Grève du 28 mars : En pleine sécheresse, l’utilisation des canons à eau pendant les manifestations est-elle pertinente ?

Peaulice vs eaupposants Depuis les années 2010, les engins lanceurs d’eau (ELE) sont utilisés lors des manifestations pour disperser les manifestants. Mais face à une situation de sécheresse nationale, leur usage pose question

Elise Martin
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Depuis le début des mobilisations contre la réforme des retraites, les engins lanceurs d'eau sont presque toujours présents et utilisés. Ici, à Lyon, le 7 mars 2023. (Illustration)
Depuis le début des mobilisations contre la réforme des retraites, les engins lanceurs d'eau sont presque toujours présents et utilisés. Ici, à Lyon, le 7 mars 2023. (Illustration) — K. KONRAD
  • Les engins lanceurs d’eau (ELE) font partie des « moyens intermédiaires » utilisés par les forces de l’ordre pour disperser les manifestants, notamment ces dernières semaines lors des mobilisations contre la réforme des retraites.
  • Leur jet d’eau « assez puissant » permet de repousser « de 15 à 30 mètres » une « foule hostile ou qui s’apprête à l’être », selon Sébastien Malzieu, chef adjoint à l’Etat-Major de la direction des CRS.
  • Mais avec un hiver particulièrement sec et la majorité des nappes phréatiques du pays qui ne parviennent pas à se remplir, est-il pertinent d’utiliser cette force dissuasion ?

Les plus gros peuvent faire jusqu’à 10 m de long, 4 m de hauteur et plus de 2,5 m de large. Les engins lanceurs d’eau (ELE), plus communément appelés « canons à eau », font presque partie des « indispensables » les jours (et soirs) de manifestations. Si, depuis les années 2010, ils peuvent être utilisés pour éteindre des débuts d’incendie, ils servent majoritairement à « disperser les manifestants lors d’opérations de maintien de l’ordre », confirme Sébastien Malzieu, commissaire, chef adjoint de l’État-major à la direction des compagnies républicaines de sécurité (CRS).

Brouillard effet gouttelettes, rideau d’eau et surtout aspersion… « C’est un jet puissant mais indirect, qui va loin et qui provoque une retombée de pluie sur les gens. Le but recherché est un effet de dissuasion et de recul. Rien qu’en le déployant, ça crée un effet psychologique de recul. C’est très efficace. Et en l’utilisant un tout petit peu, ça permet de créer 15 à 30 mètres de distance, sans que nos hommes ni des manifestants ne soient blessés », poursuit-il.

Ce fut le cas mercredi, à Rennes, lorsque les canons à eau ont été dégainés contre un tracteur lors de la manifestation des marins pêcheurs. Mais aussi six jours plus tôt, à Lyon, où un ELE a aspergé une partie du cortège qui s’avançait du pont de la Guillotière vers la rue de la Barre. Un moment filmé par Le Progrès et diffusé sur les réseaux sociaux. Une internaute s’est alors interrogée : « Mais… On ne doit pas faire attention à ne pas gaspiller de l’eau ? »

« On agit en fonction des priorités »

Face aux déficits pluviométriques importants constatés dans toute la France, et devant le niveau inquiétant des nappes phréatiques, la question mérite d’être posée. Encore jeudi soir, la préfecture de l’Isère plaçait le nord du département « en vigilance sécheresse » et appelait la population à faire preuve « d’économie et de civisme » dans son utilisation des ressources. Or, chaque véhicule dispose d’une cuve de 4.000 à 10.000 litres d’eau de stockage, « rechargeable » grâce aux bornes incendies. 

« S’il y a une interdiction d’utiliser de l’eau dans les départements, on se conforme à la réglementation, assure Sébastien Malzieu. On agit bien évidemment en fonction des priorités. » Le CRS rappelle que « si la foule est tout à fait tranquille, il n’y a pas de raison d'arroser les participants ».

 Vérification faite, le Rhône et l’Ille-et-Vilaine ne font pas partie des huit départements placés en vigilance, ni des sept concernés par des limitations d’usage d’eau. Mais les Bouches-du-Rhône, si. Pourtant, la présence d’ELE a été observée lors de la dernière mobilisation intersyndicale, jeudi dernier, sans que l’on sache s’ils ont été utilisés.