Patrimoine : Salle de sport, lieu culturel ou brasserie… Des églises ressuscitent sous d’autres cieux
Résurrection L’ancienne ministre de la Culture, Roselyne Bachelot a suggéré récemment de raser les « petites églises sans intérêt » plutôt que de dépenser de l’argent dans les rénovations
- L’ancienne ministre de la Culture, Roselyne Bachelot, a provoqué la colère de beaucoup de défenseurs du patrimoine religieux en affirmant que la France devrait se résoudre à détruire beaucoup de petites églises construites au XIXe siècle en raison de leur coût d’entretien et de restauration pour les municipalités et pour l’Etat.
- En effet, de nombreuses communes rencontrent des difficultés à financer ces coûts et sont parfois contraintes de laisser les églises à l’abandon. Beaucoup d’autres ont trouvé des astuces pour continuer à faire vivre ces édifices.
- Projets respectueux de l’aspect cultuel des lieux ou transformations en salle de sport ou en brasserie, les initiatives se multiplient un peu partout en France.
« Il faut se résoudre à raser les petites églises sans intérêt patrimonial ». L’idée suggérée par Roselyne Bachelot dans son dernier livre a provoqué l’ire de beaucoup de croyants. Pas question de s’attaquer à la religion avec cette proposition, mais plutôt de soulager l’Etat de constructions onéreuses en entretien et en restauration.
Si le constat d’une baisse de fréquentation des édifices religieux est indéniable (baisse du nombre de fidèles, regroupement de communes…), beaucoup de Français, même non-croyants, se sont soulevés contre cette idée arguant que les églises font partie du patrimoine de nos villes et villages.
2.500 à 5.000 églises risquent l’abandon ou la destruction d’ici 2030
La France compte près de 45.000 églises sur son territoire, selon le site gouvernemental vie-publique.fr, dont 40.000 qui appartiennent aux communes, puisque toutes celles qui ont été construites avant la loi de 1905 de séparation des Eglises et de l’Etat sont revenues à ce dernier.
Selon un rapport parlementaire sur l’état du patrimoine religieux en France, publié en juillet 2022, entre 2.500 et 5.000 églises sont fermées et risquent l’abandon, la destruction ou la vente d’ici à 2030. Mais de nombreuses municipalités et défenseurs du patrimoine religieux n’ont pas attendu les propos de Roselyne Bachelot pour tenter de redonner vie à ces bâtisses.
Des activités en lien avec la spiritualité
Pour certains, la clé réside dans l’ouverture des églises à d’autres activités souvent en lien avec la religion pour respecter l'origine du lieu. Elles sont nombreuses à déjà proposer des concerts de chants liturgiques ou des pièces de théâtre autour de la Bible. Mais d’autres innovent davantage comme l’église Saint-Hilaire de Mortagne-sur-Sèvre en Vendée qui devient Vendée Vitrail tous les ans depuis 2018 d’avril à novembre : un projet culturel autour de la découverte des vitraux, de la conception au message porté par les œuvres.
C’est le type d’initiatives encouragé par la Fondation du patrimoine, qui a annoncé en novembre 2022 le lancement de son prix Sésame dont l’objectif est de promouvoir la revalorisation respectueuse des lieux de culte. « Ces lieux ont une fonction de maison commune. Aussi, nous encourageons tout ce qui permet aux gens de se ressourcer », explique Bertrand de Feydeau, vice-président de la Fondation et président du jury, qui cite en exemple la lecture, la musique, la mise en valeur du patrimoine et de l’Histoire, « on peut y ajouter tout ce qui touche à la vie collective ».
Au total, six initiatives bénéficieront d’un financement de 20.000 euros chacune à condition de respecter certains critères, dont la compatibilité avec l’usage cultuel de l’édifice et le respect de l’architecture. « Malgré la baisse de fréquentation des lieux de culte, le besoin de spiritualité et de sens n’a jamais été aussi grand », ajoute Bertrand de Feydeau.
Salles collectives ou lieux culturels, des espaces intégrés à la commune
Si elles ne respectent pas ces critères, d’autres initiatives participent au développement de la vie collective. A Pontivy (56), par exemple, la communauté de communes a installé son siège dans une ancienne chapelle en réhabilitant le lieu avec des salles de réunion, d’expositions et de réceptions. Dans l’Eure, à Harcourt, la municipalité qui avait transformé son église en gîte disponible à la location, projette, avec le concours d’une association locale, d’en faire un lieu culturel pour y proposer du théâtre.
En Haute-Saône, à Luxeuil-les-Bains, la chapelle Notre-Dame-des-Ailes a été restaurée en 2019 pour devenir une galerie d’art et une salle de vente aux enchères. Dans le Nord, l’église Saint-Pierre s’est transformée en tiers-lieu avec notamment une épicerie en son sein. Les possibilités sont multiples, d’autant que comme le précise Bertrand de Feydeau, « ce sont souvent de grands espaces très bien placés ».
Sport, restauration ou location… Le privé aussi à des idées
Mais d’autres églises s’offrent une seconde vie via un changement radical de destination et découvrent une nouvelle utilité. Certains projets ont fait du bruit comme cette chapelle du 8e arrondissement de Paris devenue en novembre dernier, une salle d’escalade ou la chapelle de la Charité à Caen, transformée en 2020 en salle de sport.Mais les municipalités décident parfois tout simplement de vendre les bâtisses afin de se débarrasser de la gestion compliquée qui les accompagnent. Beaucoup d’entre elles tombent dans l’escarcelle de particuliers qui décident souvent de les transformer en logement personnel ou destinée à la location saisonnière et touristique.
Que ceux qui craignent de ne plus trouver de lieu pour pratiquer leur culte se rassurent. Il n'est pas si simple de transformer une église. En effet, la désaffectation d'un lieu de culte est conditionnée par la loi et « elles restent très rares », selon Bertrand de Feydeau.
Ces lieux sont affectés à l'Église catholique, à titre gratuit, exclusif et perpétuel par la loi du 2 janvier 1907. Les communes n'ont pas le droit de disposer des églises dont elles sont propriétaires à leur guise. Ainsi, pour désaffecter une église, une des conditions suivantes doit être remplies : L'association bénéficiaire doit être dissoute, le culte ne doit plus y être célébré depuis plus de six mois consécutifs, la conservation de l'édifice est compromise par l'insuffisance d'entretien, si l'édifice est détourné de sa destination ou si l'association ne respecte pas ses obligations légales. L'heure de l'Armageddon pour les « petites églises » n'a donc pas encore sonné.