Quel est ce dispositif qui propose un loyer à moins de 100 euros pour les apprentis ?
LOGEMENT Le dispositif Apprentoit, repéré par la Fédération française des trucs qui marchent, permet aux apprentis et jeunes travailleurs de se loger pour une somme modique, près de leur lieu de travail
- Ce mardi est lancée la Fédération française des trucs qui marchent. Celle-ci a repéré partout en France des initiatives locales peu ou pas connues, qui ont fait leur preuve et duplicables dans d’autres villes. Parmi les six qui vont être présentées à Paris sur la scène du théâtre de la Madeleine : Apprentoit.
- Ce dispositif permet de loger en zones rurales des jeunes de 16 à 28 ans près de leur lieu de travail, pour un loyer de 100 euros maximum.
- Lancé en 2013, il a permis de loger 500 à 600 jeunes au total dans les 31 logements existants. Une réflexion existe pour développer ce dispositif.
« Tout était meublé, je n’ai eu qu’à poser mes valises », explique en souriant Laurène, 21 ans, en poussant la porte de son studio, simple mais coquet, à Lamontjoie, un village de 600 habitants dans le Lot-et-Garonne. Elle y a emménagé il y a un an pour suivre un apprentissage en menuiserie dans l’entreprise Euseda à Saint-Mézard, une commune située à seulement 6 km du village. C’est son employeur qui l’a orientée vers le dispositif « Apprentoit », qui permet de loger en zones rurales des jeunes de 16 à 28 ans près de leur lieu de travail, pour un loyer de 100 euros maximum. Depuis 2013, date du lancement du dispositif par le bailleur Ciliopée (qui a fusionné avec Domofrance en 2020) et repéré par la Fédération française des trucs qui marchent (voir encadré), environ 500 à 600 jeunes ont pu bénéficier de ces 31 logements de proximité.
« Mes parents habitent à Villeneuve-sur-Lot, à 50 kilomètres, et il faut parfois une heure de route pour se rendre à Saint-Mézard, explique Laurène. Cela m’aurait aussi fait un coût pas possible en essence, donc j’ai eu de la chance de trouver ce logement-là, ça a été vraiment bienvenu. » Un vrai coup de pouce pour la reconversion de cette jeune femme qui suit les pas de son père, menuisier ébéniste, après s’être essayée au droit.
Un accompagnement social
Elle débourse 116 euros charges comprises (parce qu’elle a eu une année de césure après ses études pendant laquelle elle a un peu travaillé) pour ce petit appartement. « A posteriori, je pense que cela aurait été très difficile sans ce logement, estime-t-elle. J’ai un salaire d’apprentie même si je suis un peu plus payée comme je suis majeure. Je gagne en moyenne 900 euros par mois et avec un loyer compris entre 300 à 500 euros par mois, il ne reste plus beaucoup pour tout le reste. »
Emma, apprentie coiffeuse, loge dans un autre studio au rez-de-chaussée du petit logement en pierre de la bastide de Lamontjoie. Les deux jeunes femmes vivent dans l’ancien garage du receveur des postes. « Il n’y a plus ni receveur ni bureau de poste, commente Pascal Boutan, le maire de Lamontjoie. Le petit bâtiment était très vétuste et on l’a cédé pour un euro symbolique au bailleur Ciliopée, qui en est devenu propriétaire. Pour nous, c’était l’occasion de réhabiliter ce bout de rue, qui a son charme. » Depuis 2015, le village accueille des apprentis en ingénierie, en restauration, en coiffure et des travailleurs saisonniers aussi.
Ces jeunes, parfois mineurs, ont besoin d’aide pour leurs premiers pas hors du cocon familial. Emmanuelle Salleres, chargée de mission pour le dispositif Apprentoit et salariée du foyer de jeunes travailleurs intégré à la Chambre des métiers du Lot-et-Garonne, suit de très près une quinzaine de jeunes. D’autres, comme Laurène, sont plus autonomes. En lien avec les missions locales, les centres communaux d’action sociale (CCAS), les mairies et les employeurs, elle identifie les « jeunes qui trouveraient un emploi dans le département et à qui il manquerait un logement pour signer un contrat de travail. »
De la vie dans les petits bourgs
Derrière ce dispositif, on trouve la conviction de Muriel Boulmier, fondatrice de Ciliopée : « L’apprentissage par défaut ne prospère pas. Le Lot-et-Garonne est une terre d’artisanat et d’apprentissage et il fallait créer des logements dans le patrimoine de centre-ville. » Pour que cela fonctionne, il faut aussi des loyers très abordables. « J’ai négocié avec le ministère le fait qu’il puisse y avoir une fusion des deux habitations [le domicile familial et le logement du jeune pour ses études] pour l’ouverture du droit et l’APL [aide pour le logement] est versé au regard des deux lieux d’habitat, explique-t-elle. Je suis allée chercher la Chambre des métiers pour gérer Apprentoit dans le cadre d’une convention, en leur demandant que les jeunes n’aient pas plus de 100 euros par mois. »
C’est le programme d’investissement d’avenir (PIA) soutenu par l’Union européenne, qui permet de financer ce dispositif. Il rencontre un franc succès auprès des artisans employeurs qui souhaiteraient son développement. Mais aussi auprès des apprentis et apprenties.
Des apprentis qui restent après leur formation
« Il m’a dit : "Ici monsieur le maire, je suis heureux !" », se souvient Pascal Boutan, en se remémorant le passage d’un jeune apprenti dans un garage de mécanique auto. Il avait pris sa licence au club de foot local et rencontré des amis donc il a voulu rester dans le village après son apprentissage. Il lui a été possible d’emménager dans un petit studio avec sa copine, avant de déménager à Agen où il avait trouvé du travail. « Les jeunes ont besoin de cette stabilité pour bien démarrer dans la vie », estime l’élu local, qui rapporte qu’il n’y a jamais eu aucun problème avec les différents jeunes accueillis dans le cadre d’Apprentoit.
Laurène envisage un tour de France avec les compagnons du devoir, à la fin de son apprentissage mais si cela ne se fait pas, elle se voit bien rester dans les environs. « Je trouve ça bien aussi d’être dans un petit village, c’est calme et on n’est pas isolés, il y a tout ce qu’il faut [médecin, pharmacie, épicerie] et je m’y plais bien. »
20 secondes de contexte
20 Minutes est partenaire éditorial de la fédération française des trucs qui marchent (FFTM), dans ce partenariat nous mettons en avant des initiatives qui ont séduit la rédaction. Pendant 10 mois, la FFTM a parcouru la France pour trouver des initiatives locales peu ou pas connues, qui ont fait leur preuve et duplicables dans d’autres villes. Elle les présente ce mardi à Paris sur la scène du théâtre de la Madeleine.