Nîmes : Transformée en point de deal, une médiathèque de quartier ferme ses portes
FAR WEST Les agents sont fouillés lors de checkpoints mis en place par les trafiquants dans le quartier et le toit de la médiathèque du quartier Pissevin sert désormais de tour de guet pour les guetteurs
- La ville de Nîmes a annoncé la fermeture de la médiathèque Marc Bernard située au sein du quartier Pissevin alors que depuis « plusieurs mois, les 18 agents du centre culturel sont victimes de menaces et d’agressions verbales au vu et au su de tous ».
- La préfecture et la procureure de la République ont réagi en défendant les actions menées depuis un an avec notamment des moyens donnés pour la prévention et la répression avec 93 opérations de police menées dans le quartier depuis janvier et 138 jugements rendus depuis un an avec des peines allant jusqu’à huit ans de prison.
- Alors que le maire réclame l’affectation de façon quasi-permanente d’une unité de force mobile dans le quartier, un journaliste de M6 a été violemment agressé ce mardi alors qu’il réalisait un reportage.
Le communiqué de presse a fait l’effet d’une bombe. La ville de Nîmes a annoncé la fermeture immédiate de la médiathèque Marc Bernard située au sein du quartier Pissevin. Un haut lieu des trafics dans la préfecture du Gard et notamment du trafic de drogue. « Depuis décembre dernier, des dealers exercent une pression de plus en plus forte sur le quartier avec l’instauration de ''barricades/checkpoints'' pour encadrer leur commerce illicite et ce, au droit de la médiathèque, détaille le maire (LR) Jean-Paul Fournier. Ainsi, depuis plusieurs mois, les 18 agents du centre culturel sont victimes de menaces et d’agressions verbales au vu et au su de tous. »
La situation est telle qu’ils « font même l’objet de contrôles et de palpations en pleine rue avant d’accéder à leur poste de travail », précise le maire. Lequel explique que le lieu culturel est devenu un lieu central pour les trafics. « Un nouveau palier a été franchi puisque les trafiquants ont pénétré dans le bâtiment, jusqu’ici sacralisé, allant jusqu’à filmer et photographier le personnel, et accédant au toit pour surveiller les alentours et prévenir de l’arrivée des forces de police. »
Un journaliste violemment agressé ce mardi
Depuis plusieurs mois, la préfecture du Gard fait l’objet dans différents quartiers de nombreux règlements de compte sur fond de trafic de drogue, notamment dans le quartier Pissevin. Les policiers y sont régulièrement victimes de caillassage. Récemment, la sous-préfète Chloé Demelenaère, qui participait à une opération de nettoyage avec des bénévoles, a été la cible de différents projectiles.
Ce mardi, un journaliste reporter d’image de M6 a été violemment agressé devant la médiathèque alors qu’il réalisait un reportage pour rendre compte de la situation dans le quartier. « Il a été hospitalisé et sa caméra a été cassée par les assaillants. Frappé debout et au sol, il souffre de nombreux coups et de multiples ecchymoses. Les médecins attendent le résultat des radios », dénonce le club de la presse du Gard.
Les travaux de réhabilitation « déstabilisent le trafic des dealers »
Le maire réclame « l’affectation de façon quasi-permanente d’une unité de force mobile aux abords de la place Claude-Debussy pour faire disparaître le point de deal actuellement en place » et sécuriser les abords de la médiathèque. « Tout signe de recul des services publics marque un échec, même temporaire, de l’action commune de tous les acteurs. Il s’agit d’un sujet de préoccupation quotidien et prioritaire pour la justice », estime la procureure de la République de Nîmes Cécile Gensac, qui précise le nombre important d’infractions à la législation sur les stupéfiants sur la ville de Nîmes jugé par sa juridiction : « Cent trente-huit jugements, concernant 66 auteurs, ont été rendus depuis un an. Soit une hausse de 253,7 % des décisions de condamnations pénales. » Avec des peines allant « jusqu’à huit ans d’emprisonnement et cinq ans d’interdiction de séjour dans le Gard, spécifiquement pour des auteurs issus du quartier Pissevin. »
Le quartier Pissevin et celui voisin de Valdegour font l’objet d’un vaste programme de réhabilitation : 285 millions d’euros dans le cadre du nouveau programme national de renouvellement urbain, 180 millions via l’opération de requalification des copropriétés dégradées d’intérêt national et neuf millions d’euros pour le plan de sauvegarde de la galerie Wagner, considéré pendant longtemps comme l’épicentre du trafic de drogue à Nîmes. « L’ensemble de ces actions a pour premier effet de déstabiliser le trafic des dealers dans leurs zones d’implantation, avec un report vers d’autres lieux dont les environs de la médiathèque municipale », estime la préfecture du Gard.
Depuis le mois de janvier, la préfecture dénombre 93 opérations de police (anti-délinquance, lutte contre le trafic de stupéfiants, contrôles anti-rodéo urbain et opérations de visibilité sur réquisition du Parquet). Quarante-quatre personnes ont été interpellées. 26 kg de résine de cannabis, 5,3 kg d’herbe, 88 g de cocaïne et 480 000 euros en numéraire ont été saisis. La Préfecture du Gard souligne également les efforts portés sur le volet prévention : « cinquante associations de terrain sont subventionnées à hauteur de 740 000 euros, 25 adultes relais sont financés par l’État à hauteur de 550.000 euros et la cité éducative a bénéficié de 381.000 euros de subventions. »