Grand-Est : « Corriger une erreur grotesque »… Quand le « Brexalsace » est plébiscité
NOS REGIONS ONT DU REPONDANT (4/4) Le chef de l’Etat songerait à redécouper les régions trop grandes comme le Grand-Est. Avec une Alsace de nouveau seule ? Nos lecteurs y sont largement favorables
- Sept ans après leur création, faut-il rediviser les grandes régions ? Des sources prêtent à Emmanuel Macron l’intention de ressortir les ciseaux, dans le cadre d’une réforme institutionnelle, pour la Nouvelle-Aquitaine, Auvergne-Rhône-Alpes, le Grand-Est et l’Occitanie.
- 20 Minutes a pris le pouls de ses internautes dans les régions concernées.
- Dans ce quatrième et dernier volet de la série « Nos régions ont du répondant », les habitants de la région Grand-Est ont la parole. Et la sortie de l’Alsace est plébiscitée, pas uniquement par les locaux !
La réponse a le mérite d’être claire. Interrogés sur une éventuelle sortie de l’Alsace du Grand-Est, les lecteurs de 20 Minutes s’y montrent largement favorables. Parmi les 230 contributions reçues (et toutes lues avec attention !), à peine une quinzaine plaide pour le statu quo. « Il n’est jamais trop tard pour corriger une erreur aussi grotesque », lance d’entrée Romain. « Avoir intégré l’Alsace dans cet immense machin qu’est le Grand-Est est une aberration géographique, historique, économique, financière et culturelle. Nous n’avons rien en commun avec les autres anciennes régions », écrit Pierre en résumant ici l’avis de nombreuses autres personnes. « Elle n’a rien à faire dans cette grande région qui coûte trop et dans les composantes ont trop de différences », prolonge François en mettant également en avant une « proximité avec le monde rhénan ». A l’inverse par exemple de l’ex Champagne-Ardenne, « plutôt penchée vers le bassin parisien » dixit Bruno.
« L’Alsace, son histoire particulière, ses spécificités profondes, ses traditions ancestrales, son dialecte savoureux, sa richesse concentrée ne sauraient être diluées dans une région plus vaste », ajoute Claude, dans l’un des nombreux témoignages qui insistent sur la forte identité des deux départements haut et bas-rhinois. « Nous avons une assurance maladie locale (qui fonctionne bien), un droit local, des traditions d’origine germaniques et formons une entité culturelle homogène », appuie Marie-Odile.
Plus largement, beaucoup en profitent pour dénoncer la réforme de 2016 « décidée dans un coin de table par un président (François Hollande) » d’après Raymond, très inspiré sur le sujet. « Dysfonctionnements importants, surcoûts dantesques (frais de déplacements, temps perdu…), éloignement des territoires (on l’a vu avec la pandémie), etc. Les grandes régions sont simplement trop grandes pour bien fonctionner », dénonce Jean-Christophe, en plaidant, comme Karl, pour « une collectivité à statut particulier, à l’image de la Corse ».
L’Alsace avec la Moselle ?
Née le 1er janvier 2021, la Collectivité européenne d’Alsace (CEA) possède déjà des compétentes élargies, bien que réduites par rapport à celles du Grand-Est. Et bien loin de celles espérées par Bénédicte qui aimerait une entité avec « accès à une gestion autonome au sein de la République ». Car « l’accès à l’autonomie est pour moi un garant de plus de démocratie : lorsque les décisions politiques sont prises au plus près des citoyens, elles sont plus adaptées à leurs besoins et mieux comprises », ajoute-t-elle dans un argumentaire qui séduit également Roger. « Proximité, connaissance et prise de décision au plus près du terrain et adhésion populaire sont des facteurs reconnus de résilience et d’efficacité. Le périmètre alsacien possède ces atouts et est la bonne échelle pour les politiques publiques. »
D’autres, comme Alain, Christine et Daniel, verraient des frontières un peu plus larges à ce nouvel ensemble. « Il serait judicieux de rassembler l’Alsace et la Moselle qui partagent ensemble une histoire et des lois locales », propose le premier. La deuxième rappelle, elle, que « le Territoire de Belfort en faisait partie avant la guerre de 1870 ».
