Réforme des retraites : « Je ne crois pas au futur où j’aurai une retraite paisible », s’attristent nos lecteurs
VOTRE VIE VOTRE AVIS Avec la durée de cotisation rallongée, l'incompréhension face à certains effets de la réforme et une certaine anxiété pour l’avenir, nos lecteurs ne sont pas indifférents au projet de réforme des retraites présenté hier
- La réforme des retraites prévoit le passage de l’âge de départ minimum à 64 ans avec 43 annuités de cotisations.
- Dans notre appel à témoignages, les lecteurs de 20 Minutes se disent « dégoûtés » de cette décision.
- Entre pénibilité au travail, adéquation avec le marché du travail, écoanxiété et peur d’une nouvelle réforme d’ici à leur départ à la retraite, leurs craintes sont nombreuses.
Il y a de l’électricité dans l’air. Le projet de repousser l’âge légal de départ à la retraite, présenté mardi par le gouvernement, suscite, sans surprise, de vives réactions. Actuellement situé à 62 ans, cet âge minimum pourrait être reporté à 64 ans, après 43 annuités de cotisations. Si la mise en œuvre de cette réforme sera progressive, toutes les personnes nées après juin 1961 seront concernées. Les lecteurs et lectrices qui ont répondu à notre appel à témoignages s’inquiètent pour leurs droits.
« Avant la réforme, il devait me rester environ dix-sept ans à travailler. On m’en annonce aujourd’hui deux de plus et surtout sans gagner plus, regrette Gaëtan, 46 ans. Si j’imaginais prolonger ma fin de carrière dans un coin de ma tête, c’était surtout pour gagner plus à la retraite. Là, ce sera pour rien. »
La réaction est d’autant plus vive que le métier est pénible. « Je n’ai déjà plus une colonne vertébrale en très bon état. En 2002, j’ai eu un accident du travail, relate Nathalie, 54 ans, infirmière en milieu hospitalier depuis trente ans. Je suis restée en catégorie active avec une perte de salaire pour pouvoir partir plus tôt à la retraite, et là, on me dit de prolonger encore de trois ans. Franchement je suis dégoûtée. »
« PAC » s’inquiète par ailleurs des effets de cette réforme sur l’employabilité des seniors. « Etant cadre et ayant commencé à cotiser à 24 ans, je suis parti pour travailler jusqu’à 67 ans. La question que je me pose n’est pas forcément sur mes capacités physiques, mais plutôt intellectuelles et ma capacité à m’adapter aux nouveaux outils, expose-t-il. Je pense que les entreprises vont devoir accompagner, former pour ne pas se retrouver avec un très grand nombre de chômeurs âgés de 62 ans et plus. »
« Je ne comprends pas comment je pourrai travailler trente-quatre ans comme ça »
Même s’ils ne sont pas les plus touchés – le passage à 43 annuités de cotisation obligatoires étant déjà prévu depuis la réforme Touraine de 2014 –, les plus jeunes se sentent aussi concernés et inquiets par le discours autour des retraites. « Je travaille depuis quatre ans dans les travaux publics, raconte Erwan, 30 ans. Je ne comprends pas comment je pourrai travailler encore trente-quatre ans comme ça. On nous demande de travailler plus, alors même que des milliers de chômeurs pourraient augmenter les revenus des caisses de retraite s’ils avaient du travail. »
Avant même de rejoindre le marché du travail, certains se sentent déjà dépassés. « Je ne commencerai à travailler au plus tôt qu’à partir de 2025, à 30 ans, explique Kévin, étudiant de 27 ans "au parcours sinueux". Si je devais travailler encore 42 anuités (en ôtant ce que j’ai déjà obtenu), ça me fera un départ à la retraite à taux plein, théoriquement, à 72 ans en l’an 2067. » A cela s’ajoute une forme de pessimisme et d’écoanxiété : « Je ne crois nullement en un futur où j’aurai une retraite paisible. Peut-être que de prochaines réformes me feront partir en retraite plus tôt, mais peut-être aussi encore plus tard. Et surtout, qui peut encore prétendre qu’en 2060, la société et le monde seront encore stables ? »
Envie de manifester pour la première fois
Malgré tout, certaines personnes ne se disent pas préoccupées. « Je ne suis pas inquiet. J’ai 47 ans, deux enfants, je bosse depuis vingt-cinq ans et je trouve normal que l’on travaille jusqu’à 65 ans en France, revendique Philippe. C’est d’ailleurs un âge de retraite très commun dans les pays européens comparables en matière de qualité de vie. […] Le travail est la composante essentielle de la vie. » S’il trouve la réforme « nécessaire » pour « éviter de laisser des dettes à [ses] enfants », Hervé est plus nuancé. Selon lui, « il faut optimiser le dispositif compte épargne-temps pour permettre un départ anticipé autofinancé ».
Alors, face à l’inquiétude, certains sont prêts à se mobiliser contre cette réforme, même si ce n’est pas dans leurs habitudes. « Pour la première fois de ma vie, j’envisage même d’aller rejoindre des mouvements de grève pour faire entendre mon mécontentement », reprend Erwan. « Je pense me mobiliser contre cette reforme, qui épargne d’ailleurs complètement les retraités actuels », abonde Gaëtan. On les attend jeudi prochain : c’est le jour choisi par les syndicats pour leur première journée d’action.