« Ocean Viking » : Quelle est la situation des migrants, une semaine après leur arrivée en France ?

IMMIGRATION Une semaine après leur arrivée sur le territoire français, le sort d’une partie des migrants de l’« Ocean Viking » est entre les mains de la justice. Les autorités ont perdu la trace d’une partie des mineurs isolés, après une fugue

Mathilde Ceilles
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Des migrants à bord de l'Ocean Viking approchant Toulon
Des migrants à bord de l'Ocean Viking approchant Toulon — AFP
  • Il y a une semaine, l’Ocean Viking accostait à Toulon, avec, à son bord, 234 sans-papiers.
  • Certains ont pu demander l’asile. D’autres sont des mineurs isolés pris en charge par le département du Var, comme le prévoit la loi. Mais la moitié a fugué.
  • Le sort d’une centaine d’entre eux se trouve entre les mains de la cour d’appel d’Aix-en-Provence

C’était il y a tout juste une semaine. Après des jours d’attente et d’errance en mer Méditerranée, l’Ocean Viking débarquait à Toulon, marquant pour la première fois l’arrivée en France de migrants secourus par l’ONG SOS Méditerranée. Une semaine après, reste pour le gouvernement français l’épineuse gestion de ce flux de 234 migrants. Ce jeudi, 26 de ces jeunes migrants ont ainsi fugué des centres d’accueil dans lesquels ils vivaient. 20 Minutes fait le point sur la situation.



Où sont les 234 rescapés ?

Les migrants de l’Ocean Viking vivent des situations différentes en fonction de leurs statuts. Ainsi, 44 d’entre eux ont été reconnus comme mineurs isolés, et pris en charge par le conseil départemental du Var comme le prévoit la loi. Mais parmi ces 44, 26 ont fugué des structures d’accueil qui leur sont dédiées. Un communiqué de presse du conseil départemental envoyé ce jeudi explique en effet avoir signalé la disparition de ces mineurs isolés auprès du procureur de la République. « La France n’est pas la destination souhaitée pour les migrants de certaines nationalités, écrit le conseil départemental. Ces 26 mineurs, essentiellement des Erythréens, ont préféré rejoindre leurs familles et leurs proches installés dans d’autres pays d’Europe tels que les Pays-Bas, le Luxembourg, la Suisse ou encore l’Allemagne. » « Trois des 44 mineurs avaient déjà fugué dès le lendemain et le surlendemain de leur prise en charge », et jeudi matin « cela fait 23 mineurs de plus qui manquent à l’appel », a déclaré Jean-Louis Masson, le président LR du département, au Figaro jeudi.

Ces migrants, considérés comme mineurs, n’étaient pas dans une zone d’attente fermée, contrairement aux quelque 190 autres majeurs qui ont accosté vendredi dernier à Toulon. Cette zone n’est pas considérée comme appartenant au territoire français, de sorte que les migrants qui y sont ne sont donc pas considérés comme étant en France. Une seule condition pour sortir : pouvoir demander l’asile. Pour examiner ces demandes, des membres de l’office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) ont réalisé sur place au début de la semaine des entretiens individuels. Non sans mal : se trouvent des Soudanais, des Maliens, des Syriens ou encore des Erythréens ou Bangladais, qui ne parlent souvent ni français, ni anglais. Or, du propre aveu ce mercredi du préfet du Var Evence Richard, le manque d’interprètes sur le site se fait criant. Quelques policiers et bénévoles parlant l’arabe se retrouvent à aider. Pour les autres langues et dialectes, les autorités doivent faire appel à un service téléphonique.

Combien de personnes peuvent-elles demander l’asile ?

Une soixantaine de personnes avaient le droit de demander l’asile mercredi, selon des statistiques communiqués à l’AFP par le préfet du Var Evence Richard. « Nous allons permettre leur répartition sur le territoire européen, a indiqué ce mercredi lors des questions au gouvernement le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin. Onze pays, que je souhaite remercier, acceptent de les relocaliser. » « Certains vont demander l’asile en France, indique la députée Renaissance spécialiste des migrations Stella Dupont, et qui était mercredi en visite dans la zone d’attente fermée. Mais d’autres avec qui j’ai pu parler, dont beaucoup d’anglophones, ont des contacts avec l’Angleterre ou l’Allemagne. Pour la réadmission dans les différents pays d’Europe, les services de l’Etat vont devoir organiser l’orientation de ces personnes-là. Mais je ne suis pas certaine avec le cadre législatif actuel qu’on puisse contraindre une personne d’aller dans tel ou tel pays. » Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a annoncé lundi qu’il voulait expulser au moins 44 des migrants de l’Ocean Viking sans apporter de précisions.

Que se passe-t-il pour les autres ?

Le sort des migrants restants se retrouve entre les mains de la justice. La réglementation prévoit en effet qu’à l’issue d’un délai de quatre jours, un juge de la liberté et de la détention statue sur une éventuelle prolongation de huit jours, renouvelable une fois, d’un maintien dans la zone d’attente. Or, saisi par la justice pour obtenir une prolongation de ces sans-papiers en zone d’attente, le tribunal judiciaire de Toulon a mis fin à cette rétention pour une partie d’entre eux. En cause : l’expiration d’un délai légal. Le parquet a fait appel et environ 120 migrants ont été conduits à la cour d’appel d’Aix-en-Provence pour statuer sur leur cas. « S’ils sont libérés, ils peuvent rentrer sur le territoire et faire une demande d’asile, explique Alexandre Moreau, président de l’Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers (Anafé). Si non, ils reviennent dans la zone d’attente temporaire pour procéder à leur éloignement. »

Rien que dans la journée de jeudi, la cour d’appel d’Aix-en-Provence devait, théoriquement, examiner 77 dossiers. « Nous n’avons pas les informations consolidées, mais il semblerait que beaucoup sont libérables », indique Alexandre Moreau. Les audiences pourraient se poursuivre jusqu’à ce vendredi. Sollicités, ni la préfecture du Var, ni le ministère de l’Intérieur n’ont souhaité communiquer.