Suicide de Lindsay : Avec leur court métrage, des collégiens luttent contre le fléau du harcèlement scolaire

prise de conscience Face au harcèlement et au cyberharcèlement, des collégiens toulousains se sont lancés dans la création d’un court métrage. Une solution parmi les nombreux dispositifs mis en place par l’Education et les établissements scolaires

Lucie Tollon
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Lors de la marche blanche en hommage à Lindsay une jeune fille qui a mis fin à ses jours après avoir été harcelée.
Lors de la marche blanche en hommage à Lindsay une jeune fille qui a mis fin à ses jours après avoir été harcelée. — FRaNCOIS GREUEZ
  • Le suicide de Lindsay suite à une vague de harcèlement en mai dernier a secoué la France. Elle n’est, malheureusement, pas un cas isolé.
  • Pour faire face aux menaces du harcèlement scolaire et du cyberharcèlement, l’Education nationale, les rectorats et les établissements tentent de mettre en place divers dispositifs pour éviter tout « manquement » et aider au mieux les victimes.
  • A Toulouse, ce sont des élèves, eux-mêmes qui se sont lancés dans une réelle pédagogie face à ces comportements à travers un court métrage écrits et réalisés par ces jeunes.

Le 12 mai dernier, la jeune Lindsay met fin à ses jours à seulement 13 ans dans son domicile du Pas-de-Calais après avoir subi une vague de harcèlement. En mars, Farès, un jeune handicapé de Carcassonne est harcelé par ses camarades et se fait pousser dans les escaliers violemment. Début juin, quatre adolescents sont reconnus coupable de harcèlement contre le petit Lucas qui s’était suicidé en janvier 2023, dans les Vosges. La liste est encore longue, les victimes nombreuses, et le fléau important.

Si ces comportements sont de plus en plus pointés du doigt, le harcèlement ne semble pas se diminuer et si le harcèlement scolaire ne découle pas directement de l’apparition d’Internet, les spécialistes pointent, justement, du doigt l’accroissement de ces agissements sur les réseaux sociaux.  « A une époque, ce harcèlement s’arrêtait à cinq heures à la sortie des cours. Aujourd’hui, le vrai travail se passe sur l’éducation aux médias et à l’information pour éviter que des élèves s’attaquent et harcèlent d’autres élèves cachés derrière leurs téléphones. C’est tout un programme mis en place par l’Education nationale et qui est très important pour nous », explique Arnaud Leclerc, inspecteur Dasen au rectorat de Toulouse.

Une impuissance face au phénomène ?

Des solutions pour éviter des drames, il y en a justement. Depuis deux ans, le ministère de l’Education nationale a mis en place le dispositif pHARe pour prévenir les cas de harcèlement. « Ce sont des équipes pédagogiques formées qui ont regard attentif et une réponse immédiate. On est là pour assurer la sécurité des élèves, écouter les victimes et régler le problème », ajoute l’inspecteur académique.

Mais même dénoncés, comme pour Lindsay, des manquements peuvent arriver : « Chaque cas est différent et nous sommes en plein travail pour éclairer les élèves. Nous souhaitons que ces harceleurs ouvrent les yeux sur l’impact que leur comportement peut avoir » justifie Arnaud Leclerc.

Et si côté adulte, les établissements, professeurs et représentants de l’Education nationale tentent d’endiguer ce fléau à travers de la pédagogie et des formations, la réponse à ce problème se trouve peut-être directement chez ces jeunes.

S’éclairer et s’éduquer entre jeunes

Au collège Sainte-Marie de Nevers, les 5e ont pris le problème à bras-le-corps. « Dès le début de l’année, on en discute ouvertement avec les élèves dans des séances de vie de classe [avec la professeure ou le professeur principal], en cours d’EMC [enseignement moral et civique], dans nos matières respectives. On propose des débats aux élèves et on monte des projets », raconte Benjamin Brousse, professeur d’histoire. « Par exemple, nous réalisons avec une classe de 5e un court métrage sur le harcèlement. L’Education nationale organise un concours de courts-métrages sur la thématique du harcèlement, sous toutes ses formes [cyberharcèlement, harcèlement physique et moral, harcèlement sexuel]. La sensibilisation à l’utilisation des réseaux sociaux est également beaucoup travaillée dans les classes. Ces initiatives sont précieuses pour les élèves », ajoute-t-il.

Grâce à ce projet, Benjamin Brousse découvre un enthousiasme fort de ses élèves quant à cette problématique : « Les élèves sont ultra-motivés. Certains d’entre eux ont pu déjà vivre des situations de harcèlement. C’est un levier d’expression plus artistique et encore plus efficace. Dans les prochaines années, on s’appuiera sur le film pour organiser des débats et des séances en classe. » De la rédaction, au choix de la thématique sur le harcèlement, les élèves se montrent impliqués et pour certains, découvrent la réalité des victimes. « C’est un outil pédagogique très fort quand ça passe directement par eux et pas par nous. Ils savent se parler et se faire entendre. »

Pour les jeunes 5e du collège Sainte-Thérèse à Colomiers, près de Toulouse, le sujet est également sérieux et n’est pas pris à la légère. Le cas de Lindsay étant un exemple tragique. « Les harceleurs, malgré "leur masque" robuste agissent souvent ainsi car ils ont honte d’une partie de leur personnalité qu’ils retrouvent chez d’autres. Leurs actions ne sont que des façades », témoigne avec maturité l’une de ces jeunes. « Nous devons prendre notre courage à deux mains et parler face au harcèlement », ajoute un autre.

Enfin, un collégien, comme beaucoup d’autres, se questionne : « Quel est l’intérêt de détruire la vie de personnes pour satisfaire son ego grandissant ? »