« C’est une douleur intense »… Les Fêtes des mères et des pères, des journées qui ne sont pas toujours heureuses
Votre vie, votre avis En pleine saison des célébrations familiales, « 20 Minutes » donne la parole à ses lecteurs et lectrices pour qui ces journées ne sont justement pas à la fête
- Cette année, la Fête des mères et la Fête des pères sont prévues respectivement les 4 et 18 juin.
- Perçues comme des journées heureuses, elles sont pourtant sources de souffrance pour tous ceux ayant perdu un parent, un enfant ou n’étant pas en bons termes avec leur père ou leur mère.
- Si ces deux dimanches sont difficiles, les publicités dans les semaines qui les précèdent sont aussi un vrai calvaire pour ces personnes.
« À l’approche de la Fête des mères, je ne me demande pas ce que je pourrais lui offrir mais plutôt quelles fleurs j’irai déposer sur sa tombe. » Pour Anna comme pour beaucoup d’autres, les Fêtes des mères ou celle des pères, prévues respectivement, cette année, les 4 et 18 juin, sont des périodes très difficiles. Parent décédé, absent ou toxique, personnes souhaitant un enfant qui n’en ont pas ou qui l’ont perdu… Ces journées rappellent souvent la douloureuse absence. C’est le cas d’Emine, 41 ans, qui a perdu son père de 78 ans « subitement l’an dernier, le jour de la Fête des pères. Avec le temps, la douleur est plus supportable, mais son absence reste gravée dans nos cœurs à tout jamais. J’appréhende beaucoup l’arrivée de la Fête des pères cette année, car cette journée est et restera pour moi et ma famille synonyme de douleur intense. »
Cette tristesse, Anna la vit aussi chaque année depuis que sa mère est décédée, quand elle avait 17 ans. « À l’approche de la Fête des mères, il est impossible d’en faire abstraction au vu de la quantité de publicités et de publications postées sur les réseaux sociaux. C’est dur puisque, moi, je ne posterai plus de nouvelle photo de ma mère et moi nous enlaçant », expose tristement la jeune femme de 26 ans. Malgré la douleur, pas question de fuir cette journée difficile : « Toute mère mérite d’être célébrée, qu’elle soit sur Terre ou au ciel. Alors, dimanche, j’irai déposer un bouquet de pivoines sur sa tombe et, à défaut de lui parler à voix haute, je lui parlerai avec mon cœur, je lui dirai que je suis fière d’elle et que je la remercie d’avoir été là le temps qu’elle a pu. »
« Les publicités me remuent les tripes »
Outre les journées de la Fête des mères et des pères en elles-mêmes, les semaines qui les précèdent peuvent aussi être une épreuve pour les personnes n’ayant plus un de leurs parents. « Les publicités et les prospectus qui regorgent de différents objets avec la mention “Bonne fête Maman” ou “Maman je t’aime” me remuent les tripes, car ce sont des phrases que je ne pourrai plus jamais lui dire », confie Patricia, 59 ans, qui a perdu sa mère « il y a vingt-sept ans, victime d’un féminicide ».
Un sentiment partagé par Christine, 57 ans, dont le père est décédé le 28 avril. « Dès que je vois un livre, un tee-shirt, une casquette, un gâteau dans la vitrine d’un pâtissier, les affiches de l’exposition sur Ramsès… bref, un cadeau qui lui aurait fait plaisir, je suis submergée par le chagrin car je ne pourrai plus le lui offrir en lui souhaitant “Bonne fête mon petit papa que j’aime”. Je jette tous les prospectus et les mails où j’aperçois le mot “fête”, et je ne me promène plus dans le centre commercial où je travaille pendant mon heure de déjeuner de peur de me mettre à pleurer à la vue du mot “père”. »
Virginie, qui s’apprête à vivre sa « première Fête des mères depuis le décès de [sa] maman », porte quant à elle un œil ému sur l’avalanche de communication autour de ces journées : « Je regarde avec tendresse les publicités et je souhaite que les gens profitent de leur chance d’avoir cette personne encore avec eux. »
« La Fête des mères est réservée à celles qui en sont dignes »
Des deuils d’autant plus difficiles à faire lorsqu’ils s’ajoutent à des relations compliquées avec l’autre parent, comme l’a vécu Alix*, 54 ans. « Ma maman est décédée en fin d’année 2022, après une longue maladie. Mes rapports avec mon père s’étaient très dégradés durant cette période, à tel point que j’ai dû faire plusieurs deuils : deux pour ma maman (durant son Alzheimer ainsi qu’à son décès), et celui de mon géniteur, étant donné qu’il ne me considère plus comme un de ses enfants. Donc double peine pour moi : Fêtes des mères et des pères ne sont plus célébrées pour mes parents cette année. Ayant quatre enfants de 14 à 26 ans, nous nous retrouvons autour d’une table le midi de ces dimanches pour fêter la mienne quand même. »
Les Fêtes des mères et des pères sont aussi très éprouvantes pour les personnes ayant été victimes de maltraitances et de parents abusifs, comme Catherine. La quinquagénaire résume son enfance « à un enfer de coups de balai, de ceinture et d’humiliations sans fin » et décrit sa mère comme quelqu’un de « destructeur et toxique ». Elle a fait le choix de ne pas célébrer la Fête des mères, qui est pour elle réservée à « celles qui en sont dignes. Bien sûr que j’ai un pincement au cœur, mais que faire ? Je ne peux rien changer, ni le passé, ni ma mère. Donc je vais avec mes enfants qui, eux, sont heureux d’avoir une mère. »
« J’aimerais qu’on reconnaisse mon statut de maman »
Si les enfants sont un pansement pour certaines personnes, leur absence est, pour d’autres, source d’une grande souffrance. « Mes deux bébés sont décédés, l’un à 1 mois, l’autre pendant la grossesse, pour deux raisons médicales différentes, décrit Madeline, 32 ans. La Fête des mères est une étape compliquée pour moi car personne ne pense à moi ce jour-là : je n’ai plus mes enfants auprès de moi mais je suis une maman à part entière. J’aimerais qu’on reconnaisse mon statut de maman, j’ai porté mes enfants, j’ai accouché deux fois, et même si malheureusement je n’ai pas mes enfants à la maison, je suis une maman. La Fête des mères me rappelle que je suis exclue des traditions. »
Ce sentiment d’exclusion, Vera, 49 ans, le connaît bien. Elle a enchaîné les fausses couches après avoir perdu sa mère. Pour elle, « le pire est l’impression d’être isolée dans ce cas. Autour de moi, que des familles complètes et heureuses. Avec mon mari, on forme un couple uni et solide mais nous sommes forcément en marge… » Elle a fait le choix, cette année, de se changer les idées en ce dimanche particulier : « Je suis bénévole à la SPA, je passerai la journée avec mes amis à poils. »
*Le prénom a été changé