-les-Roses a été la cible d'une attaque à la voiture-bélier. — Nassim GOMRI / AFP

« Tuez le maire », « C’est la maire ! On va s’la faire »… L’attaque à la voiture-bélier du domicile du maire de L’Haÿ-les-Roses dimanche a ravivé les inquiétudes des élus locaux, cibles privilégiées des émeutiers après la mort de Nahel, tué mardi à 17 ans par un policier. A L’Haÿ-les-Roses (Val-de-Marne), au sud de Paris, un véhicule enflammé a délibérément visé le pavillon du maire Vincent Jeanbrun (LR) dans la nuit de samedi à dimanche, détruisant le portail et un véhicule de la famille.

Si « un cap a été franchi dans l’horreur et l’ignominie », selon l’élu, cette attaque qui a déclenché une vague de soutien dans la classe politique n’est pas isolée. Selon David Lisnard, « 150 mairies ou bâtiments municipaux ont été attaqués depuis mardi, une première dans l’histoire du pays ». Ce fut le cas à Garges-lès-Gonesse et Persan (Val- d'Oise), L’Ile-Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), Brie-Comte-Robert (Seine-et-Marne) ou Coulaines (Sarthe). Le président de l’Association des maires des France a égrené la longue liste des agressions d’élus commises depuis le début des violences.

« J’ai entendu "c’est la maire, on va se la faire" »

« Tuez le maire », s’est entendu dire Bernard Jamet, premier magistrat de Sannois, une commune de 26.000 habitants du Val-d’Oise, pris à partie jeudi soir en tentant d’empêcher un groupe de s’attaquer à la mairie. A Pontoise, la maire Stéphanie Von Euw (Libres !) a vu une fusée d’artifice s’écraser devant sa voiture. « J’ai entendu "c’est la maire, on va se la faire" », a témoigné sur Europe 1 l’élue, brûlée à la cheville.

A Maromme (Seine-Maritime), le maire David Lamiray (DVG) a été « agressé et a dû se réfugier dans sa mairie », tandis qu’à Charleville-Mézières (Ardennes) son homologue Boris Ravignon (LR) a été visé par des bouteilles alors qu’il éteignait un feu de poubelles. Le maire de Cholet Gilles Bourdouleix (DVD) a vu son ancienne maison « saccagée » et à Saint-Pierre-des-Corps, en banlieue de Tours, le véhicule d’Emmanuel François (DVD) est parti en fumée sous ses yeux. A Mons-en-Barœul (Nord), des agents présents à l’intérieur du bâtiment ont échappé aux flammes.

La « dimension politique » de la révolte

Le cabinet de la ministre des Collectivités Dominique Faure a annoncé que le renforcement des sanctions pénales en cas d’attaques contre les élus, qui seront considérées comme aussi graves que celles visant des personnes en uniforme, « sera examiné au Parlement dans les plus brefs délais ». D’autres mesures pour protéger les élus seront aussi présentées « dans les prochains jours ».



Depuis la démission début mai du maire de Saint-Brévin Yannick Morez (DVD), dont le domicile a visé par un incendie, le sentiment qu’un cap a été franchi prédomine dans la classe politique. « Nous voulons créer un électrochoc », a déclaré David Lisnard. « Les cibles des émeutes ne sont pas choisies au hasard, on a une surreprésentation des cibles institutionnelles qui témoignent de la dimension politique de cette révolte », estime Julien Talpin, chercheur au CNRS. Il y voit surtout « une politisation du sentiment d’injustice car les habitants des quartiers populaires renvoient aux élus les difficultés de leur quotidien, leurs expériences de discrimination et de marginalisation sociale ».