Pesticides : La filière de la cerise française s’inquiète face à la mouche asiatique
Vent debout La saison des cerises s’annonce morose du fait de l’interdiction d’une molécule utilisée pour lutter contre la Drosophila suzukii
« Cerises françaises, bientôt un souvenir ? » La filière est inquiète pour son avenir. Elle redoute une baisse drastique de la récolte faute de pouvoir neutraliser la mouche asiatique qui s’attaque à ses vergers. Alors que les arbres ne sont pas encore en fleurs, la saison des cerises s’annonce morose du fait de l’interdiction d’une molécule utilisée pour lutter contre la Drosophila suzukii, un minuscule moucheron invasif arrivé en France il y a une dizaine d’années, expliquent les producteurs.
Résultat, une trentaine de tracteurs ont convergé en début de semaine vers la place principale de Tournon-sur-Rhône (Ardèche). Sur les capots, des panneaux résument la détresse des manifestants : « Papy a planté, papa aussi et moi je dois arracher », dit un des messages. La filière est vent debout dans les principaux départements producteurs : le Vaucluse, le Gard, le Rhône ou encore l’Ardèche.
Une mouche destructrice
La Commission européenne a refusé début 2022 de renouveler l’homologation du phosmet, en raison de « risques inacceptables pour les opérateurs, travailleurs, passants et résidents », pointés par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa). La décision relevait également « un risque aigu et chronique élevé pour les consommateurs » ainsi que pour la faune. Après un délai de grâce d’une dizaine de mois, cette molécule et son produit associé, l’Imidan, sont interdits en France, au grand dam de ces agriculteurs.
« A partir de la mi-juin, on ne pourra plus ramasser de cerises », assure Florian Minodier, arboriculteur en Ardèche. En cause, cette Drosophila Suzukii, qui se reproduit à une vitesse fulgurante et pond ses œufs dans les fruits rouges à maturité, particulièrement lorsque le temps est chaud et humide. Il y a sept ans, l’interdiction d’une première molécule également jugée toxique par les autorités sanitaires, le diméthoate, avait déjà augmenté la charge de travail, ajoutent ces producteurs.
D’autres solutions pas idéales
D’après eux, les produits encore autorisés (Success 4, Exirel, Karate Zeon, notamment) nécessiteraient davantage de traitements pour une efficacité encore réduite. « La nuit on traite, la journée on ramasse, et malgré tout on a toujours peur que les cerises soient piquées », témoigne Aurélien Gayet, arboriculteur dans le Rhône.
Une autre solution consiste à poser des filets sur les cerisiers pour empêcher les mouches d’atteindre les fruits. Mais pour les nombreux vergers de coteaux la mise en place est complexe, assurent ces producteurs. Au-delà de l’investissement de plusieurs dizaines de milliers d’euros, les filets induisent des contraintes dissuasives, poursuivent-ils. « Ça nous demanderait de retailler tous les arbres, sans compter que les filets ne sont pas faits pour nos vergers traditionnels parfois non mécanisables », explique Alain Arquillère, producteur à Saint-Julien-sur-Bibost (Rhône). Le ministère de l’Agriculture doit prochainement recevoir les producteurs.