Réforme des retraites : « Vivre l’instant présent »… Comment les jeunes de 20 ans voient leur vie en 2067
Futur lointain Des centaines de milliers de personnes étaient dans la rue ce jeudi pour dire non à l’allongement de l’âge de départ à la retraite à 64 ans
- Au milieu des centaines de milliers de manifestants qui ont défilé en France ce jeudi, de nombreux jeunes crient leurs craintes pour leur avenir.
- L’allongement de l’âge de départ à la retraite emmènera un jeune de 20 ans à partir en 2067.
- 20 Minutes les a interrogés pour avoir leur regard sur leur vie professionnelle et l’image qu’ils ont de cette retraite qui paraît si loin.
A Rennes,
Leur retraite, ils n’y pensent pas. Certains nous ont avoué qu’ils n’y avaient même jamais réfléchi. Ce mardi, ils étaient pourtant dans la rue pour crier leur opposition à la réforme voulue par le gouvernement d’Elisabeth Borne qui prévoit un allongement de l’âge de départ à la retraite à 64 ans. Qu’ils soient âgés de 15, 18, 20, 24 ou 27 ans, ces jeunes s’inquiètent tous pour leur avenir. Mais ils s’alarment bien plus de la précarité de leur futur proche que de l’hypothétique retraite à laquelle ils pourraient prétendre d’ici quarante ans. Tous ceux que nous avons croisés ont insisté sur la nécessité de vivre dignement sans se tuer au travail. Voici quelques témoignages glanés au hasard de nos discussions dans le cortège de manifestants à Rennes. Des échanges sur fond de sono qui sature, parfois entrecoupés de vitrines brisées et même perturbés par la fumée d’une Tesla en train de brûler.
Mathilde, 24 ans, AESH
Elle travaille 24 heures par semaine comme accompagnante d’élèves en situation de handicap (AESH). Un métier qui plaît beaucoup à Mathilde mais qu’elle n’envisage pas de faire toute sa vie. « C’est comme les pâtes. Même si tu adores ça, au bout d’un moment, si tu en manges tous les jours, ça devient fadasse », glisse-t-elle dans un sourire. « Moi, je préfère ne pas travailler trop longtemps, après on devient aigri. » Sa retraite, elle la voit comment ? « Si c’est à 64 ans, je pense que je serai morte avant. Et si ce n’est pas le cas, je me vois bien dans la vieille maison de mes parents, à faire pousser mes petits légumes avec quelques chiens ».
Sami, 19 ans, en terminale
Lui voudrait devenir éducateur spécialisé. Un métier qui lui fait envie mais qu’il ne compte pas exercer sans compter. « Je ne me vois pas travailler comme un forcené juste pour économiser. C’est de l’esclavage moderne. Travailler toute sa vie juste pour avoir quelques années de retraite, moi ça ne donne pas envie. Je préfère vivre l’instant présent. » S’il part à la retraite à 64 ans, Sami devra attendre 2069 pour se reposer. « Je n’arrive même pas à penser si loin. J’ai comme l’impression que l’on va lentement vers une fin horrible, sans que l’on ne s’en rende compte. »
Marie, 27 ans, animatrice pour enfants
Elle ne travaille à plein temps que pendant les vacances scolaires. Animatrice pour enfants, Marie exerce un métier « très irrégulier » et pas franchement rémunérateur. Pas vraiment un avantage quand on parle de cotisation retraite. « Je ne me sens pas capable de prendre un boulot à plein temps, de me lever tous les jours. Ma mère, elle bossait tout le temps, je ne la voyais jamais. C’est impossible de m’imaginer quarante ans dans la même boîte. » Son idéal de vie ? « Je n’ai pas besoin d’un gros salaire. Ce que je veux, c’est profiter de la vie, même si c’est un peu précaire. » Et pour la retraite ? « Une maison un peu schlag avec des potes. Je préfère la bienveillance et l’amour à l’argent. »
Léa, 16 ans, en bac pro cuisine
Elle était certaine d’avoir trouvé sa voie. Mais les premiers contacts noués avec les chefs n’ont pas vraiment convaincu Léa de faire carrière dans la restauration. « Je ne veux plus faire ça. » Quoi d’autre alors ? « Peu importe. Je crois que j’ai envie de trouver un job pour économiser puis partir voyager. Et puis recommencer à travailler pour économiser et encore et encore. » Une carrière gruyère qui pourrait lui porter préjudice sur la durée de cotisation imposée pour partir avec un taux plein. Si elle part à 64 ans, ce sera en 2071… « Je ne me vois pas dans une maison de retraite ou un lit d’hôpital, ça me paraît trop triste. Je veux profiter de la vie avant d’arriver à 60 ou 70 ans. A cet âge-là, tu n’as plus la foi pour en profiter. »
Martin, 18 ans, en recherche d’emploi
Quand on lui demande ce qu’il envisage pour sa retraite, Martin est bien embêté. « Je ne sais déjà pas ce que je vais faire l’année prochaine. Alors dans quarante ans, je n’imagine même pas. » Militant, il veut garder espoir en la mobilisation collective pour faire changer la loi. « Quand je serai vieux, j’aimerais être dans un système plus juste, qui aura changé grâce à nos luttes. » En attendant, il enchaîne des petits boulots. « C’est pesant mentalement et physiquement ».
Félix, 20 ans, en fac de géographie
Il a d’abord validé un BTS avant de basculer vers l’université pour y suivre un cursus de géographie. Du haut de ses 20 ans, Félix espère valider un master pour travailler dans la protection du littoral. Sa retraite ? « Si je suis dans un bureau, à 64 ans, ça peut aller. Mais cotiser 40 annuités, je trouve que c’est une absurdité. Je me vois mal faire un seul et même métier toutes ces années. Si je dois économiser, c’est pour profiter. Je n’arrive pas à voir aussi loin. »
Élise, 15 ans, lycéenne
Elle n’a « aucune idée » de ce qu’elle veut faire plus tard. Mais elle sait déjà ce qu’elle ne veut pas faire. « Travailler 40 ans dans la même boîte comme mes parents, ça, c’est non. Il y aura tellement de changement, tellement de choses à voir, à faire. Mais j’ai l’impression que dès que tu sors du travail, tu repars à zéro. » Si elle prend sa retraite à 64 ans, Élise peut espérer se la couler douce en 2072. Quelle vie entend-elle mener à ce moment-là ? « J’ai du mal à m’imaginer. Mais je ne peux pas penser que ça continue comme ça. »