Les aveugles vont (enfin) pouvoir payer leur livre en braille au même prix que les éditions classiques

Égalité A Toulouse, le Centre de transcription et d’édition en braille a décidé d’appliquer le prix unique afin de favoriser l’égalité d’accès à la culture des personnes aveugles

Béatrice Colin
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Un éditeur toulousain a décidé de commercialiser les livres en braille au même tarif que les éditions classiques (archives).
Un éditeur toulousain a décidé de commercialiser les livres en braille au même tarif que les éditions classiques (archives). — G . VARELA / 20 MINUTES
  • A compter de ce mercredi, les aveugles pourront se procurer des livres en braille au même tarif que ceux sortis en version classique.
  • Une initiative née de la volonté du Centre de transcription et d’édition en braille de Toulouse de proposer aux déficients visuels une égalité des chances d’accès à la culture.
  • Un changement qui permet d’instaurer un tarif unique pour tous, alors que le prix de revient d’un livre tactile est aujourd’hui en moyenne de 700 euros.

Lorsque, en mai dernier, Franck Thilliez sort Labyrinthes, ses fans sont nombreux à débourser 21,9 euros pour lire le dernier opus du roi du polar français. Mais pour certains d’entre eux, il leur a fallu près de trois fois ce prix pour acquérir la dernière pépite du romancier. Pas parce que la reliure du livre était dorée à l’or fin, mais parce qu’il était publié en braille.

Malgré la Loi Lang qui a instauré il y a un peu plus de quarante ans le prix unique du livre en France, les aveugles ne bénéficient pas d’un égal accès à la lecture et doivent payer trois à cinq fois plus cher leurs livres. Une inégalité qui va disparaître à compter de ce mercredi, journée mondiale du braille.

Un changement né de la volonté du Centre de transcription et d’édition en braille de Toulouse qui va désormais vendre les livres adaptés au même prix que les éditions classiques que l’on trouve en librairie.



700 euros, le prix de revient d’un livre adapté en braille

« Lorsqu’un livre de 250 pages sort en format poche, c’est une semaine de travail à plein temps pour l’adapter en braille, du temps pour la relecture, l’utilisation de machines spécifiques et l’utilisation d’un papier particulier dont le prix a augmenté de 55 %. Pour un tome d’Harry Potter en version classique de 350 pages vendu 10 euros, en version braille il y aura cinq volumes d’un total de 670 pages en format A4 qui coûtera 750 euros à produire. Finalement, le prix de revient d’un livre en braille oscille entre 600 et 800 euros », explique Denis Guérin, responsable des journaux en braille et de la communication au CTEB.


Pas question pour autant de les vendre ce prix-là. Jusqu’à présent, le tarif était donc plus cher pour se procurer ces livres tactiles, mais pas inaccessible grâce à des partenariats et aux fonds propres de l’association.

Une subvention de l’Etat lui permettait aussi de proposer une réduction de 50 % du prix à destination des particuliers, le Harry Potter était ainsi vendu 55 euros. Le travail de transcription du centre, comme l’adaptation en braille des relevés bancaires, assure une activité rémunératrice qui a rendu ce nouveau tarif possible.


Un livre en version classique et sa transcription en braille.
Un livre en version classique et sa transcription en braille. - CTEB

Si 107.000 nouveaux livres sont publiés chaque année en France, très peu le sont en braille. Quand un best-seller en version classique se vendra à 200.000 exemplaires, s’il atteint la dizaine de ventes en version tactile, c’est un record, car seuls 3 % des déficients visuels ont accès aux œuvres littéraires, et l’un des plus grands freins reste le prix.

« Désormais nous serons alignés sur le prix unique, quel que soit le nombre de volumes, c’est un signe fort pour l’égalité des chances. Il y a aujourd’hui les livres audios, mais les livres en braille, cela reste très important. Ce n’est pas parce qu’on est aveugle qu’on ne lit pas, qu’on n’écrit pas. C’est important pour l’orthographe, pour l’apprentissage, pour les études et pour l’autonomie », insiste Denis Guérin, l’un des dix salariés du CTEB qui propose un catalogue de 2.000 livres, aussi bien destinés à la jeunesse avec des illustrations en relief que des classiques comme Jules Verne.