Tarifs, amélioration du réseau, préservation… Ce qui change avec une gestion publique de l’eau

RESSOURCE Depuis le 1er janvier 2023, Lyon et Bordeaux ont rejoint les dizaines de métropoles françaises à avoir repris en main la distribution de l’eau

Elise Martin
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La distribution de l'eau dans la métropole lyonnaise est passée en délégation de service public depuis le 1er janvier 2023 (Illustration).
La distribution de l'eau dans la métropole lyonnaise est passée en délégation de service public depuis le 1er janvier 2023 (Illustration). — M.Libert / 20 Minutes
  • Bordeaux et Lyon sont les deux dernières grandes métropoles françaises à avoir repris la gestion de l’eau.
  • 20 Minutes s’est interrogé sur les changements qu’a apportés une régie publique par rapport à une régie privée.
  • Anne Grosperrin, vice-présidente de la métropole de Lyon, a cité plusieurs exemples pour illustrer les avantages d’une « pleine reprise de ce bien commun ».

Depuis le 1er janvier 2023, la métropole de Lyon a repris en main la distribution de l’eau et a mis fin au contrat avec Veolia, relancé en 1986, après un premier bail entre 1853 et 1900. C’est plus de dix ans après sa voisine, Grenoble, qui a été suivie par Paris, Rennes, Nice ou encore Montpellier dans les années 2010.

« Aujourd’hui, près de 50 % des Français sont approvisionnés par des régies publiques », assure Anne Grosperrin, vice-présidente de la métropole lyonnaise, chargée du cycle de l’eau. Elle souligne une évolution progressive de ce nombre et note qu'« aucune des collectivités n’a fait marche arrière après avoir pris cette décision ». Mais alors, qu’est-ce que ça change de passer d’une régie privée à à une régie publique ?

Plus on consomme, plus on paie

Pour le contribuable, pas grand-chose dans l’immédiat. En tout cas, pour Lyon, car à Paris, les prix avaient baissé de 8 % un an après la création de la régie. Mais d’ici à 2025, la facture devrait changer pour les habitants de la métropole lyonnaise, en s’inspirant du modèle dunkerquois ou montpelliérain.

« Une réflexion sera lancée cette année sur une tarification sociale et environnementale, poursuit Anne Grosperrin. On veut proposer les premiers mètres cubes gratuits pour les plus démunis et prendre en compte les situations des usages en fonction des personnes. » Pour résumer, dans deux ans, les prix pourront être modulés par rapport à la consommation de chacun. Plus on consomme, plus on paie mais avec différents paliers entre « l’eau essentielle » (de 0 à 80 m3 par an), « l’eau utile » (de 81 à 200 m3) et celle « de confort » (plus de 200 m3).



L’élue chargée du cycle de l’eau a promis « un accès à toutes et à tous à ce bien commun vital ». La métropole aimerait pérenniser l’expérimentation qui s’est déroulée en 2022 sur les raccordements d’eau potable des campements grâce à des rampes de distribution. Elle veut également créer des services tels que « des douches publiques » pour les « plus de 18.000 personnes sur le territoire qui n’ont pas de logement stable et qui vivent dans des conditions précaires ». La vice-présidente rappelle que Veolia n’avait pas « vocation à mener ce genre de missions » et souligne alors l’importance de la « pleine reprise de la métropole ».

Diversifier les captages « au cas où »

Autre aspect qui ne préoccupe pas forcément une régie privée : la préservation de la ressource et une « vision à long terme sur des questions de qualité et de quantité ». « On va vers sa raréfaction, lance Anne Grosperrin. On ne peut pas rester sur une marchandisation de l’eau avec une société privée qui cherche à rentabiliser pour verser des dividendes à ses actionnaires. Désormais, tout sera au profit du service afin de l’améliorer. »

Dans les priorités, la diversification des captages. Actuellement, 92 % de l’eau consommée des 1,4 million d’habitants de la métropole provient d’un seul captage, à Crépieux-Charmy. « Au cas où la principale source se retrouve polluée ou s’il y a un problème, c’est important d’avoir d’autres sources pour assurer l’approvisionnement à tous, explique l’élue. On va capter sur les nappes de l’est lyonnais tout en anticipant la raréfaction de la ressource. Les scientifiques prédisent une réduction de 30 % du débit du Rhône dans les prochaines années. »

Des régies « efficaces »

Cette idée a été expérimentée et validée sur la Côte d’Azur depuis plusieurs années. En récupérant la gestion en 2013, la métropole niçoise a développé ses sources d’alimentation mais en a également profité pour améliorer tout le réseau, notamment dans l’arrière-pays. « On a alors vu l’efficacité de la régie Eau d’Azur lors de la tempête Alex, au moment de ramener l’eau dans les vallées métropolitaines touchées, illustre celle chargée du cycle de l’eau. Là aussi, la reprise en main de la maîtrise technique est essentielle. On voit ainsi qu’une régie publique a les compétences pour gérer. »

La vice-présidente de la métropole de Lyon précise que la collectivité fait partie du réseau France eau publique. « On s’est appuyé sur les expériences de chacun pour réfléchir à ce que nous pouvons mettre en place sur notre territoire », indique-t-elle. Elle cite l’exemple de l’eau de Paris et de sa politique de « protection des captages qui sont très loin de la capitale et de l’ensemble du réseau » qui lui a permis d’économiser et de réinvestir.

« Il n’y a que des retours positifs et de pratiques inspirantes dans le fait d’avoir une régie publique, quelles que soient les préférences politiques. Ce défi commun fait dépasser les différences », conclut-elle.