Confinement, trois ans après : « Je jardine toujours, c’est comme une séance de yoga, ça m’apaise »
LE CHANGEMENT, C’ÉTAIT MIEUX AVANT ? (6/9) En annonçant le confinement le 16 mars 2020, Emmanuel Macron a plongé la France dans une période inédite au cours de laquelle sont nés espoirs, projets et fantasmes dont nous faisons le bilan dans cette série
- Le 17 mars 2020, la France entrait en confinement pour faire face au coronavirus. Cette période hors norme a été l’occasion de s’interroger sur nos modes de vie et de réfléchir à une nouvelle société post-confinement.
- Trois ans plus tard, 20 Minutes fait le bilan des promesses d'un monde plus juste, plus vert et tout simplement plus agréable à vivre.
- Durant cette période si particulière, nombre de Françaises et Français se sont adonnés pour la première fois au jardinage, pour s’occuper et se changer les idées. Ont-ils gardé la main verte en 2023 ? Réponse dans ce sixième épisode.
C’était le 16 mars 2020. La France se confinait pour tenter de contenir la pandémie de Covid-19. Plusieurs semaines durant lesquels tout le monde s’est cloîtré. Si les premiers de cordée ont été pleinement mobilisés, beaucoup sont passés en télétravail, ont fait l’école à la maison pour leurs enfants, ou ont été placés au chômage partiel, ne mettant le nez dehors que pour faire les courses (ou du running, leur nouvelle passion). Un « mode pause » activé malgré nous, à la faveur du confinement, du reconfinement et des couvre-feux.
Dans ce quotidien pas folichon et anxiogène où tout était fermé, chacun a tenté de s’occuper et de s’apaiser l’esprit autant que possible. Il y a celles et ceux qui ont fait leur pain, de la méditation ou du sport. Et les autres, qui ont mis ce temps à profit pour (re) découvrir les joies du jardinage. Mais trois ans plus tard, ces néo-jardiniers ont-ils gardé la main verte ?
« Le goût des tomates, c’est tellement incroyable ! »
Mettre les mains dans la terre, Karim s’y est mis à fond durant le confinement. « Je fais beaucoup de déplacements professionnels, donc mon grand jardin était surtout synonyme de corvée de tonte. Mais au printemps 2020, je me suis dit que c’était le moment ou jamais de faire un carré potager, raconte le quinquagénaire. J’ai préparé la terre, planté des pieds de tomates, des fèves, des haricots verts et des courgettes, et je m’en suis occupé avec grand soin ! C’était très plaisant et gratifiant de suivre l’évolution des légumes que j’avais plantés, d’apporter mes premières fèves à ma mère, qui adore ça. Et le goût des tomates du jardin, c’est tellement incroyable ! »
Si l’expérience lui a plu, Karim ne l'a pas renouvelée. « Avec la reprise du travail et du quotidien millimétré, je n’ai plus eu le temps, déplore-t-il. Ça demande pas mal de boulot. Il faut dire que je m’étais fait un potager de belle taille, sans doute trop grand pour continuer. Mais ça me manque, et j’ai bien envie de refaire un carré potager. Soit plus petit, soit quand je serai à la retraite ! »
« On a tout acheté en mini »
Son appartement en centre-ville, Sandra l’a toujours apprécié. Mais durant les confinements, cette mère de famille a rêvé de verdure. « Ne pouvoir se promener que dans les rues goudronnées à un kilomètre à la ronde était vraiment déprimant, je me suis sentie oppressée par la ville minérale. Alors notre extérieur tout petit et avec beaucoup de vis-à-vis, on en a fait notre coin de nature, raconte-t-elle. J’ai acheté en jardinerie un carré potager sur pieds, du terreau, des graines et quelques outils – pelle, râteau – en taille mini ». Un investissement d’un peu plus d’une centaine d’euros. Et une optimisation des petits balcons et rebords de fenêtres rendue possible par une offre adaptée à ces clients citadins. « L’offre existait déjà, mais du jour au lendemain, la demande de citadins qui n’avaient jamais jardiné a bondi, explique-t-on dans une enseigne de jardinage au cœur de Paris. Nous nous sommes adaptés à leurs attentes et contraintes, avec des équipements qui prennent peu de place et des conditionnements plus petits : quand vous habitez en appartement et souhaitez verdir un petit balcon, vous appréciez de pouvoir acheter un sac de terreau de 5 litres plutôt que 20 ! »
Une fois équipée, Sandra a « regardé des tutos pour faire ça bien, puis a planté des herbes aromatiques, des tomates cerises, des mini piments et des courgettes. Mes filles ont adoré et moi aussi ! » Des achats particulièrement tendance chez les néo-jardiniers urbains. « Les plantes aromatiques comme la menthe et le basilic, ainsi que les plants de tomates cerises, comptent parmi les bests sellers, confirme une vendeuse d’une enseigne de la capitale. Ça, ainsi que les jardinières de rebord de fenêtres et les graines de plantes mélifères, pour apprécier les fleurs champêtres en pleine ville tout en faisant une bonne action pour fournir aux abeilles un peu de nature à butiner ».