« On ne veut pas d’eux non plus »
Encore faudrait-il que les habitants de ces zones soient d’accord avec un tel rapprochement. Pas sûr au vu de quelques témoignages ! « La Lorraine doit revenir à sa configuration, nous n’avons rien de commun avec l’Alsace », lance Mohamed. « Je suis Ardennaise et suis à 100 % pour le retour à la région Champagne-Ardenne et le "brexalsace". Ils ne veulent pas de nous ? Il faut qu’ils sachent qu’on ne veut pas d’eux non plus », ajoute Claire, véhémente mais pas isolée dans ce ras-le-bol. « Oui au retour des trois régions originelles car il est impossible de travailler avec les Alsaciens dont l’horizon est limité au Rhin et aux crêtes des Vosges. Mieux vaut vivre seul que mal accompagné », écrit Stan en revendiquant ses racines lorraines.
Mais au fait, que disent les contributeurs favorables au statu quo ? « Il faut arrêter de prendre des décisions et, quelques années après, revenir en arrière. C’est inadmissible et cela a un coût », plaide Christelle dans une démarche d’économies. La même que Nadège. « ll faut arrêter de dépenser du temps et de l’argent à défaire et refaire les régions. Il faut maintenant se concentrer sur l’action publique dans les territoires et mettre toute l’énergie et l’argent dépensés à fusionner ou défusionner les collectivités et administrations dans le développement des politiques publiques et le service aux citoyens. »
« Cessons ces querelles de clochers d’un autre temps ! »
Ces actions, certains semblent déjà les apprécier… « Avant le Grand-Est, c’était compliqué : deux abonnements de train différents, rien d’harmonisé, des trains qui s’arrêtaient au milieu de nulle part à la limite entre les deux anciennes régions, etc. La grande région a donné de la cohérence territoriale et a grandement facilité la vie. Il ne faut surtout pas revenir en arrière », écrit un certain ''L’Alsace''. « Je considère que de très intéressantes synergies sont porteuses d’avenir et de progrès dans de nombreux domaines d’activité. Tout le travail entrepris depuis la création de cette collectivité territoriale commence à porter ses fruits », assure, lui, Benjamin, rejoint par Christophe. « Je travaille depuis 2016 à un grand projet Grand-Est autour des métiers d’art. En sept ans, nous avons avec nos amis alsaciens, lorrains et champenois, développé un projet dynamique ambitieux et porteur […] Cessons ces querelles de clochers d’un autre temps ! »
Qui pourraient, en cas de réforme, isoler les Haut et Bas-Rhin. C’est du moins ce que craignent certains internautes. « Je refuse cette séparation du Grand-Est car il est certain que l’Alsace va s’enfoncer dans son identité culturelle et linguistique et s’éloigner des principes de la République française », veut ainsi croire Michel. « Je ne souhaiterais pas forcément que l’Alsace soit montrée du doigt pour redevenir autonome, nous sommes Français à part entière », prolonge Benjamin.
Le mot de la fin revient à Alexandre, « lorrain et marié à une Alsacienne, ça se passe très bien ». « La réalité est qu’il n’existe pas d’Alsace indépendante et dissociable du reste de ses voisins, à part pour des personnes qui aiment raconter les différences plutôt que les similitudes, synthétise-t-il. A mes yeux, il s’agit surtout de récupération politique en jouant sur la corde sensible du chauvinisme de province, qui ravive la fierté de l’implantation locale, fierté que vous retrouverez un peu partout et pour tout le monde. La seule question légitime est la mise en doute de la supposée cohérence économique et politique qui anime l’idée de la grande région. En effet, si la grande région fonctionne objectivement moins bien que les petites régions alors revenons aux petites régions, mais être Lorrain ou Alsacien au sein du Grand-Est ou en dehors importe peu. » Le sujet n’en a pas fini d’alimenter quelques conversations…