Montpellier : Bouvine, corrida, chasse, pêche… Ces traditions sont-elles vraiment menacées ?
MANIFESTATION Samedi, des milliers de défenseurs de la ruralité sont attendus à Montpellier, après la charge du Parti animaliste contre la bouvine
- Samedi matin, à Montpellier, des milliers de défenseurs de la bouvine manifesteront dans les rues, pour défendre cette tradition, mais aussi la chasse ou la pêche, qu’ils jugent menacées par les défenseurs des droits des animaux.
- « Toutes les traditions sont attaquées, assure Laurent Jaoul (sans étiquette), maire de Saint-Brès, un village près de Montpellier, et l’un des fers de lance de la manifestation. Si personne ne se lève, pour résister, ces traditions disparaîtront. »
- Pour Eddine Ariztegui (Parti animaliste), il n’est pas question d’interdire la bouvine, mais de la réformer. En revanche, pour l’élu montpelliérain, la chasse, la corrida ou la pêche au vif, génératrices de souffrances, n’ont plus lieu d’être.
Samedi, à Montpellier (Hérault), les opposants à la réforme des retraites ne seront pas seuls dans les rues. Le même jour, à 11 heures, sur la place de la Comédie, des milliers de défenseurs de la bouvine battront le pavé, pour défendre cette tradition, qu’ils jugent menacée par les défenseurs de la cause animale. Dans les courses camarguaises, très populaires dans l’Hérault, le Gard, les Bouches-du-Rhône et le Vaucluse, d’intrépides participants sautent dans l’arène pour récupérer des attributs, sur les taureaux.
Si les manadiers, les gardians, les raseteurs et bon nombre d’élus du coin voient rouge, c’est parce que le Parti animaliste a demandé que certaines pratiques soient interdites : la ferrade, qui consiste à marquer les taureaux au fer rouge, chauffé dans des braises, l’escoussure, lors de laquelle l’éleveur entaille l’oreille d’un veau, selon un schéma propre à chaque manade, et certaines méthodes de stérilisation, particulièrement barbares.
« Toutes les traditions sont attaquées »
Pour les amoureux de la bouvine, pour qui il n’y a rien à réformer, c’en est trop : cette nouvelle charge des animalistes met en péril cette tradition ancestrale. Vraiment ? Oui, assure Laurent Jaoul (sans étiquette), le maire de Saint-Brès (Hérault), l’un des fers de lance de cette mobilisation. Et pour cet élu, la bouvine n’est pas seule à être en danger. « Toutes les traditions sont attaquées, assure-t-il. Ils ont remis en cause la chasse, la pêche au vif. Ils ont attaqué la corrida. Et maintenant, ils s’attaquent à la bouvine. Et ils s’attaqueront à tout. Demain, ces mêmes élus nous diront que dans les cantines de nos écoles, on ne doit plus servir de la viande. J’appelle le peuple de Camargue, toute la ruralité, à rentrer en résistance. Nous sommes dans une véritable bataille politique, si personne ne se lève, pour résister, ces traditions disparaîtront. »
Corentin Carpentier, défenseur de la tauromachie, et fondateur de l’Union Jeunes de Provence et du Languedoc pour la défense de nos traditions, a appelé à manifester, lui aussi, samedi. Pour cette fédération, qui rassemble une trentaine d’associations tauromachiques, chaque jour, ces passions sont un peu plus attaquées. « Nous sommes sur un conflit de civilisation, entre des gens qui font partie de cette mouvance animaliste et antispéciste, de la fin des barrières entre les espèces, de ce monde à la Disney World, et d’autres qui, tout en ayant évolué sur leur vision du monde et des animaux, restent ancrés dans leurs territoires, et ont des passions, comme la chasse, la pêche, l’équitation, les différentes tauromachies… Je peux comprendre que l’on pense autrement, mais je ne comprends pas cette intolérance chronique et croissante à notre encontre », expose-t-il.
« Il y a des pratiques qui doivent disparaître »
Pour Eddine Ariztegui (Parti animaliste), élu à Montpellier, il n’est absolument pas question de demander l’abolition de la bouvine. Mais de faire évoluer les pratiques, « en supprimant les pratiques génératrices de souffrances pour les animaux », confie-t-il. En revanche, d’autres traditions, dont certains aficionados manifesteront samedi, n’ont, elles, plus lieu d’être. « Il y a des pratiques qui doivent disparaître, comme la corrida et la chasse, énumère Eddine Ariztegui. Ou la pêche au vif. Ce sont des pratiques du passé, et, heureusement, que la société évolue. Il existait des traditions, au Moyen-Âge, que nous n’avons plus aujourd’hui. Nous sommes à une période charnière, pour le développement des droits des animaux et certaines pratiques doivent être abolies. »
A Montpellier, l’élu a contribué, ces dernières années, à résilier les autorisations de chasse sur les terres communales, et à faire voter un vœu pour qu’il n’y ait plus d’animaux dans les cirques. Dernièrement, il a enjoint l’Unesco à ne pas accepter que le savoir-faire de la bouvine soit inscrit au patrimoine immatériel. La forte contestation, qui a aussitôt jailli après la demande du Parti animaliste de réformer la bouvine, n’effraie pas l’élu montpelliérain. C’est « un processus normal », assure Eddine Ariztegui. « Toutes les grandes avancées sociétales ont connu, au début, de grandes contestations, poursuit-il. Mais la société est mûre, aujourd’hui, pour que l’on ouvre de nouveaux droits pour les animaux. Ce combat, on le continuera, ce n’est pas la contestation qui nous fera taire. »
Lancée par le Parti animaliste, une pétition, sur le site du Sénat, demande que la bouvine soit réformée. Si elle atteint les 100.000 signataires, elle devra être étudiée par la Conférence de Présidents. C’est sans compter sur le monde de la ruralité, qui prévoit une marée humaine, samedi matin, à Montpellier, pour défendre ses traditions. « Vous verrez, on n’aura jamais vu autant de monde défendre la ruralité, confie Laurent Jaoul. On attend des bus entiers, de tous les départements du sud de la France. »