« On s’est remis à cuisiner »… En Bretagne, le Crous a adopté les plats végétariens (et ça marche très bien)

Salade tomate oignons Plus gros Crous de France en nombre de repas servis, la Bretagne propose désormais deux plats sans viande ni poisson au quotidien

Camille Allain
— 
Au Crous de Rennes, au moins deux plats végétariens sont proposés au quotidien. Une offre demandée par les étudiants, même si un maintien de la viande et du poisson est plébiscitée.
Au Crous de Rennes, au moins deux plats végétariens sont proposés au quotidien. Une offre demandée par les étudiants, même si un maintien de la viande et du poisson est plébiscitée. — C. Allain/20 Minutes
  • Le Crous de Bretagne vient de recevoir le label « assiettes vertes » pour son offre quotidienne de plats végétariens.
  • En mettant moins de viande et de poisson dans les assiettes, le Crous réduit son empreinte environnementale.
  • En 2022, plus de trois millions de repas ont été servis dans les restaurants universitaires de Bretagne, soit le chiffre le plus important en France.

Il est à peine 13h15 mais le resto U se vide progressivement. Sur les présentoirs du self du Métronome, les étudiants rennais ont encore un peu de choix : jambon cuit, purée de carottes, tarte à l’aubergine ou encore crumble de pommes de terre et butternut. Un éventail de plats originaux qui n’aurait jamais eu sa place sur l’ardoise du grand restaurant du Crous il y a quelques mois.

Implanté sur le campus Villejean, le Métronome fait face à l’université Rennes-2 et voit passer chaque jour jusqu’à 2.500 étudiants que l’on sait bien peu fortunés. Proposé à un euro pour les boursiers et 3,30 euros pour les non-boursiers, le repas du Crous avait fait l’objet de vives critiques en début d’année scolaire : trop cher pour certains, trop maigre pour d’autres. Moins de six mois après la rentrée, l’antenne régionale bretonne vient pourtant de se distinguer en étant labellisée « Assiettes vertes » par l’association Assiettes végétales. Un prix qui vient souligner le travail accompli pour repenser les recettes dans un contexte écologique et économique compliqué.

« C’est une complète remise en question »

Depuis le 1er janvier, la loi Egalim impose aux établissements publics de proposer une alternative végétarienne. Le Crous de Bretagne avait pris un peu d’avance en proposant dès septembre deux plats végétariens chaque jour, en plus d’un plat à base de poisson ou de viande. « On le faisait déjà de temps en temps. Mais parfois, ça se limitait à ne servir qu’un accompagnement », reconnaît Marcos Martinez. Depuis son arrivée en septembre, le coordinateur technique de la restauration a pu profiter avec ses équipes de cuisine de formations dédiées à la nourriture végé. « C’est une complète remise en question et c’est déstabilisant pour nous. Dans la plupart des écoles, on part de la viande ou du poisson pour composer le repas ». L’homme a notamment découvert le pouvoir des légumineuses comme le pois chiche, la lentille ou la fève. « Elles sont très riches en acides aminés donc c’est très équilibré. On n’avait pas l’habitude de travailler ces produits. On s’est remis à cuisiner », assure Marcos Martinez.

Cette idée de proposer deux plats végétariens au quotidien est née d’une alerte arrivée à l’été 2022 sur les bureaux du Crous Bretagne. « On nous a prévenus qu’il risquait d’y avoir des ruptures d’approvisionnement en viande et en poisson. On a voulu repenser différemment, en élaborant de véritables recettes végétariennes », explique Yann-Eric Prouteau. A ceux qui crieraient à la volonté de faire moins cher, le directeur régional du Crous répond fermement :

On nous a critiqués, en disant que l’on faisait ça pour faire des économies, c’est faux. Il fallait nous laisser un peu de temps. On est passés à une autre façon de penser, on s’est améliorés, on s’est formés. La cuisine végétarienne n’est pas moins chère car elle demande beaucoup plus de travail en cuisine. »

A ceux qui crieraient au scandale d’un lobbying vegan, le Crous répond tout aussi vigoureusement par la voix de Blandine Lucas, la directrice adjointe de l’établissement :  « La demande de repas végétariens émane des étudiants. Mais on nous a aussi demandé de maintenir une bonne offre de viande et de poisson car en dehors du Crous, beaucoup d’étudiants ne peuvent pas se l’offrir. Nous ne l’abandonnerons pas. » Pour bon nombre d’étudiants, le resto U est la seule occasion de manger des protéines animales.

Curry de pois chiche et chili au soja

En ce début d’année 2023, la moitié des assiettes servies dans les restos U de Bretagne sont végétariennes. L’impact est énorme sur le plan environnemental en raison du poids du service de restauration collective. En Bretagne, les restaurants universitaires ont servi plus de trois millions de repas l’an dernier, faisant du Crous de Bretagne le plus important de France. « Ce label, c’est une façon de mettre en avant ce qui se fait ici. La Bretagne fait figure d’exemple face à certaines régions qui ne respectent pas encore la loi. Ça marche auprès des étudiants mais ça marche aussi auprès des équipes du Crous à qui cela permet de cuisiner différemment », explique Mostafavi Keyvan, chargé de campagne d’Assiettes végétales.

Depuis plusieurs mois, son association a formé les équipes de cuisine à de nouvelles recettes dont certaines sont devenues incontournables : curry de pois chiche, lasagnes à l’aubergine, ou chili au soja. « On a trop souvent vu des assiettes de pâtes sèches servies à des étudiants qui n’avaient pas d’alternative à une sauce bolognaise. Il y a un véritable enjeu sociétal à se tourner vers une alimentation de plus en plus végétale. Il faut pouvoir donner le choix », ajoute Morgane Paris, chargée d’administration de l’association.

Un crumble de pommes de terre et de butternut a été élaboré par les équipes du Crous de Bretagne. Un plat végétarien qui a du succès auprès des étudiants.
Un crumble de pommes de terre et de butternut a été élaboré par les équipes du Crous de Bretagne. Un plat végétarien qui a du succès auprès des étudiants. - C. Allain/20 Minutes

Et qu’en pensent les étudiants ? Dans l’ensemble, ils semblent se satisfaire de cette nouvelle offre, soulignant les efforts fournis par le Crous. « Quand je viens ici, je mange à ma faim, c’est varié », témoigne Charlotte. « J’ai l’impression que ça dépend des jours. Mais ils tentent des trucs, des choses qu’on n’a pas l’habitude de manger », ajoute Diane, en 2e année. Elle reconnaît avoir adoré la tarte aux légumes. Un peu moins la purée de carottes maison. Pour Elisa, c’est la première année dans les restos U. « Je n’étais pas boursière l’an dernier. Là, je peux manger pour un euro. C’est génial, je ne me pose même pas la question ».

Son amie Soundous est moins emballée, refroidie par le prix de 3,30 euros : « Ça ne paraît pas grand-chose mais si tu viens tous les midis, ça pèse. » La jeune étudiante apprécie cependant « l’offre variée » proposée. Un peu plus loin, Luis a difficilement terminé l’assiette de carottes. « Mais franchement, je mange bien. Quand tu viens ici, tu trouves toujours quelque chose que tu aimes bien ». Le jeune homme met un bémol concernant l’offre végétarienne. « J’ai l’impression que ça prend le dessus. C’est important de garder de la viande ». La direction du Crous promet qu’elle sera toujours présente. Et devrait même monter en qualité.