Nice : Des slogans cachés par les forces de l’ordre avant la venue de Gérald Darmanin

ACTION Le ministre de l’Intérieur et des Outre-mer était en déplacement à Nice ce vendredi matin, notamment pour présenter le premier hôtel des polices. Sur les vitrines de la librairie d’en face, des slogans ont été cachés par des tissus noirs

Elise Martin
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Devant les vitrines de la librairie, les forces de l'ordre ont posé des draps noirs pour cacher des slogans féministes
Devant les vitrines de la librairie, les forces de l'ordre ont posé des draps noirs pour cacher des slogans féministes — Les colleureuses de Nice
  • Ce vendredi matin, alors que le ministre de l’Intérieur présentait le futur hôtel des polices à Nice, des tissus noirs ont été dressés par les forces de l’ordre devant la librairie en face du lieu du futur établissement.
  • Les messages que voulaient cacher les agents de police ont été posés par le collectif des Colleureuses de Nice en collaboration avec la librairie en question.
  • Aucun élément de réponse n’a été apporté pour justifier cette action de la police alors que « les messages n’étaient ni insultant, ni diffamant et positionnés dans un commerce privé », rappelle le collectif qui a collé les slogans.

« Qui sème l’impunité récolte la colère », « violeurs on vous voit » ou encore « Sophie on te croit » en lettres peintes sur des feuilles blanches. Ce vendredi matin, sur les vitrines de la librairie Les Parleuses, ces slogans ont été posés par le collectif des Colleureuses de Nice à l’occasion de la venue du ministre de l’Intérieur et des Outre-mer, qui présentait le nouvel hôtel des polices juste en face.



« Après s’être rendu compte de la présence des messages, les forces de l’ordre ont arraché les slogans présents à l’extérieur des vitrines, raconte le collectif interrogé par 20 Minutes. Ils ont alors découvert que les mêmes messages étaient également affichés à l’intérieur, et donc inaccessibles. Quelques minutes plus tard, du matériel a été déposé afin de réaliser des cadres en bois recouverts de draps noirs qui ont été ensuite positionnés contre les vitres pour masquer les affiches ».

« Faire passer un message clair »

L’action a donc vraisemblablement dérangé. « Quand on est arrivé pour ouvrir notre librairie vers 9h30, il y avait ces grands tissus noirs accrochés, explique Maud cogérante du lieu. Les forces de l’ordre ont pris nos identités et quand on leur a demandé des explications et si c’était illégal, nous n’avons eu aucune réponse. »



Le collectif explique que cette action avait pour but de « faire passer un message clair ». « En profitant de la venue de Gérald Darmanin, il y avait la volonté d’interpeller le gouvernement sur les violences sexistes et sexuelles, mais aussi sur l’impunité dont bénéficient les auteurs de ces violences mais aussi permettre aux passants de s’interroger tout en montrant notre soutien aux victimes. »

Cette collaboration était d’autant plus symbolique car Les Parleuses avaient reçu Hélène Devynck, autrice de L’impunité, trois jours plus tôt. « Gérald Darmanin vient en face de chez nous, celui qui représente le système qui nous muselle, il fallait faire quelque chose », s’exclame Maud.



« De la censure, ni plus ni moins »

Les propriétaires de l’établissement n’ont pas eu le droit d’enlever les draps noirs jusqu’au départ du ministre de l’Intérieur du futur hôtel des polices. « On avait interdiction de toucher à ce qu’ils avaient mis, poursuit la libraire. On se pose la question de la possibilité d’agir de la sorte de la part des forces de l’ordre. Ces messages étaient sur nos vitres, qui nous appartiennent. Tout comme la liberté d’expression. Qu’est-ce qu’ils essaient de cacher ? Qu’est-ce que cela signifie ? Si monsieur Darmanin vient, on n’a pas le droit de faire ça ? Mais alors, pourquoi ? »

Mêmes interrogations de la part du collectif niçois qui rappelle que « les messages étaient non insultants et non diffamants, positionnés derrière les vitrines d’un commerce avec l’accord des gérantes ». Selon le collectif, « c’est de la censure ni plus, ni moins ». Les Colleureuses concluent : « Bien que la lutte contre les violences sexistes et sexuelles soit pour la seconde fois la grande cause du quinquennat, apparemment toutes les vérités ne sont pas bonnes à dire. »

Contactées par 20 Minutes, ni la Direction départementale de la sécurité publique des Alpes-Maritimes, ni la préfecture ou la mairie n’ont su apporter des éléments de réponses au moment de la publication de l’article.

Gérald Darmanin a été accusé de viol, harcèlement sexuel et abus de confiance par Sophie Patterson-Spatz pour des faits qui se seraient produits à Paris en 2009. Il a bénéficié d’un non-lieu en juillet. La plaignante a fait appel.