Rennes : « On n’a même plus honte de venir »… Des étudiants toujours plus nombreux à la distribution alimentaire

PRÉCARITÉ Avec la flambée des prix alimentaires, de plus en plus d’étudiants ont des difficultés à se nourrir

Jérôme Gicquel
Plus de 600 étudiants ont fait la queue mercredi pour la distribution alimentaire organisée par le syndicat Union Pirate sur le campus de Rennes-2.
Plus de 600 étudiants ont fait la queue mercredi pour la distribution alimentaire organisée par le syndicat Union Pirate sur le campus de Rennes-2. — J. Gicquel / 20 Minutes
  • Avec la flambée des prix alimentaires, de plus en plus d’étudiants ont du mal à se nourrir correctement
  • Signe de cette précarité croissante, la file d’attente ne cesse de s’allonger à la distribution alimentaire organisée deux fois par mois sur le campus de Rennes-2.
  • Dans ce contexte, l’Agence régionale de santé de Bretagne lance une campagne de communication à destination des jeunes sur le thème du bien manger.

La scène se répète inlassablement toutes les deux semaines. Un mercredi sur deux, plusieurs centaines d’étudiants font le pied de grue, un tote bag à la main, devant l’entrée du bâtiment Ereve de l’université Rennes-2. La longue file d’attente qui s’étire sur des dizaines de mètres sur le campus de Villejean est impressionnante. Elle témoigne surtout de la précarité dans laquelle sont plongés bon nombre d’étudiants aujourd’hui, contraints d’avoir recours à une distribution alimentaire pour remplir leur frigo.

« J’ai un budget très serré et passé le milieu du mois, je suis déjà ric-rac pour faire mes courses », témoigne Alex, 21 ans, qui attend son tour en lisant un bouquin. Comme lui, de nombreux jeunes comptent donc désormais sur l’aide apportée par l’Union Pirate, syndicat majoritaire sur le campus, pour manger tous les jours. Alimentée par des dons de la Banque Alimentaire et de particuliers, cette opération solidaire avait vu le jour en février 2021 en pleine crise sanitaire pour venir en aide aux étudiants, durement touchés par la pandémie.

« Tous nos amis sont dans la même galère »

Près de deux ans plus tard, le Covid s’est un peu fait oublier. Mais la distribution alimentaire est, elle, toujours en place. Et elle touche même de plus en plus de bénéficiaires, au grand dam de ses organisateurs. « Il y avait environ 200 ou 300 personnes pendant le Covid mais le nombre a doublé avec l’inflation, assure Gwénolé Bourrée, élu étudiant à la commission de la formation et de la vie universitaire de Rennes-2 et membre de l’Union Pirate. On a plein d’étudiants qui n’osaient pas venir avant et qui n’ont désormais pas le choix, signe que la précarité étudiante est devenue banale. »

Assises sur un banc après avoir récupéré quelques boîtes de conserves, des pâtes et des gâteaux, Elisa et Chiara, étudiantes en sociologie, évoquent leurs difficultés à se nourrir alors que les prix explosent à la caisse. « Je n’ai plus du tout la même alimentation qu’avant car tout coûte plus cher », assure Chiara, qui s’est résolue depuis la rentrée à solliciter l’aide gratuite de l’Union Pirate, accessible sans conditions de ressources. « On a un peu honte au début mais plus maintenant quand on voit que tous nos amis sont dans la même galère, indique-t-elle. On va à la distribution alimentaire entre potes du coup. »

Les repas servis au Crous mis en cause

Boursière, la jeune femme fréquente également régulièrement le Crous pour pouvoir bénéficier d’un repas à un euro. Mais depuis la rentrée, l’institution est en pleine tempête dans la région, accusée d’avoir diminué les portions des repas servis dans ses restaurants et d’avoir réduit son offre alimentaire. Une situation que dénonce Lola Blandin-Bourgeon, présidente de la Fédération des associations de Haute-Bretagne (FAHB). « On ne comprend pas ces décisions qui fragilisent encore plus les conditions de vie des étudiants dans un contexte déjà tendu », indique-t-elle.

Même son de cloche du côté de l’Union Pirate qui dénonce régulièrement, photos à l’appui, la dégradation de la quantité et de la qualité des repas servis dans les restaurants universitaires rennais, autrefois réputés pour leur service. Dans un communiqué diffusé en septembre, la direction du Crous avait expliqué que les coûts de production avaient « fortement augmenté pour atteindre près de huit euros par repas » et regretté « les difficultés d’approvisionnement ou les augmentations du prix des denrées alimentaires. »

L’ARS fait campagne sur l’alimentation des jeunes

C’est dans ce contexte de précarité croissante des étudiants que l’Agence régionale de santé (ARS) de Bretagne lance une campagne de communication à leur destination. Baptisée « Chope le coup de food », elle vise à sensibiliser les 16-25 ans sur le thème du bien manger à travers des recettes « simples, rapides et pas plus chères » que des plats déjà préparés. Pour toucher le public, l’ARS Bretagne a fait appel à quelques influences bretonnes qui partageront leurs conseils sur Snapchat, TikTok et Instagram jusqu’à la fin décembre.