Rennes : Pour attirer les jeunes des quartiers, des recruteurs jouent au foot avec eux
SOCCER D’EMBAUCHE Un grand tournoi de soccer mélangeant personnes en recherche d’emploi et employeurs était organisé pour rapprocher deux mondes qui se connaissent mal
- Un tournoi de soccer était organisé jeudi 24 novembre à Rennes. Sa particularité : mélanger les jeunes des quartiers et des recruteurs.
- Une centaine de candidats a pu jouer aux côtés de recruteurs venus des entreprises de la région de Rennes pour nouer un premier contact.
- L’objectif est de « casser les codes » du recrutement et de mettre plus à l’aise les jeunes en recherche d’emploi en les plaçant dans un environnement familier.
A la sortie du match, ils échangent quelques mots. « Tu cherches du travail, c’est ça ? », demande Renan. Salarié de Lidl, il représente aujourd’hui la chaîne de grande distribution pour laquelle il travaille depuis quelques années. Ce sportif n’a jamais joué au foot de sa vie. Jeudi matin, à Rennes, il a pourtant croisé le chemin de Lamine, un gaillard de 19 ans bien habile avec un ballon au pied.
Sans ce tournoi de soccer mêlant demandeurs d’emploi et recruteurs, les deux hommes ne se seraient sans doute jamais croisés. En évoluant ensemble sur le terrain, ils ont un peu sympathisé, avant de prendre un temps pour discuter à la fin du match. « Je cherche du travail depuis deux ou trois mois. Ça commence à être long, j’ai envie de trouver », explique Lamine. Sans permis de conduire, le jeune Rennais peine à trouver du boulot. Après lui avoir promu « la bonne rémunération » et le management que Lidl propose sur sa plateforme logistique, Renan lui a vanté la solution de covoiturage qui permet aux salariés de venir travailler.
Une centaine de personnes en recherche d’emploi présentes
Ce premier contact professionnel s’est noué dans le brouhaha des terrains de soccer de la Route de Lorient, à Rennes, où se tenait la troisième édition de l’événement « Ça va matcher ». L’idée avait germé dans l’esprit de la fondation Face, lors de la dernière Coupe du monde de football en 2018. « Le constat était simple. Dans les quartiers populaires, les jeunes diplômés mettent six à neuf mois de plus que la moyenne à trouver un emploi. Dans les forums de recrutement traditionnels, ils se sentent stigmatisés parce qu’ils n’ont pas le bon nom ou la bonne adresse. Là, ils ont tous la même tenue, les candidats comme les recruteurs », résume Rachel Gardize, directrice de la fondation Face.
Une centaine de personnes en recherche d’emploi avaient répondu présentes ce jeudi. « C’est plus que sur n’importe quel rendez-vous habituel », se réjouit la directrice. Onze entreprises étaient représentées et ont participé aux matchs, sans que personne ne sache qui était qui.
Arrivé à Rennes en août, Enzo fait partie des candidats heureux de cette matinée. « Le foot, c’est un prétexte pour se rencontrer mais ça marche très bien. Dans mon équipe, je me suis senti intégré, on m’a bien accueilli. Il n’y avait pas de différence selon la taille, la couleur de peau ou l’âge. On était tous là pour jouer ensemble », résume le gamin de 20 ans, sourire en coin. Cet ancien footballeur espère faire la connaissance d’entreprises qui accepteraient de le prendre à l’essai. Mais il n’imaginait pas que sa passion du ballon rond pourrait lui offrir des entretiens d’embauche. « Les valeurs du sport sont très appréciées dans l’entreprise : l’esprit d’équipe, l’entraide, le challenge. Ces comportements, on peut déjà les observer sur un terrain », résume François Neuville, responsable régional de Proman, l’une des grosses sociétés d’intérim françaises.
« On casse les codes »
Sa responsable RSE aussi a joué. « On casse les codes. Voir son futur employeur en tenue de sport, ça change l’image. Ici, on est tous égaux, on se ressemble tous », estime Pauline Braibant. En venant ici, la jeune femme espère faire connaître son entreprise et nouer des premiers contacts avec des jeunes souvent éloignés des radars de l’intérim.
Si on était loin du niveau de jeu de la Coupe du monde qui se déroule en ce moment au Qatar, l’essentiel était bien ailleurs. Au fil de cette matinée de matchs, puis lors du job dating prévu l’après-midi, les jeunes des quartiers ont pu prendre confiance et s’exprimer, chacun à leur manière. « Quand ils ont un entretien, ils stressent, ils ne sont pas à l’aise. Parfois, ils ne se présentent pas, sans qu’on ne sache vraiment pourquoi. Ici, c’est moins conventionnel, ça dédramatise le rendez-vous », estime Julie Delourmel, conseillère emploi au sein du réseau de mission locale We Ker. « Au moins, là, on est détendus », assure Lamine.