Et si vous envoyiez vos aliments moisis pour faire avancer la science ?

À TABLE ! Dans le cadre du projet de science participative Mynion, des chercheurs brestois vont collecter des moisissures pour les étudier

Jérôme Gicquel
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Les moisissures se développent sur tous les aliments, comme les fruits par exemple.
Les moisissures se développent sur tous les aliments, comme les fruits par exemple. — Thomas Bresson / Flickr
  • Un projet mené par des chercheurs de l’Université de Bretagne Occidentale s’intéresse au sujet si ragoûtant des moisissures dans l’alimentation.
  • Participatif, le projet invite les particuliers à envoyer dans un kit un prélèvement d’un aliment moisi afin que les scientifiques recueillent une collection de moisissures.
  • Le projet vise à mieux connaître la dangerosité de ces moisissures et à lutter ainsi contre le gaspillage alimentaire.

Elles ne font pas les difficiles et apprécient toutes sortes d’aliments. Ennemis sournois, les moisissures aiment s’inviter dans les frigos, les corbeilles à fruits ou les pots de confiture. De quoi dégoûter les consommateurs qui, dans bien des cas, balancent directement la nourriture moisie à la poubelle. Toutes les moisissures ne sont pourtant pas mauvaises et confèrent même leur saveur à certains fromages, comme le roquefort. Peu appétissantes, ces petites taches noires ou verdâtres ne sont pas non plus toutes toxiques. Peut-on alors les manger ? Couper seulement la partie moisie et manger le reste de l’aliment ? Ou alors tout balancer ?

C’est pour tenter de répondre à toutes ces questions qu’un projet, financé par l’Agence nationale de recherche, vient d’être lancé par des équipes de l’Université de Bretagne Occidentale, basée à Brest, et de l’université de Montpellier. Baptisé Mynion, il vise à « combler le déficit de connaissances scientifiques sur les moisissures », selon Monika Coton, enseignante-chercheuse au Laboratoire universitaire de biodiversité et d’écologie microbienne, qui pilote le projet.

500 aliments moisis à recueillir auprès des ménages

Et pour en savoir plus sur ces champignons qui dégradent les aliments et en altèrent le goût et l’apparence, les scientifiques ont besoin de votre aide. Original, le projet se veut collaboratif. Tout un chacun est ainsi invité à envoyer des aliments moisis à l’équipe de chercheurs, afin que ces derniers constituent une véritable collection de moisissures. « Il faut juste s’inscrire, répondre à un petit questionnaire et nous envoyer dans un kit que l’on fournit un prélèvement d’un aliment moisi trouvé chez soi », détaille Kimberley Girardon, du Laboratoire d’économie et de gestion de l’Ouest, qui sera chargé de la collecte.

D’ici à la fin de l’année, les scientifiques espèrent recueillir 500 aliments moisis auprès des ménages. « On accepte toutes les moisissures, sourit Kimberley Girardon. Que ce soit sur des fruits, des produits laitiers, des produits de boulangerie, de la confiture ou sur du saucisson sec. »

Lutter contre le gaspillage alimentaire

Une fois ce festin récolté, les chercheurs vont ensuite étudier ces moisissures dans les moindres détails. Un projet ambitieux qui s’étalera sur quatre ans. « On veut déjà déterminer les aliments qui sont les plus sujets aux moisissures et connaître le comportement des consommateurs vis-à-vis des produits moisis », souligne Monika Coton. Les travaux vont aussi s’intéresser au volet sanitaire. « On sait que certaines moisissures présentent un risque car elles produisent des mycotoxines, indique la chercheuse. On cherche maintenant à savoir si ces mycotoxines sont susceptibles de migrer dans l’aliment et jusqu’à quel point elles présentent un risque sanitaire. »



Autant de questions encore sans réponse qui permettront, à terme, d’éclairer le grand public sur la dangerosité de ces moisissures. « L’idée du projet est aussi de faire face au gaspillage alimentaire en évitant que les consommateurs balancent systématiquement les aliments moisis, précise Monika Coton. On va pour cela établir des recommandations simples tout en prenant bien sûr en compte le risque sanitaire. »