Nantes : Des aveugles aux côtés de téléconseillers pour « mieux cerner les émotions » des clients
REPORTAGE Le centre de relation clients EDF de Nantes accueille une dizaine de personnes malvoyantes « douées d’un sens auditif bien supérieur à la moyenne »
- Pendant trois jours, dix personnes aveugles ou malvoyantes, bénévoles d’une association, ont assisté des téléconseillers d’EDF à Nantes.
- L’expérience, jugée « enthousiasmante et très valorisante », vise à améliorer la qualité d’écoute des conseillers mais aussi de vivre une expérience humaine.
« Tu as un phrasé qui rassure, la colère que j’ai sentie pointer chez le client a vite été désamorcée. » Ce jeudi matin, les téléconseillers du centre de relation clients EDF de Nantes ne sont pas évalués par leur manager mais par des bénévoles de l’association Valentin Haüy.
Pendant trois jours, ces dix personnes aveugles ou malvoyantes, « douées d’un sens auditif bien supérieur à la moyenne », les ont assistés à leur poste pour « mieux capter et traduire au-delà des mots les émotions des clients au téléphone. » Une opération « inédite » pour les deux parties, qui parlent d’une démarche donnant-donnant.
« Au-delà d’améliorer la qualité d’écoute de nos conseillers, qui peuvent être parfois trop pris par leur ordinateur, l’objectif est de créer du lien, de vivre une expérience humaine, explique Sébastien Louis, responsable de ce centre qui emploie une soixantaine de personnes. Pour les bénévoles de l’association, ce sont trois jours d’inclusion dans le monde de l’entreprise. »
« Simplifier la communication »
Dans une partie de l’open space, où la luminosité a dû être réajustée, Samuel prend des notes sur son carnet numérique en braille. Un casque sur les oreilles, cet homme non-voyant se concentre sur la conversation menée par Orlane, sa collègue d’un jour, assise juste à côté de lui. Dès que cette dernière raccroche, place à un débrief de quelques minutes, avant un nouvel appel. « Grâce à lui, je me suis rendu compte que j’utilisais trop de termes « internes », ce qui peut perturber les clients, reconnaît la jeune femme. Il faut être très vigilant à simplifier la communication au maximum. »
Un peu plus loin, sur un autre bureau, on s’interroge. Laetitia a-t-elle eu raison de conseiller à son interlocutrice « d’effectuer sa démarche sur Internet », car « c’est plus simple » ? « Il faut toujours essayer de se mettre à la place de la personne au bout du fil, estime Emmanuel, non-voyant depuis une douzaine d’années. Elle peut être malvoyante, en difficulté ou âgée… »
Une expérience « très valorisante »
En 2020, une initiative similaire a eu lieu au centre de relations client EDF d’Angoulême. Pendant dix-huit mois, des bénévoles de la même association étaient intervenus une demi-journée par mois auprès des conseillers pour les sensibiliser à l’importance des silences, d’une intonation qui change, ou d’un débit de parole qui s’accélère. « Les retours ont été très positifs, avec une progression à deux chiffres des indicateurs de satisfaction client », rapporte Sébastien Louis.
« C’est une expérience enthousiasmante et très valorisante pour nos bénéficiaires, dont le taux d’emploi est très faible en raison de difficultés d’accessibilité des logiciels, ou du manque de moyens de transport adaptés, estime Martine Routon, présidente départementale de l’association Valentin Haüy. Notre objectif est de sensibiliser sur les limites des personnes aveugles ou malvoyantes, sur leurs besoins, mais aussi sur leurs capacités ».