Mois des fiertés : « Il faut faire vivre les mémoires et se battre pour qu’elles soient visibles », souligne Roméo

INTERVIEW Roméo Isarte est le président de l’association lyonnaise Mémoires minoritaires, partenaire de la première édition du mois des fiertés de la métropole

Elise Martin
Roméo Isarte est le président de l'association Mémoires minoritaires, créée en 2017, à Lyon
Roméo Isarte est le président de l'association Mémoires minoritaires, créée en 2017, à Lyon — E. Martin / 20 Minutes
  • La métropole de Lyon lance sa première édition du mois des fiertés.
  • A cette occasion, elle a fait appel à Mémoires minoritaires pour imaginer le programme de ce mois de juin et ainsi mettre en avant l’histoire des luttes du mouvement LGBT.
  • Roméo Isarte, président de cette association, est revenu avec 20 Minutes sur l’importance du travail de Mémoires minoritaires et sur les combats à mener, encore en 2023.

La métropole de Lyon lance cette année sa première édition du mois des fiertés après trois ans de travail et de réflexion. Pour l’inaugurer, elle s’est associée à Mémoires minoritaires avec la volonté « d’écrire une histoire commune ». Un devoir « plus que nécessaire » dans le contexte actuel, a rappelé la métropole. La semaine dernière, une exposition sur les luttes LGBT a été vandalisée et retirée en raison d’importantes dégradations sur les panneaux. Pour Roméo Isarte, président de l’association lyonnaise, cette attaque rappelle la « nécessité permanente de continuer de lutter ». Avec Mémoires minoritaires, il a fait le pari de le faire à travers l’éducation populaire.

Qu’est-ce que cette nouvelle attaque envers l’exposition LGBT reflète-t-elle de notre société ?

Cet événement a été rendu visible et ça a permis qu’on s’en saisisse. Il y a eu des réactions, tant mieux. Mais en réalité, des dégradations, il y en a toujours, tout le temps, notamment sur les centres LGBT. Les violences sont quotidiennes. Sans pouvoir indiquer si elles sont en augmentation ou non, je peux néanmoins affirmer qu’elles sont systémiques. Comment on lutte contre ça ? Par un travail de fond, en éduquant. Parfois, on se prend des murs. Mais on va continuer. On va faire vivre les mémoires et se battre pour qu’elles soient visibles. Cette attaque montre surtout qu’il est important qu’on poursuive nos combats.

Comment ce travail de mémoire participe-t-il à la lutte contre les discriminations ?

L’histoire des personnes LGBT est souvent le reflet de violences mémorielles, c’est-à-dire, de censures, d’effacements et de réécritures d’une réalité. On veut rendre visible et célébrer les LGBT. Au cours de notre collecte de 2022, par exemple, on est frustré de ne pas avoir recueilli beaucoup d’éléments sur les personnes lesbiennes et trans alors qu’on connaît leur place dans la lutte des droits LGBT.



Notre travail va alors être de collecter des archives pour permettre d’avoir des références, avoir des représentations et de réduire les a priori. On veut donner des données historiques et de la profondeur dans les informations qu’on partage pour que les gens puissent se nourrir et construire eux-mêmes leurs idées. C’est aussi de cette manière qu’on va construire les mémoires LGBT locales et leur donner la place qu’elles méritent. Dans la lutte contre les discriminations, il est très important de faire le travail qu’opère SOS Homophobie avec les signalements. De notre côté, on fait le pari de croire en l’éducation populaire et sur le travail de fond.

On essaie d’appuyer les connaissances, de mobiliser les compétences de chacun et chacune, sensibiliser par des outils tels que des expositions, des visites, des rencontres ou encore des projections. L’objectif est de diffuser et de transmettre ces mémoires. Pour montrer qu’elles existent, à quel point elles sont importantes pour l’histoire et pour qu’elles continuent de le faire.

Pourquoi est-il toujours important de lutter en 2023 ?

En plus des dégradations que subissent régulièrement les centres LGBT en France, des personnes continuent de mourir en raison de leur orientation, par des agressions, par des suicides. Des pays font passer des lois contre les personnes LGBT. Nous, on a de la chance que la métropole de Lyon nous soutienne et nous fasse confiance mais on sait à quel point cela peut être fragile.

L’association est aussi un moyen pour que les gens se rendent compte de cette réalité et pour ne pas oublier tout ce que la communauté subit et/ou a permis d’obtenir. La collecte d’archives, ce sont autant de traces de nos luttes passées pour nourrir les flammes de celles à venir.

Il faut d’ailleurs que les politiques publiques suivent au-delà du mois des fiertés. Les associations ne ferment pas le 30 juin ! C’est intéressant d’utiliser ces moments médiatiques pour rendre compte et faire le point sur ce qu’il reste à faire et ce qui continue d’arriver. Maintenant, il faut aller plus loin que des éléments de langage ou de communication et poursuivre l’engagement. Il faut multiplier les espaces de ressources, qu’ils deviennent pérennes, aider les centres LGBT, former les personnes au sein des entreprises et institutions contre les LGBTphobies, aider les travaux d’études sur le genre. Vous voyez, il y a encore des choses à faire !