Ille-et-Vilaine : Dix ans après son adoption, le gentilé Bretillien peine à se faire un nom

IDENTITÉ Sans nom officiel jusqu’alors, les habitants d’Ille-et-Vilaine s’appellent depuis 2013 des Bretilliens

Jérôme Gicquel
— 
Des habitants traversent la place de l'Hôtel de ville à Rennes.
Des habitants traversent la place de l'Hôtel de ville à Rennes. — C.Allain/20 Minutes
  • Cela fait dix ans désormais que les habitants du département d’Ille-et-Vilaine se nomment les Bretilliens.
  • Le choix du nom avait été décidé par un vote des élus du conseil général d’alors.
  • Dix ans plus tard, le gentilé manque encore de notoriété, peu d’habitants se revendiquant Bretilliens.

Ils auraient pu s’appeler Breizh-Illiens, Ille-et-Vilainois, Gallovilliens ou bien encore Vilainilliens. Mais depuis le 20 juin 2013, les habitants d’Ille-et-Vilaine se nomment les Bretilliens. Contraction de Bretons et d’Illiens, ce gentilé avait été choisi par 38 voix contre 12 par les élus du conseil général d’alors, ces derniers le préférant au nom de Haut-Bretons qui était également proposé au vote. Dix ans après ce changement d’identité, les habitants d’Ille-et-Vilaine se sentent-ils Bretilliens ? Et utilisent-ils ce terme pour se nommer ?

Un rapide sondage dans la rue tend à prouver que ce gentilé peine à exister en dehors de la communication institutionnelle de la collectivité, du discours des élus et des médias. « Alors, j’ai déjà lu plusieurs fois ce nom dans la presse mais je ne l’utilise jamais », souligne Marine, croisée non loin du conseil départemental dans le quartier Beauregard à Rennes. « Autant je me sens Breton et Rennais mais pas trop Bretillien », affirme de son côté Romuald, ouvrier dans le bâtiment.

« Renforcer le sentiment d’appartenance »

Dans les couloirs du département, on ne feint pas que le gentilé manque encore de notoriété. « Je pense qu’il y a encore une majorité de gens qui ne le connaissent pas », assure Jean-Luc Chenut, président du conseil départemental d’Ille-et-Vilaine. « Il faudra de toute façon du temps pour que les gens se l’approprient », poursuit l’élu socialiste, pas très bavard sur le sujet.

C’est son prédécesseur Jean-Louis Tourenne, aux manettes du département de 2004 à 2015, qui avait engagé la démarche, un peu à la surprise générale, après un sondage en ligne réalisé en 2012 par Ouest-France. L’Ille-et-Vilaine faisait alors partie des rares départements français encoure dépourvus de gentilé (lire l’encadré). « A ce moment-là, les départements étaient menacés de disparition et il me semblait important d’avoir un gentilé pour avoir une identité et renforcer le sentiment d’appartenance à une même communauté de destin », souligne l’ancien sénateur d’Ille-et-Vilaine.

La population pas consultée sur le nom

Un temps envisagée, la question d’organiser un référendum sur le sujet avait finalement été abandonnée. A la place, un comité d’experts avait été nommé et deux noms proposés au vote des élus. « En cas de référendum, il y avait le risque et la certitude que quel que soit le nom proposé, cela allait susciter du rejet, assure Jean-Louis Tourenne. Il m’a donc semblé préférable que le conseil général décide seul. » Une manière aussi d’éviter qu’un nom loufoque ne sorte des urnes comme celui de Breizh-Illien, qui avait été plébiscité par les lecteurs de Ouest-France. « Peut-être que ce gentilé, plus humoristique, aurait été adopté plus facilement par la population, reconnaît Stéphane Lenfant, vice-président du conseil départemental délégué aux mobilités. Mais on aurait aussi perdu en crédibilité je pense. »



Reste que la méthode avait fortement déplu à Patrick Jehannin. « C’était une mascarade car la population n’a jamais été consultée », fulmine-t-il encore aujourd’hui. Sur son blog personnel, ironiquement baptisé Être ou ne pas être bretillien, cet ancien cadre du CHU de Rennes n’a eu de cesse pendant plusieurs mois de dézinguer ce gentilé « qui n’avait rien de naturel et ne s’imposait pas. »

Un gentilé souvent mal orthographié

 Dix ans plus tard, celui qui se sent plus « Moldave que Bretillien » a un peu abandonné son combat. Mais quand on le relance sur le sujet, le naturel revient vite au galop. « On nous avait aussi promis une évaluation pour mesurer le degré d’adoption de ce gentilé mais rien n’a été fait, indique-t-il. Mais plutôt que le rejet ou l’acceptation, je pense qu’il suscite plutôt de l’indifférence. » « Mais c’était utile de le faire, lui répond Jean-Luc Chenut. Car il y a un côté pratique à pouvoir se nommer. »

A condition bien sûr de bien orthographier le gentilé Bretillien, pas souvent bien écrit. « J’ai recensé une vingtaine d’associations qui utilisent ce gentilé dans leur dénomination. Et dans la moitié des cas, c’est mal écrit », ironise Patrick Jehannin. En Ille-et-Vilaine, il reste donc encore du chemin avant que les habitants ne se revendiquent Bretilliens.

Il reste encore deux départements sans gentilé

Après l’Ille-et-Vilaine, le département de l’Ain s’était également doté en 2018 d’un gentilé. Ses habitants s’appellent ainsi désormais les Aidinois. Après ce vote, deux départements français n’ont toujours pas de nom officiel pour leurs habitants. Il s’agit du Maine-et-Loire et de la Loire-Atlantique. Dans ce dernier, on utilise parfois le terme de Ligériens. Mais ce nom prête à confusion car il évoque aussi celui des habitants des Pays-de-la-Loire et du département de la Loire.