« Retrouver confiance en eux »… Comment le sport vient en aide aux gendarmes blessés

Enquête Le dispositif de reconstruction des blessés par le sport, mis en place par la gendarmerie, fête cette année son 25e anniversaire

Thibaut Chevillard
Après avoir volé l'arme d'une policière municipale qu'il a blessé avec un couteau, un homme avait ensuite tiré à plusieurs reprises en direction de la caserne de gendarmerie de la Chapelle-sur-Erdre (Loire-Atlantique) en mai 2021.
Après avoir volé l'arme d'une policière municipale qu'il a blessé avec un couteau, un homme avait ensuite tiré à plusieurs reprises en direction de la caserne de gendarmerie de la Chapelle-sur-Erdre (Loire-Atlantique) en mai 2021. — Sebastien SALOM-GOMIS
  • La gendarmerie organise ce mardi sa 4e journée nationale de reconstruction des blessés par le sport, qui réunira 60 blessés en service.
  • Tous ont suivi le parcours de reconstruction par le sport et participé à l’un des quatre stages mis en place par l’institution depuis 1997, destinés à aider les militaires blessés physiquement ou psychologiquement.
  • « A travers les activités proposées, on les aide à retrouver confiance en eux, l’autonomie qu’ils ont pu perdre. On essaie aussi de faciliter leur retour à l’emploi », explique à 20 Minutes son référent, le lieutenant Franck Martineau.

Une année et demie s’est écoulée, mais l’émotion est encore palpable dans la voix d’Anthony lorsque le gendarme évoque le 21 mai 2021. Ce jour-là, ce militaire de 32 ans ne travaille pas. Il est avec sa compagne, enceinte, dans leur logement situé à l’intérieur de la caserne de la Chapelle-sur-Erdre (Loire-Atlantique). Soudain, il apprend qu’un homme radicalisé, qui a subtilisé l’arme d’une policière municipale après l’avoir poignardée, se dirige vers la gendarmerie. Il s’est retranché dans un appartement à proximité de la caserne et séquestre une jeune femme. Quelques minutes plus tard, Anthony aperçoit le suspect sauter du balcon, avancer vers ses collègues et ouvrir le feu. Il saisit son arme de service et tire sur lui depuis la fenêtre du salon. L’agresseur est neutralisé par l’un de ses collègues. Il est interpellé avant de décéder des suites de ses blessures.

Anthony s’en sort sans blessure physique, mais le traumatisme psychologique, lui, est bien présent. Une fois l’adrénaline redescendue, le jeune homme cogite, se met à penser « à tout ce qui aurait pu se passer », raconte-t-il à 20 Minutes. Il culpabilise vis-à-vis de ses collègues blessés au cours de la fusillade. « Je m’en voulais énormément de ne pas avoir pu le neutraliser avant qu’il les touche. » Il ressent de la peur, aussi, lorsqu’il s’approche de sa fenêtre, se rend compte que « ça ne va pas trop ». Il lui a fallu un peu de temps pour comprendre qu’il était une « victime mais psychologique ».

« On connaît les vertus positives du sport »

Sa hiérarchie lui a ensuite proposé d’intégrer le dispositif de reconstruction des blessés par le sport. Un programme mis en place en 1997 « à la suite de l’augmentation du nombre de blessés au sein de l’institution », explique à 20 Minutes son référent, le lieutenant Franck Martineau. Chaque année, environ 70 gendarmes participent à l’un des quatre stages élaborés autour de quatre thématiques : la mer, la montagne, l’équitation et la famille. Ils sont organisés deux fois par an et accueillent chacun une dizaine de militaires. Objectif : leur permettre de se reconstruire psychologiquement et de partager librement leur expérience. « On connaît les vertus positives du sport, souligne le lieutenant Martineau. A travers les activités proposées, on les aide à retrouver confiance en eux, l’autonomie qu’ils ont pu perdre. On essaie aussi de faciliter leur retour à l’emploi. »

Pour sa part, Anthony a suivi un stage de reconstruction militaire des blessés par le sport et un stage organisé par la gendarmerie, qui s’intitule « Esprit de cordée », au cours duquel il a participé, aux côtés d’autres gendarmes blessés, à des activités de montagne. « Le sport dénoue les langues, observe-t-il. La parole est un peu plus libre après une séance d’exercice. » Entre gendarmes qui ont vécu « des choses similaires », il est plus facile de se livrer, de « parler de ce que l’on ressent », de « craquer », d’évoquer les « épreuves » traversées. « On a l’impression qu’ils nous comprennent. »

« Montrer la reconnaissance de l’institution »

Surtout, Anthony se sent « accompagné » dans le temps par la gendarmerie. Le jeune homme a repris le travail après son congé paternité. « Ce dispositif, c’est aussi une manière de montrer la reconnaissance de l’institution », note le lieutenant Franck Martineau. Ce mardi, une soixantaine de gendarmes blessés en service, et qui ont suivi le parcours de reconstruction, sont d’ailleurs invités à la direction générale de la gendarmerie, où ils seront reçus par la haute hiérarchie à l’occasion d’une journée qui met à l’honneur ce dispositif. Si Anthony se sent mieux aujourd’hui, le jeune papa a demandé à quitter la brigade de la Chapelle-sur Erdre, afin de passer définitivement « à autre chose ».