Lyon : « Mohamed était notre ange gardien », l’hommage au jeune homme retrouvé démembré

HOMMAGE Près de 400 personnes ont rendu hommage, ce mercredi après-midi à Lyon, au jeune garçon, dont le corps démembré a été retrouvé dans les canalisations d’un immeuble à Saint-Priest

Caroline Girardon
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Près de 400 personnes ont rendu hommage, ce mercredi après-midi à Lyon, au jeune Mohamed, dont le corps démembré a été retrouvé dans les canalisations d'un immeuble à Saint-Priest
Près de 400 personnes ont rendu hommage, ce mercredi après-midi à Lyon, au jeune Mohamed, dont le corps démembré a été retrouvé dans les canalisations d'un immeuble à Saint-Priest — C.Girardon/20 Minutes
  • Ce mercredi après-midi, près de 400 personnes ont déambulé dans les rues de Lyon à l’occasion d’une marche blanche rendant hommage au jeune Mohamed.
  • Le garçon, à peine âgé de 17 ans, a été tué dans des circonstances qui restent à éclaircir.
  • Son corps démembré avait été retrouvé il y a deux semaines dans les canalisations d’un immeuble à Saint-Priest.

« Ta gueule d’ange restée figée, sur une photo trop datée. Tu souris, t’es beau, t’as le plus bel âge. » Dans les têtes, chacune des paroles de Suzan résonne comme un hommage à Mohamed, tué à Lyon dans des circonstances encore relativement obscures, et dont le corps démembré a été retrouvé dans les canalisations d’un immeuble à Saint-Priest. Micro en main, Marie Luttenschlager, responsable du secteur jeunesse de la MJC des Rancy, égraine les couplets de la chanson. « Quel homme t’aurait été ? Est-ce que t’aurais vraiment changé si la vie t’avait laissé de la marge ? »

Mercredi après-midi, près de 400 personnes se sont réunies pour participer à une marche blanche en hommage au garçon et réclamer justice. Mohamed n’avait pas encore 17 ans. Depuis l’annonce du drame et l’atrocité de la vérité, sa famille est « restée là, en apnée », à « pleurer jusqu’à s’aveugler ». « Il aimait la vie, il avait la vie devant lui, s’effondre sa tante. Je n’arrive pas à le croire. La façon dont il est parti… » Les mots ne sortent plus. Ecrasée de chagrin, elle se reprend pour enchaîner : « Des fois, j’ai l’impression qu’il va venir sonner à ma porte. »

« Il le mérite »

Quelques mètres plus loin, le père de l’adolescent peine à parler. « Je veux simplement remercier tous ceux qui sont là et remercier les policiers qui travaillent sur l’enquête », confie-t-il. « Cette marche ne va pas le faire revenir mais il le mérite, complète son oncle. L’assassin n’a pas tué que Mohamed, il a assassiné toute la famille. Ce qui s’est passé restera gravé à tout jamais dans notre chair. Mohamed était bien éduqué, il était apprécié, respectueux ». « C’était notre ange gardien, abonde l’une de ses cousines. Il prenait soin de sa mère, de son père, de sa sœur. »

Le gamin avait des projets : faire un stage en Espagne, obtenir son Bafa. « Volontaire », il ne rechignait jamais à la tâche et passait la plupart des ses après-midi de libre à la MJC des Rancy. Alors quand on lui demande « quelques mots » pour décrire l’adolescent, Marie Luttenshlager répond d’emblée : « Oh, il y en a beaucoup, beaucoup. » « Il disait qu’au lieu de zoner dans le quartier, il préférait se rendre utile. Il aimait s’investir dans les événements que nous organisions. Il donnait tout le temps à un coup de main à la buvette ou à la restauration. Quand on était en sous-effectif, il se proposait toujours pour remplacer les animateurs manquants », résume la jeune femme.

Avant que le cortège ne s’élance derrière de larges banderoles, les applaudissements redoublent. Pas de minute de silence. « Le silence, ce n’est pas ce qui le représentait, sourit Marie Luttenshlager. Mohamed aimait faire du bruit. Il aimait bien être au centre de l’attention ». Faire le pitre, amuser la galerie. « Sa repartie bien à lui » avait le don de faire rire. « Gentil » est toutefois le mot qui revient le plus dans la bouche des participants.

« Pourquoi cette haine ? »

« Il était comme mon grand frère. Il n’avait jamais d’histoires avec personne. Il écoutait tout le monde », se remémore Inès, les yeux embués de larmes. Mohamed, elle l’a connue dès l’âge de six ans sur les bancs de l’école et « au parc ». « Je ne sais pas comment ça va être sans lui », ajoute-t-elle, entourée affectueusement par ses copines Adela, Mélina et Mélyia. « Il me faisait toujours rire, et surtout, il prenait soin de tout le monde, même ceux qu’ils ne connaissaient pas comme les petits, par exemple… Oui, il était gentil Mohamed », ajoute l’une d’elles.

En tête de cortège, la famille du garçon. Tête droite, son père défile silencieusement en tenant serré contre lui sa fille. « Cela me fait de la peine, confie Orkia, une habitante « très impliquée dans le quartier ». « Le petit, c’était un ange, une fleur. Pourquoi ? Pourquoi cette haine ? C’est monstrueux, comment un être humain peut faire cela ? » La Lyonnaise avoue qu’il lui « est difficile d’en parler » : « Je n’arrive pas à mettre de mots. »

« C’est triste pour les parents, pour les amis mais aussi pour tout le monde. On a peur maintenant pour nos enfants », confie à son tour Nacera qui déambule avec une rose blanche à la main. « La pauvre Lola a été tuée en rentrant de l’école. Mohamed a été tué en allant travailler. Les gens sont fous. On coupe des têtes, des mains… C’est trop. On a en marre de tout ça », conclut-elle avant de rejoindre la MJC. Sur place, un autel a été dressé avec des photos de Mohamed. Sur les clichés, le gamin sourit, savoure une victoire au karting, fait le V en pleine séance d’escalade, se concentre en atelier cuisine ou aide un « petit » à attacher son baudrier. Quelques répliques « cultes » prononcées par le môme sont épinglées. « Ça me fait mal au cœur », glisse une adolescente à son amie au moment de déposer une dernière rose.