« Il vit sa best life ! »
« Ça nous a amusées, et aussi donné l’impression d’être à la campagne », se rappelle Sandra, qui a voulu rendre cette impression plus concrète. « Moi qui appréciais tant la vie citadine et qui cherchais à acheter une maison de ville, les confinements ont changé la donne ! » Depuis un an et demi, la famille a emménagé dans une maison entourée de 3.500 m² de terrain, dans un petit village. « Je ne me suis pas transformée en jardinière aguerrie, mais j’aime tailler mes rosiers, planter des herbes aromatiques et entretenir mes parterres de fleurs, c’est apaisant ». Et s’il en est un qui savoure la vie au vert, c’est son mari. « Pour lui qui est plutôt taiseux, stressé pour sa santé et celle de ses proches, et qui se replie sur lui-même quand ça ne va pas, c’est un moyen de se vider la tête ».
S’occuper de son jardin pour mieux cultiver son jardin intérieur, un mécanisme qui fait sens : « Le jardinage est tourné vers l’avenir, c’est l’un de ses aspects les plus thérapeutiques, souligne Sue Stuart-Smith, psychiatre et autrice de L’équilibre du jardinier. Renouer avec la nature dans le monde moderne (éd. L’Harmattan) sur ses réseaux sociaux. Quand les gens sont déprimés, ont du mal à imaginer le futur, sont très anxieux de ce qui va se passer [comme lors des confinements], jardiner offre un moyen très simple d’imaginer le futur, à partir du moment où on sème nos graines, on se projette et on regarde vers l’avant ». Des bienfaits que Sandra constate au quotidien chez son époux : « Que ce soit semer, planter, tailler les arbustes, ou des tâches moins fun comme balayer les feuilles mortes et passer la tondeuse, s’occuper du jardin, il adore ça. Il vit sa best life ! », se réjouit-elle.
« J’ai deux petits balcons qui ressemblent à une forêt vierge »
Dans la catégorie des néo-jardiniers du confinement, les plus assidus sont finalement peut-être les plus urbains, qui sont devenus accros à leur oasis personnelle au milieu d’un océan de goudron. A l’instar de Laureline. « Dès le premier confinement, j’ai commencé à jardiner sur mon balcon avec ma fille, et à amasser les plantes dans mon appartement. D’abord parce qu’il fallait s’occuper, aussi parce que la connexion avec la nature me manquait beaucoup, se souvient la mère de famille. Trois ans après, ce plaisir de la terre ne m’a pas quittée : j’ai une cinquantaine de plantes et avec l’arrivée du printemps, je m’apprête à relancer mon potager urbain sur mon balcon. C’est hyper gratifiant de voir ses plantes, fleurs et légumes grandir. C’est comme une séance de yoga, ça m’apaise et me vide la tête. Ça m’a reconnectée à la Terre ! »
« Les gens disent souvent qu’ils plongent dans le jardinage, ne pensent plus à rien, et se laissent aller à vivre le moment présent, a observé Sue Stuart-Smith. C’est une forme de pleine conscience, qui est à juste titre très populaire aujourd’hui, pour ses vertus anti-stress et beaucoup d’autres effets bénéfiques pour la santé mentale ». Des bienfaits dont
Stéphanie profite depuis trois ans : « J’ai commencé le jardinage au printemps 2020 en cultivant des fruits et légumes, et je ne me suis jamais arrêtée. Je n’ai pas un grand espace, mais les récoltes sont bonnes, il m’arrive même de faire des conserves quand j’en ai trop, et tout est délicieux. Mais surtout, c’est apaisant : j’ai deux petits balcons qui ressemblent à une forêt vierge de mai à septembre. Je ne pourrais plus me passer de mon petit paradis ! »